Toute personne qui s’est rendue une fois en Egypte en garde un souvenir ébloui. Moi, c’était il y a exactement dix ans. Les plus belles vacances de ma vie.

Pourtant quand je vois les évènements actuels, je me demande si cette misère du peuple égyptien n’aurait pas dû me sauter aux yeux ou n’ai-je pas voulu la voir ?

Parfois je repense aux impressions bizarres que j’ai ressenties. Les touristes sont très encadrés et se déplacent rarement dans les rues librement. Néanmoins, ce qui m’avait le plus frappé, c’étaient les enfants. Souvent pieds nus, ils harcèlent les touristes pour leur extirper quelques pièces. Lors d’une promenade en felouque, ces voiliers caractéristiques qui évoluent sur le Nil, on a vu arriver une armada de petits canots instables, des jeunes enfants de moins de 10 ans à bord, qui nous abordaient en riant  et chantaient des chansons en fonction de nos nationalités. On leur lançait des pièces qu’ils rattrapaient avec agilité au risque de tomber à l’eau. Dans ce genre de situation, les sentiments sont mitigés. Un peu honteux d’encourager ce genre de pratique, l’exploitation des enfants mais on se demande quel serait leur sort sans notre aide.

Le tourisme est crucial pour l’Egypte, mais cette manne profite surtout à une classe moyenne.

Une certaine intelligentsia qui fournit les guides, les accompagnateurs des croisières et qui vit directement du tourisme. Les commerçants avec qui on marchande tout en sachant qu’on se fera « rouler ». J’ai encore le souvenir de ce marchand de poteries en albâtre vivant dans une maison misérable mais qui avait dans un coin le terminal à carte bleue.   

Les paysans encore très nombreux n’en voient pas la couleur de notre argent. Quand on les voit se déplacer dans des petites carrioles tirées par des ânes, on voit bien que leurs conditions de vie sont misérables.

Je me souviens aussi de ce voyage en Nubie. Les Nubiens ont été expatriés à cause du barrage d’Assouan, c’est un peuple sacrifié.

Pourquoi je n’avais jusqu’ici gardé dans mes souvenirs que les temples fabuleux et les tombes de la vallée des Rois, je l’ignore. Toujours est-il qu’en voyant, les manifestants qui réclament la liberté, je me dis que j’ai dû louper quelque chose.