ne s’agit-il que d’enseignants ?

 

 

Dès l’annonce de François Hollande de créer 60.000 postes aussi bien que du coté de Martine Aubry que de l’UMP, la polémique s’est développée. François Hollande veut faire de son quinquennat, s’il serait élu, une priorité pour la jeunesse, c’est le rêve qu’il formule, elle est notre avenir dit-il. Le redressement du pays n’aura de réalité que si la jeunesse retrouve une place dans la société. On ne peut lui donner tort, il est évident au-delà de toute polémique que si la jeunesse trouve du travail c’est que le pays serait économiquement meilleur. Le cri de tous les jeunes d’Europe et d’ailleurs n’est-il pas, «nous avons des diplômes et pas de travail !», ou pour certains, des boulots qui n’ont rien à voir avec les efforts qu’ils ont consentis. Dans ce cadre, il place l’éducation, qui a subi depuis des années des coupes dans ses effectifs, le chiffre précis est difficile à donner, 100.000 selon François Hollande bien que certains évoquent 150.000 en dix ans, mais peu importe il ne s’agit pas que des enseignants, ces chiffres regroupent l’ensemble des postes supprimés. Plus précisément 77.000 postes auraient été supprimés depuis 2007, voir Les enseignants ce corps d’État qui ne sait pas ce qu’il veut,.

 

Il est certain que François Hollande lorsqu’il lança le chiffre de 60.000 postes qu’il envisage de créer s’il est élu, ne pensait surement pas à la polémique qu’il s’est développée. Outre le fait que Martine Aubry se posait des questions sur le financement de cette mesure, et de lui demander comment il allait le faire, la solution, «dans les redoublements». Ce serait un échange on supprimerait les postes prévus pour les redoublements par d’autres enseignants, ce qui se ferait à financement nul puisque le nombre de postes serait inchangé. Ségolène Royal avait évoqué une erreur de calcul car François Hollande aurait oublié de tenir compte pour les années suivantes du coût des années précédentes ce qui ferait sur cinq ans non pas 2,5 milliards mais 7,5 milliards.

 

«Depuis le chiffrage fait par l’Institut Montaigne donne 1,9 milliards, par l’Ifrap 9 milliards, par Valerie Pécresse ministre du budget 100 milliards, le problème est que tous ces chiffres sont exacts puisque les raisonnements sont justes. Hollande parle du coût annuel sur cinq ans, l’Institut Montaigne sur les salaires d’enseignants en début de carrière, et Valérie Pécresse sur une évaluation sur 40 ans !», voir Le Monde.fr du 30/11/12

 

L’UMP a saisit la balle au bond pour qualifier cette annonce d’irresponsabilité, et qu’elle serait impossible à financer. Cela a donc été ensuite un flot continu de critiques sur le fait que le chiffrage d’Hollande de 500.000 euros par an pour 12.000 postes faisant 2,5 milliards d’euros sur cinq ans serait faux, mais plutôt 7,5 milliards. On vient de voir que chacun fait selon ses convictions en exagérant comme Valerie Pécresse, rien de bien sérieux.

 

Nicolas Sarkozy lors d’un de ses déplacements a évoqué avec malice qu’une fois embauchés ces enseignants constituaient une charge permanente, puisque fonctionnaires de l’État. Là aussi cela dépend du statut qui serait alloué à ces enseignants, et l’on sait bien que beaucoup sont seulement des contrats à durées limitées, et qu’avant la fonctionnarisation se passent de nombreuses années. Donc tout le monde fausse le débat en tirant la couverture à soi.

 

Le dernier débat fut entre Jean-François Copé et Jack Lang à des paroles et des actes le jeudi 17 novembre sur France 2, ou Jack Lang eut de grandes difficultés pour faire admettre la proposition d’Hollande, il a paru un peu léger dans cette fonction, et son envolée sur l’école n’avait rien à y voir. Jean-François Copé martelant que c’est 7,5 milliards et Jack Lang 2,5 milliards, dialogue de sourds. Toutefois, il a fait ressortir les dépenses de copinage de Sarkozy. Les 2,5 milliards d’euro par an pour la restauration, et les 4,5 milliards pour les heures supplémentaires qui constitueraient une source de financement pour l’éducation nationale. Points qui n’ont pas été relevés par Copé qui montre que de telles confrontations sont stériles, si les questions sont esquissées des réponses. C’est du guignol.

 

Autre point soulevé, le nombre d’élèves par classe qui serait moins élevé selon Jean-François Copé et que ce n’est pas en recrutant moins d’enseignants que l’on détruit l’enseignement, ce qui justifierait la politique actuelle de réduction du nombre d’enseignants. Or, on sait bien que ce n’est pas la réduction du nombre d’élèves par classe qui est l’objectif de la réduction du nombre des enseignants, mais celui de la réduction des dépenses. Et là Jack Lang n’a pas su répondre. Mais il contestait tout de même le moins d’élèves.

 

Selon le syndicat SNES-FSU, le premier syndicat des collèges et des lycées, a qualifié la rentée dans le secondaire de sans précédent. Le syndicat déplore 4 800 suppressions de postes d’enseignant alors que dans le même temps le nombre d’élèves va augmenter à 79.536, selon le dossier Budget-Effectifs. En 2003 il était dans le second degré public de -48.365. Un graphique de source INSEE, sur les naissances montre un accroissement continu pour le second degré au moins jusqu’en 2025. À mi 2007 nous étions à 820.000, et à mi 2010 nous en sommes à 830.000. Or, il est bien connu que dans le primaire, les classes sont surchargées, mais probablement pas partout, dans les zones à l’abandon des communes ouvrières, ou l’on y met des enseignants les moins qualifiés, elles sont ainsi sacrifiées pour celles d’excellence. 1.500 suppressions de classes à la rentrée 2011 dont 600 postes de Rased, Réseaux d’Aide Spécialisée aux Élèves en Difficulté, supprimés. Or, c’est au primaire que se dessine le savoir de nos enfants, ce qui fait que 15 % d’entre eux sont en grande difficulté.

 

Selon Le Figaro du 16/11/11, la France serait classée, dans le rapport comparatif entre 28 pays Européens de l’Association Européenne des Universités, à la 16ème place en ce qui concerne l’autonomie organisationnelle, à la 22ème en autonomie financière, en matière de gestion des ressources humaines 27ème, et en matière d’autonomie académique après la Grèce 28ème. Ce n’est donc pas brillant.

 

 

Manifestement Copé renard de la politique manipulant à sa guise le faux et le vrai, était à l’aise. Jack Lang n’était pas à la hauteur, n’ayant pas préparé son dossier. Depuis les choses ont été précisées, les 60.000 postes comprendraient à la fois des enseignants, et des professionnels de l’éducation incluant des conseillés d’éducation, des médecins scolaires, des surveillants, précise Vincent Peillon en charge de l’éducation au PS. C’est une question que nous devons débattre avec les syndicats. Il est un point qui avait été précisé par François Hollande, c’est le fait que sa démarche pouvait se heurter aux difficultés de recrutement, et que de ce fait, il ne pourrait pas assurer les postes qu’il envisageait en tant qu’enseignants.

 

En effet, le nombre de candidats au concours du Capes depuis 15 ans n’a cessé de reculer. L’an dernier, 4.880 postes aux Capes sont restés vacants à cause du nombre trop faible de prétendants. Le secrétaire national à l’éducation du PS, Bruno Julliard, le concède, «le sujet pour nous est le déficit de candidats». Ceci montre l’engagement de François Hollande sur l’éducation pour lequel, il est évident qu’il n’avait pas approfondi le problème lors de la primaire.

 

Bruno Julliard apporte des compléments. Il faut surtout restaurer l’attractivité du métier qui fait aujourd’hui défaut, le PS envisagerait des mesures de pré-recrutement pour des jeunes de milieux défavorisés qui s’engageraient dans cette voie, contre un engagement à travailler dans l’éducation nationale pendant dix ans. Ces étudiants recevraient un salaire pendant leurs études, ce qui est réclamé depuis longtemps par les syndicats d’enseignants. Pour Bruno Julliard, le financement de ces dépenses devrait être comptabilisé dans le programme des 60.000 postes.

 

De ce fait, c’est donc une polémique stérile et que tout dépend de l’obédience politique des Français. Il est évident que l’UMP qui a tout fait en réduisant leurs effectifs ne pouvait ne pas faire feu de tout bois sur François Hollande, l’éducation nationale constitue un vivier de voix pour la présidentielle. Alors les quolibets n’ont pas manqués. «Irresponsable !» «Irréaliste !» Pour le ministre de l’éducation nationale, Luc Chatel. Bon à jeter «à la poubelle», a ajouté François Baroin. Pour le premier ministre «une drôle d’idée». Nicolas Sarkozy «ce n’est pas qui veut gagner des millions ? C’est "Qui veut dépenser plus ?» De telles invectives montrent bien qu’ils «n’ont plus d’arguments», aucune correction, et que tout est bon pour justifier cette politique.

 

François Hollande a raison sur le fond. S’il est une priorité c’est l’éducation. Les enfants non éduqués aujourd’hui pour raison d’économie seront les SDF de demain qu’il faudra prendre en charge. L’éducation donne sa réponse plusieurs années après, ce dont se moque Sarkozy. Il est des choix politiques qui répondent à des nécessités, il faut quelques fois pour raisons budgétaires sacrifier un poste pour un autre. Notre éducation nationale va mal, un homme politique qui vise à la magistrature suprême se doit de penser à l’intérêt national et non à des intérêts partisans. Notre système a cessé d’être un réducteur des inégalités, pour devenir un facteur d’inégalités. Embaucher en cinq années 60.000 personnels de l’éducation nationale, dont des enseignants autant que faire se peut, ne résoudra pas à lui seul les problèmes dus aux dix années de droite d’autant, que de nombreux problèmes subsistaient bien avant.

 

La formation des professeurs, aujourd’hui dégradée, n’a pas été abordée dans le débat, seule la critique pour but électoral compte pour l’UMP. Elle est un point crucial qui forme un tout, sans de bons enseignants, il est illusoire d’espérer un bon enseignement. Il est évident que la proposition de François Hollande s’inscrit dans une responsabilité nationale envers tous les Français. Et puis pourquoi lui faire un procès d’intentions qu’il n’a pas. Pourquoi l’accuser de dépenser «plus», alors qu’il n’a encore rien dépensé, et que ceux qui dépensent, de façon partisane, sont ceux qui sont actuellement en charge de la France qu’ils l’ont mise au bord du gouffre, il faudrait peut être recadrer le problème dans sa réalité actuelle. Cette droite est la pire que celle que nous ayons eue, et quand j’entends les propos de François Baroin, je reste stupéfait de la haine qu’il porte à des élus du peuple.