Le clivage des Français en deux camps n’est jamais apparu aussi fort.

 

C’était hier soir jeudi 09/09/10 sur France 2 dans l’émission à vous de juger d’Arlette Chabot sur la réforme des retraites, ce qui lui reste après avoir été évincée de son poste de directrice de l’information. Une partie de cache cache entre François Fillon le professeur, ne voulant pas être confronté à Ségolène Royal pressentie par le parti socialiste et Martine Aubry ayant refusé d’être confrontée à François Fillon. Les syndicalistes Bernard Tibault et François Chérèque ayant refusé également d’être confrontés à Eric Woerth, n’étant que le porte parole de Sarkozy, étaient relégués en troisième position. Ils ne veulent discuter qu’avec les gens qui décident ! Au coté d’Arlette Chabot Jean Boissonnat journaliste économiste de la mouvance Jean Louis Servan-Schreibert de centre droite gauche dont on remarquera le retour. Ensuite nous avons eu Eric Woerth en direct de l’assemblée et deux journalistes de centre droit Silvie Pierre-Brosselette directrice adjointe de la rédaction du Point, et Alain Duhamel éditorialiste à RTL, venus commenter les positions des intervenants.

Arlette Chabot reçoit François Fillon devant un parterre de ministres et de représentants du Sénat dont le président Gérard Larcher, tous pendus à ses lèvres pour écouter ce que nous savons tous, mais jouant un rôle de professeur, nous rappelant ce qu’est le régime par répartition comme si les Français avaient besoin de ce rappel.

Que pouvait-on attendre sur ce que nous ne savions déjà, que le gouvernement sera ferme sur les âges de 62 ans et 67 ans, et qu’on ne peut rien modifier sans que le régime par répartition en souffre. Pour lui, c’est la seule solution pour garantir ce régime sans baisse du niveau des pensions, alors que depuis bien longtemps elles baissent. Nous serions les seuls en Europe à maintenir les âges 60 et 65 ans ce qui serait une erreur vu l’allongement de la durée de vie, dans tous les pays Européens le débat est entre 62 et 68 ans. Bien posé, parlant calmement comme s’il était fatigué, il a reconnu que cette réforme des retraites n’était pas dans le programme présidentiel de Sarkozy, mais que c’est par la force des évènements, aggravation de la situation économique due à la crise, qu’elle est apparue nécessaire, ce qui revient à faire l’aveu que la politique menée des réformes comme le bouclier fiscal, la loi Tepa, la TVA réduite sur la restauration et j’en passe conduisent à un déficit permanent tel que le gouvernement ne peut plus financer les retraites, par manque de rentrées fiscales, qu’il nous faut supporter cette réforme dictée en filigrane par le patronat et les agences de notations.

Justifiant et approuvant toutes les mesures prises par Sarkozy, c’est lui qui décide, il avoue que cette réforme ne sera pas définitive et qu’en 2018 il faudra la revoir justifiant ainsi que ce ne peut être qu’une réforme évolutive. En outre, il a estimé qu’il ne fallait pas recourir à des «solutions temporaires» comme une suspension du bouclier fiscal, suggérée par Jean Boissonnat. Il refuse aussi l’idée d’une taxation des stocks-option, jugeant qu’il ne faut pas faire fuir les riches, mais plutôt chercher à accroître leur nombre.

Sur la pénibilité il confirme qu’elle sera de 10 % d’invalidité, une avancée bien mineure. Ce sera le système le plus généreux en Europe et concernera 30.000 personnes, quand aux carrières longues ce serait faire des régimes spéciaux. A la question d’un auditeur suivant l’intervention sur la possibilité d’un référendum pour lui ce dossier est trop compliqué pour être soumis à référendum.

Ensuite ce fut le tour de Ségolène Royal qui avait préparé son dossier en terrain neutre avec Benoît Hamon et la spécialiste du dossier retraites au PS, Marisol Touraine, députée d’Indre-et-Loire qui lui a transmis ses notes sur tous les aspects techniques du contre-projet socialiste. Ségolène Royal et Martine Aubry, avec leurs conseillers respectifs, ont travaillé ensemble mercredi après-midi lors d’une réunion.

D’emblée Ségolène Royal offensive moins calme que François Fillon annonce que le PS reviendra sur l’âge de 60 ans pour une question de liberté,

«ce n’est pas une obligation c’est une liberté clame fortement Ségolène Royal»,

dès lors que les années de cotisation 41, 42 ans seront remplies, c’est ce qui est juste, non ! Les Français auront ainsi la liberté de prendre leur retraite si la gauche revient au pouvoir.

«Quand on remet en cause la retraite à 60 ans, on frappe les femmes, les ouvriers, les cadres qui ont eu des études longues. Est-il normal de frapper les catégories populaires et moyennes ?» a-t-elle lancé. Elle estime vivre actuellement «un moment historique», celui du «démantèlement d’un pan entier de la sécurité sociale», au sens large du terme, avec le projet de loi de la réforme des retraites. «Nous sommes conscients de ce que représente la sécurité sociale pour les Français. Nous estimons que nous rentrons dans un contexte très difficile. Il va falloir des sacrifices et des efforts».

«Les Français veulent la garantie que ces efforts soient équitablement répartis», a-t-elle affirmé. «Il est, pour elle, absolument intolérable qu’un gouvernement puisse faire une réforme des retraites sans taxer les revenus du capital et sans répartir équitablement les choses». Si le projet de loi est voté, «ce serait le régime de retraites de plus sévère d’Europe», a-t-elle également argumenté. Pour Ségolène Royal c’est la réforme du Medef, et répondant à une question de Jean Boissonnat,

«solennellement je vous dis oui, nous rétablirons l’âge légal de la retraite à 60 ans».

Il est à noter que le PS maintien l’accroissement de la durée de cotisation à 41, voire 42 ans qui conditionnerait une retraite à taux plein mais laissant la liberté de la prendre à 60 ans. C’est la différence notable par rapport au projet gouvernemental, qui bien que les annuités soient remplies, les Français ne pourront prendre leur retraite si l’âge de 62, voire 67 ans n’est pas atteint. Sur la pénibilité elle argumente sur le fait que bien souvent c’est après le départ en retraite qu’apparaissent les problèmes de fatigue et non pas au moment de la visite médicale du taux d’invalidité. Pour Jean Boissonnat la proposition du PS ressemble à ce que la Suède à fait avec un large consensus qui a duré 10 années et qui à conduit à une baisse des pensions de 3 %, et Ségolène Royal de répondre qu’actuellement les pensions ont baissées de 20 %. 

«Ce que je vous dis aujourd’hui solennellement, parce qu’on entend les ricanements que j’ai entendus quand les socialistes disent qu’ils rétabliront la liberté de partir à 60 ans, on les traite soit de menteurs soit d’irresponsables, le camp des menteurs et des irresponsables n’est pas de ce côté-ci!».

Interrogée comme François Fillon sur le référendum Ségolène Royal répond, dès que nous aurons définit le cadre de ce dossier, elle a promis que le parti socialiste proposerait aux Français de se prononcer sur la question s’il revenait au pouvoir.

Puis ce fût les deux syndicalistes François Chérèque et Bernard Tibault. D’emblée ils ont regrettés de passer en dernier d’autant que ce sont eux qui sont en première ligne dans ce dossier. L’autre mécontentement est sur l’intervention de François Fillon qui n’a rien dit de nouveau ne voyant pas ce qui pourrait changer dans le climat actuel. «Il ne faudra pas s’étonner si ça se crispe dans les prochaines semaines», a précisé Bernard Thibault, évoquant la possibilité d’un grave clash social. Ils ont insisté sur le caractère injuste de la réforme consécutive à une crise du capitalisme dans laquelle les Français n’ont aucune responsabilité, mettent en avant la pression des agences de notations.

Pour François Chérèque, «il n’y aurait que le gouvernement pour s’occuper des retraites  Nous aussi voulons une réforme, mais nous sommes aussi soucieux de l’avenir, car au-delà de 2018, il n’y a rien de prévu». «L’objectif, c’est de revenir sur les bases actuelles», a-t-il ajouté.

Pour Bernard Tibault Bernard Thibault, «nous ne sommes pas en désaccord par dogme, mais par rapport à la réalité de l’emploi. On ne peut pas travailler avant 30 ans et à partir de 50 l’emploi est menacé. Il y a beaucoup d’action possible en matière de financement, comme une taxation des retraites chapeau, mais il y a aussi d’autres voies».

Pour eux le salut est la manifestation du 23 septembre qui doit être plus importante que celle du 07 pour faire reculer le gouvernement, une bien faible position eu égard a la ferme position du gouvernement qui, pour sauver la crédibilité de la France face aux agences de notations, maintiendra sa position.

Eric Woerth relégué en fin d’émission a été interrogé en duplex depuis l’assemblée nationale ou de dossier des retraites est en cours d’examen. «La solidarité sur les retraites est plus forte en France qu’ailleurs, c’est ce que nous défendons. Nous garantissons que les retraites seront payées. Ce n’est pas par un matraquage fiscal que l’on arrivera a consolider notre système de retraite», a-t-il souligné. Il n’a rien apporté de nouveau.

Restait les duettistes Alain Duhamel et Silvie Pierre-Brosselette, on notera les contorsions d’Alain Duhamel sur Ségolène Royal qui manifestement l’étouffe. Au sujet du référendum il eut ces mots, «on peut aussi demander aux Français de décider s’il faut ou non supprimer la pluie au printemps».

C’est donc la cassure, l’épreuve de force est engagée, aucun dialogue n’est possible, la France est plus coupée en deux qu’avant par la politique de Sarkozy ou la réforme des retraites non prévue en 2007 est une conséquence. Finalement, l’assemblée nationale a voté sans surprise le 10/09/10 la fin de la retraite à 60 ans.