Les internautes slaloment entre les lignes pour faire la lumière sur des sujets ignorés par la presse officielle.

Une fois de plus, le téléphone a sonné pour l’inviter à «prendre un café», mot d’usage utilisé par les services de renseignements syriens lorsqu’ils convoquent un opposant. Sauf que, depuis ce 7 juillet 2007, Tariq Biassi n’est jamais rentré chez lui, dans sa maison de Tartous, au nord de Damas. Il a fallu attendre ce mois de mai 2008 pour apprendre que le blogueur a finalement été condamné à trois ans de prison. Motif invoqué : «publication de fausses informations» et «affaiblissement du sentiment national». En fait, le jeune homme de 23 ans a posté un article critiquant les services de sécurité de son pays sur un forum Internet.

L’histoire de Tariq n’est pas isolée. De Damas à Riyad, en passant par Le Caire, une vague de répression s’abat sur une nouvelle force d’opposition qui défie le pouvoir en place : les «cyberdissidents». Armés d’un ordinateur, d’un téléphone portable et, parfois, d’un appareil photo numérique, cette nouvelle génération de journalistes en herbe s’est donnée pour objectif de briser le silence sur les atteintes aux droits de l’homme.

 «Ils comblent le vide laissé par la presse locale, muselée par les pouvoirs en place», constate Gert Van Langendonck, rédacteur en chef de Menessat, un site Internet dédié aux médias arabes. Corruption, torture, harcèlement… Rien n’échappe aux blogueurs. «En leur absence, personne ne serait capable de savoir ce qui se passe dans ces sociétés», remarque Alexandra Sandels, une journaliste suédoise qui travaille sur la cybercensure au Moyen-Orient.

Ni contraintes de taille ni délais d’impression pour ces petits génies de l’informatique. Grâce aux outils Internet sites Web de réseaux sociaux ou encore les twitters, ces textos envoyés directement d’un téléphone portable sur un blog , les blogueurs informent en temps réel, en évitant la censure. Succès garanti, à en croire la récente mobilisation de la blogosphère tunisienne, où l’on a pu voir de jeunes auteurs raconter, en direct, les manifestations organisées par des milliers d’ouvriers des mines de phosphates de Gafsa, Redyef et Oum-el-Arayess pour protester contre l’inflation. Les journaux officiels se sont gardés d’en faire part à leurs lecteurs.

Multiplication des filtres

Sur la Toile égyptienne, on saisit la portée de cette fronde virtuelle. Grâce à une vidéo postée sur YouTube, Wael Abbas, un des blogueurs en vogue au pays des Pyramides, parvint à alerter, l’an dernier, l’opinion publique sur le cas d’un chauffeur de bus sodomisé par deux policiers. Au point de forcer la justice à condamner les coupables à deux ans de prison.

Revers de la médaille, le cyberactiviste de 33 ans découvrit, un peu plus tard, que son compte chez YouTube avait été bloqué… et sa boîte de courriels fermée. «L’absence de législation relative à Internet est une aubaine, car elle facilite la liberté d’expression», constate Clothilde Le Coz, de Reporters sans frontières. «Cependant, les autorités profitent, elles aussi, de ce vide pour réprimer les blogueurs à toutes les sauces», ajoute-t-elle. Dernier exemple en date : l’arrestation pendant quinze jours, en avril, de la jeune Égyptienne Esraa Abdel Fattah. Son crime «virtuel» : avoir créé, sur Facebook, un groupe d’appel à une grève générale réclamant, entre autres, de meilleurs salaires.

La pression gouvernementale ne s’arrête pas là. «On assiste de plus en plus à l’augmentation des formes de censure indirectes», précise Clothilde Le Coz. Elle cite la multiplication des filtres bloquant l’accès aux sites controversés ou encore le contrôle plus systématique des cybercafés. En Syrie, un décret oblige depuis juillet 2007 les propriétaires des sites Internet à conserver les données personnelles des auteurs d’articles. «C’est en retrouvant l’origine de sa connexion que les autorités de Damas auraient apparemment réussi à identifier Tariq Biassi. Lors de son interrogatoire, le jeune homme a nié les faits qui lui étaient reprochés en assurant que les commentaires publiés n’étaient pas les siens, dans la mesure où il partageait sa ligne téléphonique avec six autres abonnés, dont un cybercafé», note-t-elle. Mais pour l’heure, la justice reste ferme. Deux autres cyberdissidents, Habib Saleh et Firas Saad, subissent actuellement le même sort que lui.

Forts de leur maîtrise de l’informatique, les «e-opposants» arrivent à contourner les filtres imposés sur la Toile. Quand des collègues sont jetés en prison, ils mettent un point d’honneur à publier l’information, jusqu’à confectionner des sites qui leur sont dédiés. Ironie de l’histoire : depuis son arrestation, Tariq Biassi, le jeune blogueur «timide et calme» c’est ainsi que le décrivent ses amis, jouit d’une notoriété qu’il n’aurait jamais imaginée. La pétition «Free Tariq» (Libérez Tariq) est relayée par une dizaine de blogs et de forums sur Internet.

Delphine Minoui – Le Figaro – 26/05/2008

Les internautes slaloment entre les lignes pour faire la lumière sur des sujets ignorés par la presse officielle.

Une fois de plus, le téléphone a sonné pour l’inviter à «prendre un café», mot d’usage utilisé par les services de renseignements syriens lorsqu’ils convoquent un opposant. Sauf que, depuis ce 7 juillet 2007, Tariq Biassi n’est jamais rentré chez lui, dans sa maison de Tartous, au nord de Damas. Il a fallu attendre ce mois de mai 2008 pour apprendre que le blogueur a finalement été condamné à trois ans de prison. Motif invoqué : «publication de fausses informations» et «affaiblissement du sentiment national». En fait, le jeune homme de 23 ans a posté un article critiquant les services de sécurité de son pays sur un forum Internet.

L’histoire de Tariq n’est pas isolée. De Damas à Riyad, en passant par Le Caire, une vague de répression s’abat sur une nouvelle force d’opposition qui défie le pouvoir en place : les «cyberdissidents». Armés d’un ordinateur, d’un téléphone portable et, parfois, d’un appareil photo numérique, cette nouvelle génération de journalistes en herbe s’est donnée pour objectif de briser le silence sur les atteintes aux droits de l’homme.

 «Ils comblent le vide laissé par la presse locale, muselée par les pouvoirs en place», constate Gert Van Langendonck, rédacteur en chef de Menessat, un site Internet dédié aux médias arabes. Corruption, torture, harcèlement… Rien n’échappe aux blogueurs. «En leur absence, personne ne serait capable de savoir ce qui se passe dans ces sociétés», remarque Alexandra Sandels, une journaliste suédoise qui travaille sur la cybercensure au Moyen-Orient.

Ni contraintes de taille ni délais d’impression pour ces petits génies de l’informatique. Grâce aux outils Internet sites Web de réseaux sociaux ou encore les twitters, ces textos envoyés directement d’un téléphone portable sur un blog , les blogueurs informent en temps réel, en évitant la censure. Succès garanti, à en croire la récente mobilisation de la blogosphère tunisienne, où l’on a pu voir de jeunes auteurs raconter, en direct, les manifestations organisées par des milliers d’ouvriers des mines de phosphates de Gafsa, Redyef et Oum-el-Arayess pour protester contre l’inflation. Les journaux officiels se sont gardés d’en faire part à leurs lecteurs.

Multiplication des filtres

Sur la Toile égyptienne, on saisit la portée de cette fronde virtuelle. Grâce à une vidéo postée sur YouTube, Wael Abbas, un des blogueurs en vogue au pays des Pyramides, parvint à alerter, l’an dernier, l’opinion publique sur le cas d’un chauffeur de bus sodomisé par deux policiers. Au point de forcer la justice à condamner les coupables à deux ans de prison.

Revers de la médaille, le cyberactiviste de 33 ans découvrit, un peu plus tard, que son compte chez YouTube avait été bloqué… et sa boîte de courriels fermée. «L’absence de législation relative à Internet est une aubaine, car elle facilite la liberté d’expression», constate Clothilde Le Coz, de Reporters sans frontières. «Cependant, les autorités profitent, elles aussi, de ce vide pour réprimer les blogueurs à toutes les sauces», ajoute-t-elle. Dernier exemple en date : l’arrestation pendant quinze jours, en avril, de la jeune Égyptienne Esraa Abdel Fattah. Son crime «virtuel» : avoir créé, sur Facebook, un groupe d’appel à une grève générale réclamant, entre autres, de meilleurs salaires.

La pression gouvernementale ne s’arrête pas là. «On assiste de plus en plus à l’augmentation des formes de censure indirectes», précise Clothilde Le Coz. Elle cite la multiplication des filtres bloquant l’accès aux sites controversés ou encore le contrôle plus systématique des cybercafés. En Syrie, un décret oblige depuis juillet 2007 les propriétaires des sites Internet à conserver les données personnelles des auteurs d’articles. «C’est en retrouvant l’origine de sa connexion que les autorités de Damas auraient apparemment réussi à identifier Tariq Biassi. Lors de son interrogatoire, le jeune homme a nié les faits qui lui étaient reprochés en assurant que les commentaires publiés n’étaient pas les siens, dans la mesure où il partageait sa ligne téléphonique avec six autres abonnés, dont un cybercafé», note-t-elle. Mais pour l’heure, la justice reste ferme. Deux autres cyberdissidents, Habib Saleh et Firas Saad, subissent actuellement le même sort que lui.

Forts de leur maîtrise de l’informatique, les «e-opposants» arrivent à contourner les filtres imposés sur la Toile. Quand des collègues sont jetés en prison, ils mettent un point d’honneur à publier l’information, jusqu’à confectionner des sites qui leur sont dédiés. Ironie de l’histoire : depuis son arrestation, Tariq Biassi, le jeune blogueur «timide et calme» c’est ainsi que le décrivent ses amis, jouit d’une notoriété qu’il n’aurait jamais imaginée. La pétition «Free Tariq» (Libérez Tariq) est relayée par une dizaine de blogs et de forums sur Internet.

Delphine Minoui – Le Figaro – 26/05/2008

Lire la suite : http://tunisiawatch.rsfblog.org/archive/2008/05/29/les-blogs-de-la-colere-secouent-le-monde-arabe.html.