Le 15 novembre à Washington à l’occasion du G20, les financiers anglo-saxons de Wall Street, de la City et ceux des « paradis fiscaux » – qui sont depuis des lustres derrière tous les gouvernements américains à l’exemple de JP Morgan Chase (JP Morgan à l’origine de la création de la Réserve Fédérale en 1913) – auront-ils raison de l’orthodoxie de la vieille Europe symbolisée par Nicolas Sarkozy, dont le règne élyséen sur l’Europe pourrait bien se terminer sur un échec cuisant et fatal pour l’économie mondiale ?

Le G8 représente 62 % du PIB mondial. Il est composé des Etats-Unis, du Canada, de la Russie, du Japon, de la Grande-Bretagne, de la France, de l'Italie et de l'Allemagne. Il remplace le G6, une réunion « légère » d’inspiration giscardienne, créé en 1975.

 

Le G20 comprend le G8 (Canada, France, Allemagne, Italie, Japon, Royaume-Uni, Russie, États-Unis) et les pays émergents du G11 (Argentine, Australie, Brésil, Chine, Inde, Indonésie, Mexique, Arabie Saoudite, Afrique du Sud, Corée, Turquie), et l’Union européenne.

Les pays du G11 – dont la plupart est lourdement endettée envers les créanciers occidentaux et donc soumis au bon vouloir et aux décisions des pays néolibéraux –, sont associés au G8 afin de se pencher sur les solutions à la crise financière et les réformes à mettre en oeuvre pour éviter qu'elles ne se reproduisent à l'avenir.

 

33 ans, jour pour jour après la création du G6, le G20 verra-t-il sonner le glas des espérances des nouveaux pays industrialisés (NPI) en matière de structures financières internationales et de gouvernance. Bretton Woods 2 restera-t-il un rêve inaccessible et inachevé ? […/…]

 

A Washington, on trouvera d’un côté, le gouvernement de transition (ce qui ne veut rien dire excepté qu’on ne sait pas qui gouverne et qui décidera ?) d’Obama et celui finissant de G.W. Bush, décidés à camper sur leurs positions en réformant légèrement, mais pas en profondeur, le système financier international – en changeant uniquement certains rouages des marchés de capitaux, en accentuant les contrôles sur les marchés financiers (sauf dans les paradis fiscaux) mais en ne modifiant rien à l’architecture générale et aux règles de gouvernance –, et prêts si nécessaire à en découdre avec leurs pères fondateurs ; et de l’autre côté, l’Europe, la Russie, l’Asie qui veulent à des degrés moindres mettre en place de nouveaux accords de Brettons Woods, qui changeraient (à défaut de le bouleverser) le fonctionnement du système financier international à travers ses deux pôles : le FMI (Fonds monétaire international) et le groupe Banque mondiale (composé principalement de la BIRD : Banque internationale pour la reconstruction et le développement).

 

 

Lors de cette conférence, les facteurs psychologiques vont jouer un rôle primordial, car il sera beaucoup question le 15 novembre du leadership économique et financier de la planète. Il s’agira pour les Européens et leurs « alliés » de changer les règles de gouvernance des institutions internationales de Bretton Woods, en modifiant le poids des différents pays dans les décisions du FMI et de la Banque Mondiale, afin d’empêcher les Etats-Unis de diriger tout seul ces organisations et d’imposer éventuellement leur veto. Il conviendra donc de redistribuer les cartes en faveur de l’Europe, mais surtout de la Chine, de la Russie, de l’Inde, du Brésil et des autres pays émergents en pleine croissance, ce qu’ont toujours refusés de faire les Etats-Unis…

 

Par ailleurs, les banquiers qui soutiennent Obama sont toujours persuadés qu’avec le temps tout va s’arranger. Ils ne se posent même pas la question de savoir si ce n’est pas déjà trop tard, et si les dégâts collatéraux de la crise des subprimes causés en profondeur à l’économie mondiale sont irréversibles. Ils considèrent que dans le cadre de l’Etat-gendarme tel qu’il est défini par les libéraux, les gouvernements ont comme devoir de contrôler, y compris les dérapages, du marché si les règles n’ont pas été respectées par quelques trublions égarés par l’appât du gain (du profit). L’oligarchie financière attend que l’Etat fasse son boulot, du moins le leur…

 

Face à cette détermination, ou plutôt cette inertie à ne rien changer, l’enthousiasme débridé et le dynamisme exacerbé du chef d’Etat français – quels que puissent être ses mérites ou ses défauts pour porter la bonne parole avec sagesse et transparence, pour changer les règles prudentielles du monde financier et bancaire – ne pourront rien faire même s’il porte les espoirs de centaines de millions et même de milliards d’habitants de la planète.

 

Le nouveau défenseur des déshérités et nouveau chantre de l’orthodoxie financière n’a que très peu de marge pour réussir à imposer ses vues et celui des continents européens, asiatiques et africains, car l’omnipotence des marchés financiers est trop forte, trop pesante sur la politique américaine, et même Obama – qui n’est qu’un pion, bien sympathique au demeurant et plein de bonne volonté – ne peut y échapper même s’il bénéficie d’un préjugé favorable au début de son mandat de la part de 52 % des américains et des dirigeants politiques du monde entier. Il est évident que s’il sortait, ne serait-ce que de quelques « mesures », de la ligne fixée depuis toujours par la finance anglo-saxonne, il serait immédiatement broyé par la machine capitaliste…

Certains analystes et économistes s’attendent malheureusement à des réactions extrêmement violentes des marchés, dès le lundi 17 novembre si aucun accord tangible, concret et comportant un agenda précis n’est trouvé. Le pire serait un compromis de façade pour que personne ne perde la face… Mais, il est peut-être déjà trop tard pour réagir, alors que de nombreux économistes tirent la sonnette d’alarme depuis 1997 et 1998.

 

Une seule preuve : la Chine que l’on croyait intouchable, au-dessus de toute crise, est en péril et est contrainte de mettre 500 milliards de dollars sur le tapis du casino de la finance internationale, juste pour voir… venir, en lançant un vaste programme de grands travaux, du déjà vu avec le New Deal de Franklin Delano Roosevelt en 1930, pour relancer l’économie américaine en pleine déconfiture. Par ailleurs, les médias ne précisent pas que la Chine s’est fortement endettée pour bâtir son appareil productif, et qu’elle risque d’avoir de graves difficultés si son commerce extérieur chute faute de clients américains ou européens, même si elle essaie de regagner son marché intérieur… où la demande est faible en raison de la misère qui règne dans les campagnes et à la périphérie des grandes zones urbaines !

 

La Tribune.fr du 9 novembre est plus optimiste (mais par trop candide… business oblige) que tous ces économistes défaitistes, en titrant : « Le G20 prêt à "toutes les mesures nécessaires" face à la crise ». Le site Internet du grand journal économique prétend que malgré les divergences de vue, tous les banquiers centraux sont unanimes pour réformer les institutions financières : « Selon le ministre de l'Economie française, Christine Lagarde, et son homologue britannique Steve Timms, il semble que les membres du G20 aient adopté une "convergence de vue" sur la marche à suivre. Tout du moins dans les grandes lignes (…) Mais si tous s'accordent à dire qu'il va falloir prendre "toutes les mesures nécessaires" pour restaurer la confiance des marchés et limiter les risques d'une nouvelle crise, aucune annonce concrète n'a encore été annoncée (…) Les quatre grands pays émergents, les "Bric" (Brésil, Russie, Inde et Chine), ont, comme les Européens, réclamé une réforme profonde et rapide du système financier mondial. »

 

Foncièrement pessimiste, le journal Nouvelle solidarité titrait le 7 novembre : « Le grand krach pour le 17 novembre ? ». Dans cet éditorial, Helga Zepp-LaRouche déclarait : «  A en juger par la situation actuelle, on peut craindre que le sommet de Nouveau Bretton Woods, prévu pour le 15 novembre à Washington, ne débouche sur un résultat tout à fait inadéquat. Comme le redoute un directeur bancaire cité dans La Tribune, la conférence pourrait être suivie le 17 novembre d’un « lundi très, très noir ». J’ajouterai que ce lundi noir poudrait être suivi d’un « mardi sanglant » et d’un « mercredi effroyable », menant à l’effondrement total du système financier mondial. »

Nouriel Roubini, le premier économiste a avoir annoncé la crise systémique actuelle, a déclaré début novembre, lors d’une conférence réunissant les gestionnaires de hedge funds : « Nous avons atteint une situation de panique totale. Ne soyez pas surpris que les responsables politiques soient obligés de fermer les marchés pour une semaine ou deux dans les jours qui viennent. (…) Les choses iront plus mal avant d’aller mieux. Je crains que le pire ne soit à venir… ».

 

Paul Krugman, prix Nobel d’économie, est aussi très pessimiste. Le 3 octobre, il déclarait dans les colonnes du New York Times : « … Il devient de plus en plus évident que cet effondrement de la finance se propage sur Main Street. Les petites entreprises ont du mal à lever des fonds et se voient couper leurs lignes de crédit. Les chiffres de l’emploi et de la production industrielle se sont fortement aggravés, ce qui suggère qu’avant même la chute de Lehman l’économie, déjà en ralentissement depuis l’an dernier, était en chute libre. Jusqu’à quel point cette situation est-elle grave ? Des commentateurs habituellement modérés sont maintenant apocalyptiques. Ce jeudi, le trader John Jansen notait sur son blog que les conditions actuelles sont « l’équivalent financier du règne de la Terreur durant la Révolution française », et Joël Prakken, de Macroeconomic Advisers, écrit que l’économie semble être au « bord de l’abîme ». Et ceux qui devraient nous conduire loin de cet abîme sont partis déjeuner… »

 

Silvio Berlusconi affirmait quant à lui, que depuis la mi-octobre « les dirigeants du monde entier discutaient de la fermeture des marchés financiers mondiaux ». Mais, pour la majorité des économistes fermer les marchés équivaudrait à « casser le thermomètre pour ne plus afficher le niveau de fièvre ». Pourtant, il existe un précédent lors de la crise asiatique de 1997. En effet, le seul à fermer les marchés en interdisant toute transaction et retrait de fonds fut Mahathir bin Mohamed, le président malaisien, qui permit à son pays d’être un des moins touchés par la crise asiatique.

 

Dans un article de Alterinfo.net du 3 novembre 2008, Gilles Bonafi écrit : « La fermeture des marchés, impensable il y a peu, est donc devenue une nécessité pour plusieurs raisons : 1°) la faillite des hedge funds est imminente (20 à 30% d’entre eux selon Nouriel Roubini) ; 2°) le secteur des cartes de crédit est fortement secoué et sera l’un des prochains krachs à venir (21 milliards de dollars d’emprunts réclamés de janvier à juin 2008) ; 3°) l’économie réelle commence à être sérieusement touchée 3°) la panique peut provoquer un effondrement total. Je pense que cette fermeture sera effective très bientôt (peut-être le 18 novembre 2008) car il n’y a pas d’autres alternatives. La crise économique actuelle est donc bien une crise systémique qui aura pour point d’orgue la destruction du dollar en 2009. Pour les incrédules, cette destruction annoncée dans le GEAB n°28 est envisagée par l’économiste chinois Zuo Xiaolie. D’ailleurs Xu Xiaonian, un professeur d’économie et de finance à la China Europe International Business School, a déclaré lors d’une conférence que « la cause fondamentale de l’effondrement de Wall Street est attribuable à la surémission de monnaie de la Réserve fédérale. La Chine a déjà menacé de liquider ses énormes avoirs en bon du trésor US, qui s’élèvent à 1,33 trillions de dollars. »

Sous le titre : « Le cheval de Troie de Wall Street », Michel Chossudovsky, professeur d’économie à l’Université d’Ottawa, écrit le 27 octobre 2008 : « Sergei Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, a annoncé que le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine « coordonnent leurs efforts pour surmonter la crise financière. » Cette déclaration suggère que les quatre pays vont se confronter à l’alliance dominante, US-UK-UE, qui personnifiera les intérêts bancaires occidentaux, au prochain sommet de Washington (…) Plus tôt ce mois-ci, le Premier Ministre Vladimir Poutine a dit que la crise montre que les pays du BRIC pourraient devenir « la locomotive de l’économie mondiale dans les années à venir. » (The Hindu, 26 octobre 2008) ».