On s’était ému des rémunérations et avantages dévolus à Jean Sarkozy, très jeune conseiller général des Hauts-de-Seine. Hors petites mairies, ou fonctions de simple conseiller municipal, une élection peut rapporter gros, ou du moins assurer un revenu confortable : démonstration avec le cas de Pascal Terrasse, député PS et président du conseil général de l’Ardèche.

Céline Bara, ex-hardeuse, qui se présente sous les couleurs de sa formation, le Mouvement anthéiste et libertin (extrême-gauche, positionnement assumé), aux législatives en Ariège n’a aucune chance de l’emporter. Mais pour cette jeune femme qui a dû quitter Paris faute de pouvoir assumer le coût de la vie dans la capitale, devenir députée pourrait lui permettre de faire vivre toute une petite communauté. Mediapart en fait la démonstration avec le cas de Pascal Terrasse qui se représente, lui, dans l’Ardèche, pour la quatrième fois.

Ce sont, sauf exceptions notoires à trouver du côté du Front de gauche, des Verts, voire du Front national, presque toujours les mêmes qui captent les voix des électeurs des grandes formations. D’une certaine manière, réduire le train de vie des élus serait sans doute la voie pour assurer une représentation nationale beaucoup plus populaire. Car, hormis des avocats d’affaires du style de Sarkozy ou des patrons tels Dassault pouvant se permettre de se présenter sans réduire leur train de vie, l’élection serait sans doute beaucoup moins attractive.

Détente en famille

Mediapart détaille l’utilisation que le député sortant Pascal Terrasse fait de son indemnité parlementaire, dite IRFM, de 6 412 euros mensuels. De quoi faire des envieuses et des jaloux.

Cette somme, dans le cas de Pascal Terrasse, a été notamment employée en voyages familiaux, en fins de semaines ou lors des vacances scolaires, par exemple en Égypte. Rien d’extraordinaire pour un séjour d’une semaine en avril 2011 avec épouse et enfants : 3 400 euros, ce ne sont pas des escapades de grand luxe… mais bien peu des Ardéchois peuvent s’en offrir de telles.

Pour un voyage au Sénégal en août 2009, le député arguait d’un « colloque » où il était censé représenter la présidente de la région Poitou-Charentes, Ségolène Royal… C’est passé comme une lettre à la poste à la questure de l’Assemblée qui n’a pas pris la peine de s’enquérir de la réalité de la mission. Cela aurait-il été fait que la réponse aurait dû être logiquement celle obtenue par Mediapart : seuls les élus de la région représentent leur présidente lors de déplacements.

Le conseil général de l’Ardèche entretien bien des relations avec une région sénégalaise mais cette visite, effectuée en famille, n’avait semble-t-il rien d’une mission de travail. En revanche, au retour à Genève, c’est bien un chauffeur du conseil général ardéchois qui vient prendre en charge les Terrasse. Là encore, pas d’exagération : moins de 3 000 euros. Pour très un court séjour à Barcelone, 800 euros suffisent à couvrir tous les frais.

Pascal Terrasse, parmi divers déplacements pointés, veut bien reconnaître un déplacement vraiment privé, en Espagne, pour l’enterrement du père d’un ami ardéchois.

Justificatifs peu crédibles

Parfois, il admet une certaine confusion des genres : le conseil général est pauvre, et pour des déplacements d’étude, il préfère avoir recours à la comptabilité de l’Assemblée. Pour aller solliciter les votes des Français de l’étranger, il avait aussi fait l’aller-retour à Londres, dont la section PS se réunissait : « tous les députés font ça, » admet-il benoîtement. Effectivement, ces derniers mois, ceux de l’UMP n’ont pas été en reste…

Les députés bénéficient du remboursement de billets de train, ce qui semble normal. Mais cela vaut aussi quand l’assistante parlementaire est remplacée impromptu par l’épouse. Et quand le chauffeur du conseil général est en congés, c’est Brigitte Pujuguet, maire de Saint-Just, qui véhicule… pour 150 euros par mois. Conduit-elle la voiture acquise grâce à la dite indemnité ? Peut-être…

La cotisation au parti socialiste (500 euros du mois pour les députés) est faite sur l’IRFM et non sur l’indemnité personnelle…

Depuis les dix dernières années, ce député sans doute exemplaire (de la plupart de ses collègues, divers partis confondus) utilise cette indemnité supplémentaire pour des visites de parcs de loisirs, des sorties diverses, mais aussi pour des achats de jouets, de matériel de sport, et même d’accessoires de piscine.

Charles de Courson, député Nouveau Centre de la Marne, qui est un peu à l’UMP ce que René Dosière est au PS (mais aussi localement, dans les assemblées territoriales), dénonce « une culture du laxisme qui entretient l’antiparlementarisme. ». On ne saurait mieux dire.

Notez bien que cette IRFM est destinée « à faire face aux diverses dépenses (…) qui ne sont pas directement prises en charge ou remboursées par l’Assemblée. ». Car évidemment, en tant que membres d’un groupe, d’une commission de travail ou d’une autre, nos députés sont bien sûr défrayés pour des voyages, des représentations, des colloques, des missions véritablement liés à leurs fonctions.

Distorsions

Charles de Courson dénonce aussi des députés se mettant directement cette IRFM sur leurs comptes personnels… Ils bénéficient pourtant de maints services, et tout comme les sénateurs, peuvent se faire coiffer dans l’enceinte parlementaire. René Dosière admet que l’IRFM constitue « un complément de revenus », complément intégral pour certains. En toute impunité, de fait, quelle que soit l’affectation des dépenses : pris totalement la main dans le sac, l’élu·e ne risque strictement rien.

Bien évidemment, une association comme Anticor (anticorruption), un particulier pourrait estimer qu’il s’agit d’un détournement de fonds publics. Cela ne s’est jamais vu et même les plus véhéments élus locaux ou territoriaux du Front national ne s’y sont jamais risqués. Car dans les conseils régionaux ou départementaux, d’autres pratiques fort laxistes font florès.

Rappelons que cette indemnité double pratiquement celle de base (7 100 euros brut mensuels).

Bien sûr, avec cette IRFM, certains élus règlent par exemple leur permanence départementale (quand les mairies ou des offices ne peuvent leur concéder un local, certes loué, mais à bas prix). D’autres, très actifs, se livrent à des investigations de terrain, rencontrent des investisseurs, &c.

Mais tous peuvent en user aussi selon leur bon plaisir, voir pour le bonheur de ces dames ou messieurs qui les « accompagnent ».

Rien n’empêcherait d’ailleurs le nouveau parlement d’augmenter en catimini le montant de l’IRFM, sans toucher à celui de l’indemnité personnelle. Mais là, avec une « certaine presse » moins complaisante que l’autre, c’est mal parti.

Toutes les tentatives de moraliser et contrôler l’usage de cette indemnité supplémentaire ont échoué… Ce qui veut dire qu’il y en a eu de diverses, introduites par des députés conscients et des comptes de la Nation, et de l’exemplarité de leurs tâches.

Mais le réel problème posé, c’est qu’en cas de réélection, les sortants sont avantagés pour faire campagne car ils disposent de fonds propres pour aller flatter l’électeur. L’autre, c’est qu’au bout de cinq ans à vivre très confortablement, l’élu se sent de moins en moins concerné par les problèmes de ses administrés les moins bien lotis.

En tout cas, en instaurant le non-cumul des mandats (ou plutôt en l’élargissant quelque peu par rapport au passé), l’actuel gouvernement va au moins dans le bon sens. Limiter à deux mandats la durée de la vie parlementaire ne serait pas non plus une mauvaise chose : le retour à la base remet les idées en place…