On les croit situés dans la lignée d’un Ferdinand Lop alors qu’ils s’inscrivent plutôt dans celle d’un Aguigui Mouna : les candidat·e·s loufoques aux diverses élections ne sont pas forcément en quête de notoriété et leurs programmes, plus ou moins décalés, sont souvent des révélateurs pertinents de tendances sous-jacentes de la société. Évocation de ces candidat·e·s inclassables mais nécessaires dont la « classification » dépasse les luttes de classes (ou de cours de récréation).
En préambule, nous réaffirmons que le PrOuT (Parti de rien, revenu de tout), formation sororale naturelle du Pffft (Parti faire un tour), comme le proclame son président-maréchal-propagandiste – votre serviteur – soutient de nouveau la candidature de Gaspard Delanoë, cette fois dans la cinquième circonscription de Paris (10e & 3e ars).
Comme un seul être, si tant était qu’on puisse télécharger des bulletins de votes sur son site comme c’est le cas pour le Parti pirate, nous voterons donc pour lui localement.
Ailleurs, il n’est pas exclu que nos suffrages se portent sur les candidatures de Cindy’Lee (7e Paris), de Céline Bara (1ère Ariège) ou d’Allessandro di Guiseppe (ministre impétrant cumulard de l’église de la Très Sainte Consommation), dans la première du Nord.
Mais un plus large choix peut être opéré par nos publicistes et réclamantes sur le site Lolgislatives2012, qui recense les affiches des candidatures cocasses à divers titres.
Ainsi, sans autre a priori que l’apparence, Almamy Kanoute (Mouvement Émergence), Patrick M’Bomo Ibara (Indépendant), Nicolas Rousseau (id.), Julien Delamorte (Parti du vote blanc), et quelques autres, notamment écologistes ou Front de gauche aux patronymes insolites (à quoi tiennent les affinités…), recueillent note sympathie spontanée et irréfléchie.
Delanoë, le frais !
Aux dernières municipales, dans le 10e ar. de Paris, nous avions voté pour Gaspard Delanoë, dit « le vrai », nous récidiverons, sans frais (cette élection semble jouée d’avance pour le PS ou le FdeG), pour cette fois, « le frais ».
Soit le même, sans cesse renouvelé, acteur, artiste, activiste, dont la page Wikipedia révèle l’essentiel.
Sempiternel candidat de proximité, nous le rencontrons principalement dans le fg Saint-Denis, terroir menacé, notamment par l’envahissement des soiffards et festives des arrondissements voisins.
G. Delanoë pousse cette fois les thèses du Front national jusqu’à leurs conséquences locales, mais ce voisinage, lui, idéologique, ne nous défrise pas en l’espèce… parodique.
On pourra certes préférer ses propositions bonus ou celles issues de son présidentiel programme, toujours recyclables, à pied, à cheval, en voiture ou même à bicyclette.
Gaspard Delanoë ne cherche pas trop à mobiliser ses agents dormants (quelque 2 000 figurent sur sa page Facebook), préférant qu’émergent des initiatives spontanées, et c’est fort bien ainsi. Cela étant, cela pourrait changer et ses futures campagnes démultipliées si ses propositions (péages aux limites des deux arrondissements, notamment sur les Grands Boulevards retrouvant leurs deux sens de circulation) étaient alimentées par l’argent « de l’étranger ».
Di Guiseppe, l’immobiliste
Pour Allessandro di Guiseppe, « le changement, c’est vraiment pas pour maintenant ». Le slogan fondateur de son église de la Très Sainte Consommation, « travaille, obéis, consomme », prolonge l’initiative d’un autre ministre de culte, l’abbé Péna, qui, circa 1980, avait organisé à Belfort un marché aux esclaves. Les résultats n’avaient que peu à envier à ceux de l’ANPE devenue depuis le Pôle-Emploi. « Arrêtez de penser, dépensez ! » résume, en beaucoup plus franc, les principales orientations du Front national et de l’UMP, les avouées comme les quintessentielles tues.
Son objectif primordial est l’emploi : « les cours de marketing, shopping et tuning seront obligatoires dès la maternelle, et accompagnés par un cours de danse-chant-télé-réalité pour plus de chances de réussite professionnelle. » (proposition 19/2012).
Ce pour l’école publique tandis que, dans les établissements de l’élite « seront dispensés des cours d’équitation et de gestion des employés de maison. ». Programme égalitaire s’il en est : à chacun selon ses réels besoins.
Le site amentonpeze.org, crypte et basilique virtuelles du culte, annonce les messes et consécrations à venir (s’y préparer en consultant le Missel du consommateur sur Consomme.org). Sans nul doute lecteur d’Orwell et d’Huxley, di Guiseppe est sans doute moins inspiré que G. Delanoë ou la rédaction de Prave Batrie (« le vrai journal des vraies valeurs de la France vraie ») mais sa catéchèse parle aux âmes simples et ses performances (lilloises, en majorité) processionnelles sont entraînantes.
See sex daughters
On s’en souvient et l’événement est appelé à une éternelle postérité, la solitude a été déclarée Grande cause nationale en 2011. En 2012, pour la rompre, car la solitude est résurgente, Cindy’Lee, qui se présente depuis une décennie sur la scène électorale avec son Parti du plaisir, prône la création d’un Samu sentimental. Elle se rapproche de Céline Bara en soutenant une stricte laïcité mais cette dernière, qui défend de même une prostitution librement consentie légalisée et facilitée, va plus loin en exigeant « la fermeture de tous les lieux de cultes ».
Céline Bara fait partie de ces Franciliennes qui ont pris le large vers la rurbanité ou le franc isolement en cambrousse, faute de pouvoir encore subsister dans les grandes agglomérations urbaines. Ce départ s’est accompagné d’une radicalisation que l’on pourrait qualifier d’ultragauche. Sa formation, le Mouvement antithéiste et libertin (Mal), se rapproche de celle de Cheminade puisqu’elle veut privilégier la conquête spatiale.
Avec ces deux « filles » (certes pas de la côte d’Adam), nous ne sommes plus dans la mouvance des candidats parodiques (ou alors, c’est involontaire). Elles se distinguent : Cindy’Lee n’est pas dans la révolte, Céline Bara et son époux, condamnés pour l’agression d’un producteur de films X, sont désormais « tricards » dans le milieu de la pornographie, et beaucoup plus revendicatifs et activistes. Ainsi Bara diffuse-t-elle librement ses productions (difficiles à trouver directement à présent, ses sites ont été censurés), en copygauche, telle Charlotte Corday dispensait les coups de poignard.
Mais il serait caricatural de réduire leurs convictions à la promotion d’autoentreprises. Ce qui reste le cas de maints impétrants élus et maintes candidates des partis les plus en vue.
Ambidextres
Si les candidatures de G. Delanoë ou de Cindy’Lee peuvent paraître – au moins légèrement estomper – le clivage droite-gauche, l’anticapitalisme des deux autres est net.
Mais toutes ressortent d’une sorte d’utopisme libertaire qui avait été représenté partiellement par les Radicali italiani de Marco Pannella, lequel avait réussi à faire élire Ilona Staller (dite la Cicciolina) aux européennes en 1987. L’ex-effeuilleuse repart d’ailleurs en politique en 2013.
L’utopie est très rarement de droite (elle s’incarne plutôt dans l’extrême-droite suprématiste dictatoriale).
Elle reste cependant le seul ressort initial de la plupart des conquêtes sociales, bénéficiant au plus grand nombre, estimées à l’origine « impensables ».
L’électorat le plus décisif (ce marais mouvant) est rarement latéralisé à gauche ou droite toute. Il est le plus souvent pour partie ambidextre…
Les candidatures « farfelues » (vocable commode) ou hors-normes, concilient, si certains points d’achoppement (comme les mœurs, par ex.) ne les font pas d’emblée écarter, la « maladresse » de l’une ou l’autre des tendances qui partagent l’individu, en offrant la possibilité d’un dépassement, d’une échappatoire. Quand l’issue du scrutin est à peu près certaine, elles constituent un vote bien plus utile qu’il n’y paraîtrait car elles révèlent des aspirations latentes, des évolutions envisageables.
Sur certains points qui ne sont pas que de détail (comme le non-cumul des mandats, que certaines expriment), elles valent consultation, au moins autant que des sondages. On l’a vu notamment avec le Parti radical italien, qui semblait négligeable au départ, car elles peuvent influencer réellement la vie politique en faisant progresser des idées, des suggestions, qui finiront par faire, sinon total consensus, du moins assez de cohésion pour influer sur les législateurs majoritaires…
Alors, pourquoi ne pas s’en aller « faire un tour » ? Sur un chemin de traverse ? Transversal, donc.
P.-S. – Le 13 juin, à 19 heures, au bar Le Chahut (10e ar., Paris), Alain Georges Leduc anime une rencontre-débat à l’occasion de la reparution de son livre Vanina Hesse (éds La Musardine), dont il fut déjà question ici (sur Come4News). Si Cindy’Lee lit ces lignes, qu’elle vienne donc débattre en voisine…