Depuis la naissance de l'Etat turc, proclamé le 29 octobre 1923 par Mustafa Kemal, une approche quasi-totalitariste de la laïcité règne dans ce pays défendant une conception de la République qui se veut inspirée de l'Occident.

Ainsi, pour plus de précaution, l'armée a été symboliquement chargée de garantir la "laïcité" de la société. Dans les années 80, le port du voile fut interdit dans les universités turques. Une aberration dans un pays où l'islam est la religion largement dominante. Mais, pour les jeunes filles voilées souhaitant étudier dans leur pays, il a bien fallu se plier à la règle. Ainsi, devant les portes des universités, les voiles tombèrent.

L'humiliation de se voir dicter leur tenue est insupportable pour de nombreuses étudiantes, dont les plus aisées préfèrent parfois s'exiler vers des pays plus soucieux des droits des personnes.

Le gouvernement actuel de Recep Tayyip Erdogan a enfin accompli un premier pas vers une certaine cohérence : un projet d'amendement constitutionnel visant à ce que "personne ne [puisse] être privé de son droit à l'éducation supérieure" a ainsi été élaboré, adopté durant la nuit de mecredi à jeudi par plus de la majorité des deux-tiers du Parlement. Un second tour de vote aura lieu samedi, le chef d'Etat Abdullah Gül devrait ensuite le ratifier sans difficulté.

Seul le « foulard traditionnel » noué autour du cou sera autorisé.

Le Parti Républicain du Peuple (CHP) a toutefois annoncé son intention de saisir la Cour Constitutionnelle, estimant qu'une telle initiative « défie la République laïque ».

Si certains voient en cette évolution une dramatique « montée de l'islamisme », un recul des libertés individuelles et de tous les grands principes de laïcité, démocratie, et autres droits de l'Homme en Turquie, illustrés par quelques bruyantes manifestations se réclamant de la laïcité, rappelons que les députés ayant voté l'amendement ont été démocratiquement élus, et qu'accessoirement de nombreux sondages ont prouvé l'adhésion d'une large majorité de la population turque à ce changement.

Un communiqué du rapporteur sur la Turquie au Parlement européen énonce que "L'Europe ne doit pas être impliquée et n'a pas de jugement à porter sur la proposition d'autoriser les étudiantes des universités turques à porter le voile".
Une sage décision.