Leonarda, 15 ans, Kosovare en France, Rrom au Kosovo, a donc été expulsée, comme ses parents. Ce qui impliquera sans doute qu’elle oubliera la langue française, éprouvera de nombreuses difficultés pour s’accommoder à un nouvel environnement, etc… Une partie de l’opinion et de la classe politique de gauche s’en inquiète, l’opinion et la classe politique de droite assume ses convictions, qui ne datent pas d’hier, ni même d’avant-hier.
Pendant que l’on continue à refuser la naturalisation, y compris à des Européennes mères d’enfants nés en France (voir divers articles sur Come4News, et notamment celui sur le bluff de Valeurs actuelles), la France expulse donc des jeunes filles, des jeunes gens, que la scolarisation avait socialisés en France, mais qui resteront sans doute à jamais des étrangers.
Que Manuel Valls et le préfet du Doubs continuent d’appliquer les méthodes de la période Sarkozy-Guéant (des temps de ces deux ex-ministres de l’Intérieur) ne fait aucun doute. Pas plus qu’un Maurice Papon, ils ne participent physiquement : ce n’est pas leur faire injure que de remémorer ce rapprochement, cette similitude, même si leur caractère paraît outrancier. Il est bien certain que ni le préfet, ni le ministre, n’avaient intérêt à ce que les policiers ou les gendarmes fassent du zèle : de même en était-il sans doute pour quelques expulsables protégé·e·s par divers évêchés, ou d’autres autorités officieuses ou officielles, voici déjà plus d’un demi-siècle.
Bref, à chacun ses Anne Frank, peut-on avancer en forçant vraiment le trait. Quoique, si l’extermination n’est pas du tout systématique, elle n’est pas totalement exclue, et notamment des jeunes filles se suicident (ou tentent au moins vraiment de le faire, pour d’autres, comme, d’ailleurs Leonarda le fit).
La droite, y compris celle qui se définit centriste (surtout du côté de l’UDI), tout comme les répondant·e·s de la consultation du Figaro, pas du tout ému·e·s par l’expulsion d’une adolescente étrangère (80 % approuvent), n’a pourtant aucune envie de conforter la popularité de Manuel Valls.
Elle se souvient sans doute tout simplement de son passé, de ses traditions. Après, avant d’autres expulsions, il y eu cet entredeux du retour volontaire et subventionné des familles ouvrières étrangères. Retour au bled, au village d’Anatolie profonde…
Sous Pompidou, les technocrates avaient proposé aux industriels gros consommateurs de main d’œuvres un choix : robotisation à la japonaise, importation d’exécutants, d’ouvrières peu qualifiées, y compris accompagnés de leur famille. La perspective de peser sur les salaires, d’obtenir une masse plus docile, l’ont emporté. Ensuite, bien sûr, on demanda au contribuable d’assumer.
Soit de créer des voiries, des logements, &c. Et de financer des salles de classe. Sauf qu’à un moment, toute cette main d’œuvre est devenue redondante, sa progéniture estimée inutile.
Ce fut donc, sous Giscard, l’aide au retour.
Il fallut, notamment dans le pays de Sochaux-Montbéliard, dynamiter les HLM, fermer des classes, et comme je le consignais alors, l’électorat boutiquier du Front national dut baisser définitivement ses rideaux, sans pouvoir espérer se faire embaucher par l’usine des clients enfuis.
Le cinéaste documentaliste Rémy Lainé allait ensuite retrouver dans « leurs pays » des pré-adolescentes, des adolescentes, de très jeunes femmes, totalement déracinées, déboussolées, vouées à un mariage rapide avec qui en voudrait, si ce n’était déjà fait. Un drame humain épouvantable pour beaucoup, si ce n’était la majorité, l’écrasante majorité.
C’était aussi très dur pour les jeunes ou très jeunes garçons ou hommes scolarisés depuis des années, souvent depuis leur naissance, en France. Du jour au lendemain, ils se retrouvaient au bled. Loin de toute école. De toute possibilité d’emploi immédiat, si ce n’était rural ou traditionnel, en apprentissage, pour la plupart.
Rien de nouveau, en France, sous le soleil, en la matière. L’aide au retour fut instituée sous l’égide de Lionel Stoléru (pas vraiment l’homme de droite type) en 1977. C’était de l’ordre de dix-mille francs par famille (soit un million d’anciens francs). Cette aide au retour volontaire subsiste toujours (mais son montant, relativement à l’inflation, a stagné : environ deux-mille euros, puis seulement 300, furent proposés aux Tunisiennes et Tunisiens de France après la chute de Ben Ali).
L’aide au retour volontaire concernait des licenciés, des remerciés munis de titres de séjour, principalement. L’aide au retour humanitaire (ramenée à 50 euros par adulte, 30 par enfant, début 2013) est évidemment d’un montant moins élevé. Mais les répercussions pour les pré-ados, les adolescentes, sont tout aussi lourdes.
Notez au passage qu’il est un peu dommage que les chômeuses et chômeurs français ne puissent bénéficier d’un tel dispositif pour aller s’installer à l’étranger (quitte à percevoir un peu d’argent des pays dont ils seraient par la suite expulsés). Cela ferait peut-être baisser les taux statistiques.
Leonarda est à présent un visage connu. Mais elles sont bien plus que des centaines, restant inconnues.
La palme revient au secrétaire général adjoint de l’UMP, Geoffroy Didier, qui a considéré : « Le ministre Manuel Valls est chargé de simuler la fermeté afin de mieux mettre en oeuvre en catimini une politique migratoire faible et laxiste : dépénalisation du séjour irrégulier, circulaire de régularisations massives, baisse substantielle du nombre de reconduites, boom des naturalisations. ». Nul doute qu’il connaît bien ses dossiers mais assume totalement ses déclarations bidonnées : les naturalisations sont accordées au compte-goutte, retardées le plus possible, et les exemples ne manquent pas, y compris lorsqu’il s’agit de ressortissantes communautaires qui ne sont ni rrom, ni tsigane, ni manouche, gitan, même de très loin, &c.
Bref, Geoffroy Didier devrait assumer davantage. Pourquoi ne pas déporter en masse les enfants, les parents suivraient ? peut-être…
Il n’empêche, on ne voit pas trop ce que ferait Noël Mamère au poste de Manuel Valls. Il expulserait seulement de nuit ? En catimini ?
Ce qu’on oublie, ou plutôt feint soigneusement d’oublier, c’est que les Françaises et Français de l’étranger sont aussi expulsables, comme l’Algérie et le Vietnam ont su le démontrer. Sauf que, en général, la France a pu plus ou moins bien, au moins pour les plus fortunés, assurer un accueil à ses ressortissants, dont peu sont morts noyés en pleine mer.
Mais que la droite qui ne veut pas concéder à la gauche le « monopole du cœur » assume au moins ses positions de manière claire, et désigne aux policiers et gendarmes les jeunes filles et les enfants à expulser. Quand on peut recueillir tant d’argent pour sauver les meubles de l’UMP, on peut faire mieux, non ? À gauche, il faudrait aussi clarifier : veut-on créer un pont aérien entre Bamako et Paris comme entre, naguère, l’Allemagne fédérale et Berlin ?
Inutile de se voiler la face : cueillie discrètement à la sortie de l’école avec un bouquet de fleurs en prime accessoire à l’aide au retour, Leonarda aurait, comme tant et tant d’autres, dû faire face à la même situation. Avec quelques bémols, Valls est sans doute assimilable à Papon. Mais que ferait donc, concrètement, Mamère ou Mélenchon ? Au moins, Valls ne s’en vante pas, d’avoir expulsé des dizaines de Leonarda. C’est peu, mais c’est déjà cela, contrairement à ce qu’un Geoffroy Didier réclame…
Léonarda est le symbole d’une certaine gauche qui renie ses valeurs.
Elle contribue à faire le lit de l’extrême droite.
Elle continue à remettre en cause le droit d’asile.
Un seul mot me vient : honte !
Décidément, ce n’est pas nouveau :
http://www.come4news.com/welcome-in-france-190051
En 2008 Manuel Valls déclarait : « Le jour où j’accepterai qu’on piège des sans-papiers pour les virer de chez nous (…)
Je serai foutu.
Il faudra mieux que je fasse autre chose ! »
Chiche !
et on apprend que le kosovo était une légende pour faire chialer les humanistes…..qu’ils ont triché sur les papiers, qu’ils venaient en fait d’Italie etc…etc…
indécrottables les bonnes consciences.
Avant de s’enflammer et de prendre parti, il est urgent d’attendre d’avoir tous les éléments, et l’on est loin de les avoir. Cherchez d’abord, à qui profite ce battage médiatique.