Des narcos qui collent un peu trop

 

Les Paninis ne sont pas que des sandwiches d’origine italienne servis chaud le temps de midi pour satisfaire l’appétit vorace d’employés de bureau, de lycéens boutonneux ou de touristes souhaitant manger sur le pouce pour ne pas perdre de leur précieux temps. Les Panini ce sont également des images autocollantes, objets de nombreux désirs chez les enfants qui les collectionnent afin de les mettre dans leur album préalablement acheté. Chaque image est numérotée et a sa place dans le livret. Le nombre est variable selon la série, car ce concept est applicable à tous les domaines. On trouve des images à collectionner sur des dessins animés, des films, des personnages de marques, des jeux vidéo ou encore à chaque fois qu’une compétition sportive a lieu. Cependant, en Colombie, des vignettes d’un nouveau genre ont fait leur apparition engendrant bien des soucis pour les autorités locales.


 

Nous sommes à Medellin dans le nord est de la Colombie, pays hispanophone miné de l’intérieur par une lutte sans répis contre les cartels de la drogue, le simple fait de marcher dans la rue peut occasionner une mort malencontreuse à cause d’une balle perdue. Dans le quartier de San Diego, l’un des plus miséreux de la ville, les joueurs de football ou les lutteurs masqués ne sont pas les idoles des enfants. Les personnages qui les font rêver s’appellent Pablo Escobar, Gonzalez Rodirguez Gacha dit « le Mexicain » ou bien John Jairo Vasquez dit « Popeye ». Des hommes loin d’être des enfants de cœur. Il leur est repproché, entre autres méfaits, d’avoir mis le pays à feu et à sang durant les années 80.

 

 

Tandis que Pablo s’éfforçait d’organiser des assassinats politiques gràce à des tueurs à gage, de mettre en place un énorme trafic de cocaine et de corruption d’agents publics, Gonzalez agissait avec une terrible cruauté pour occire journalistes et policiers qui auraient pu être de quelconques nuisances et John abattait des avions. Des criminels aux actions condamnables et ayant des hectolitres de sang sur les mains. Pourtant cela n’empêche pas les enfants de Medellin, fief de Pablo Escobat et de son gang, de leur vouer un culte malsain.

 

 

Depuis près de deux semaines, un véritable engouement s’est bati autour de ce petit albums de 16 pages à peine, destiné à accueillir le portrait de ces criminels notoires. La vente se fait à la sauvette, aux portes des écoles. Les vendeurs sont approsionnés en marchandise par des livreurs extrêmement mobiles, montés sur des moto, permettant une fuite plus rapide en cas de démêlé avec les force de police. Personne ne sait qui édite et qui distribue ces images vendues à 100 pesos, soit 5 centimes d’euro. Du moins, il est préférable de penser qu’une forme d’omerta s’est emparée des distributeurs, qui font avec ce marché pernicieux, de véritables profits.

 

 

Les enfants, bien que très pauvres, s’arrachent ces pochettes remplies d’images. Le principe est pareil que chez nous, la selection est aléatoire et au fur et à mesure, on entasse les mêmes images qui nous avons en double, voire en triple. Derrière cette nouvelle dévotion envers des criminels qu’ils n’ont sans doute pas connu, car trop jeunes, il y a surtout l’appât du gain. En effet, il est promis aux heureux lauréats qui auraient la chance de compléter à 100% leur album, une myriade de cadeaux. Une pluie de lecteurs MP3, de ipods et de ballons de foot leur sont destinés. L’information ne dit pas si l’offre est cumulable, si à chaque livret rempli, on peut reçevoir des cadeaux.

 

 

Dans ce quartier d’extrême misère, ce geste est vu comme une action de bienfaisance par les habitants et les enfants. Ils peuvent s’évader dans la musique ou dans le sport et ne plus être confrontés, l’espace d’un instant, à la dure réalité. Car Pablo Escobar, malgré sa mort en 1993, abattu par un commando armé lors d’un raid, est toujours apprécié par les autochtones. A l’instar d’un Al Capone en son temps, il se souciait de ses « protégés » et agissait comme un « humaniste ». Par son action, des écoles ont été construites, du matériel scolaire et médicale fournis, des aides sociales reversées et des distributions alimentaires mises en place. Cependant, il ne faut pas oublier que toute cette « générosité » était financé par de l’argent sale venant de personnes droguées dépendantes de leur dose.

 

 

Le gouvernement a bien tenté de réagir pour enrayer cette effervescence mais il a lamentablement failli. Le représentant gouvernemental placé à Medellin, Sergio Zuluga, est revenu sur ses positions. Alors qu’il prônait une lutte sans merci face à ce prosélytisme d’un mauvais goût et ces ventes illicites, il déclare qu’actuellement aucune décision officielle n’a été prise. Un revirement de situation qui laisse pantois. Aurait-il subit des pressions venant d’un cartel ? Lui aurait-on mis un canon de pistolet sur la tempe ? Aurait-il reçu des malettes de billets complétées de poudre blanche, quand on sait l’étendu des ravages de la corruption en Colombie ? La réponse reste un mystère.

 

 

Alors la vente peut continuer et les enfants espérer d’être récompensés pour leurs efforts acharnés à vouloir compléter cet album imagé. Des efforts il faut en faire pour ne pas sombrer dans la drogue, car ainsi appatés, à force de visionner les trognes de criminels recherchés, les gamins peuvent penser que la came est un eldorado doré permettant d’être riche et aimé. En effet Pablo Escobar, peu de temps avant sa mort, avait une fortune avoisinant les 25 milliards de dollars .