Qui aime bien châtie bien, et le mensuel Le Torchon, à ne pas confondre avec Le Torchon de Tahiti ou Le Torchon brûle, mensuel féministe limougeot, est certes une publication bien aimée mais aussi, indubitablement, bien nommée. Le TorChoN est cracra, pas beau, heureusement pas cher, mais il mérite l’adulation et d’être collectionné.

 

C’est au Sully, un bar parisien, que l’un des pères nourriciers du TorChoN (graphie variable, très pOv’ lAMer dE La mORt kI tUe) m’a gentiment offert son… soit neuvième numéro, soit première et peut-être unique parution datée du 9 décembre 2010. En tout cas, c’est très rafraîchissant. Non, non, je n’écris pas cela avec la morgue condescendante du vieux briscard de la presse parallèle ou d’expression dite différente à l’encontre du p’tit djeun’ ki yen a enkor’ ‘hachement à apprendre. Parce que j’adule ce fanzine carrément mal foutu.

Ses erreurs feraient rougir un stagiaire en graphisme débutant du Greta tant la mise en page cradock est à hurler, les fautes d’orthographe festives et peut-être intentionnelles sont noyées par les trop nombreuses autres…
Question orthotypographie, c’est à gerber. Mais ce n’est pas l’essentiel, car le fond fait – bon, la plupart du temps – oublier la forme.

Journalistiquement, c’est lamentable aussi d’un point de vue formel. L’un des meilleurs articles, portant sur un festival à Aurillac (j’avais deviné que c’était celui du théâtre et des arts de la rue, vu que je connaissais bien la meuf rémoise de son komissar d’antan, naguère ou encore à présent), est aussi mal torché que les miens quand je prends un malin plaisir à donner dans l’antijournalisme. C’est dire !

N’empêche… Imaginez, pour celles et ceux qui le peuvent, un truc aussi déjanté que les canards dits « spontex » de 1968, un sous-Actuel rigolard, un truc quasi inclassable. Je suis quasi certain que même L’Écho des savanes, Fluide glacial et quelques autres à leurs débuts étaient au tORchOn ce que la revue Égoïste ou Patek Philippe Magazine sont à quelques publications se prétendant de luxe sans pouvoir cacher qu’il ne s’agit que de pâles imitations. J’écris cela ainsi parce que je tends à l’objectivité et que, justement, les collaboratrices et teurs du ToRChon tentent aussi la même chose dans leur traitement des thèmes qu’affectionnent les mouvances gaucho-chosistes et autonomo-grunge, pour résumer. Qui aime bien, châtie bien, et puisque j’évoquais récemment le dernier bouquin de Benoît Rayski (L’Homme que vous aimez haïr), je suis quasiment certain que, lisant ce thuriféraire d’un Sarkozy, ces braves jeunes gens se diraient : « il n’a pas tout faux ». Et le pire, c’est qu’ils l’écriraient (certes, sous la forme « il a pas tout faut », mais quand même).

Or donc, outre le petit reportage sur des rigolos qui ont dézingué une caméra de surveillance à Aurillac au risque de tuer une passante (qui s’en est remise, ouf…), il y a du grand reportage. Des envoyés spéciaux très spéciaux en Ardèche (pas de frais pro, car ils pratiquent l’auto-stop) ont trouvé un drôle de zigue qui livre tout une, deux, trois, quatre tranches de vie qu’on ne sait s’il faut la ou les qualifier de boukovsko-céliniennes ou de célino-boukovskyennes. Il y a aussi des crobards, peut-être piratés sur http://www.blogdamned.com, ou détournés en provenance d’ailleurs, un mini roman photo avec un nourrisson amputé à oilpé qui flatte les instincts pédophiles (bon, là, j’écris pour Google…) et sado-hurluberluesques (en fait, il s’agit d’un truc plutôt dada sur les pro-choix, j’imagine, mais troisième degré). Figurent aussi des appels du pied aux grands confrères (le fanzine Rebetiko et le Lyonnais Outrage) et même un grand konkourt gratuit avec des vrais fruits dedans. Ah, ah, grosse rigolade : j’ai même failli passer ma souris sur le bas de la xième page (c’est même pas folioté) pour tenter, en mode survol d’une illustration, de me connecter sur le site du torChOn. Kolossale fantaizi-i-euh ! Bon, d’ac’, il y a des trucs un peu faiblards, mais en général, c’est bien trouvé.

Côté rubrique culturelle (non, sans jeu de mots évoquant le sexe, la volupté, et les jouets sensuels), il est question d’un court-métrage, Le Baiser de la Lune. J’imagine que l’auteur en est une, quoique que l’accord du genre féminin, vu le reste de la syntaxe, n’indique pas forcément qu’il s’agisse d’une transgenre. Le chapeau en est : « ou le capitain cap nous apprend que l’alliance des lobbys israélien et homosexuel pourrait être redoutable ». Je vous épargne les sic, j’avoue que c’est la première fois que je vois un cap (de Cyrano ou d’ailleurs) en bas de casse, ou des groupes de pression rosbifs sans le marqueur du pluriel idoine (–es, où y devient i). Avec la rubrique conso, j’ai ressenti la nostalgie du défunt Éléphant rose (dont je fus l’un des éphémères collaborateurs). Toute la rubrique est consacrée au qat. Ce produit des hauteurs du mont Saber (qui domine Taez, où je séjournai, sans s, quoique… une quinzaine seulement), et de quelques autres zones yéménites de moindres productions, serait aussi cultivé à Lyon. L’anonyme signataire (façon de parler) de la rubrique est un peu léger sur la question (les meilleures feuilles sont les plus récentes, donc les plus petites et les plus fraiches, et il ou elle semle l’ignorer).

Je signale un appel, sur double page, à la population, ce pour convier tous les supers-héros (peut-être les inomanes et les autres), à un défilé le dimanche 13 février (2011 ? ce n’est pas précisé) devant la porte Saint-Martin (métro Strasbourg-Saint-Denis, à Paris), à partir de 17 heures. On sent que les supers-héros levés très tôt n’y seront pas les plus nombreux. « En vous souhaitant… », comme dit l’autre, qu’il ne s’agisse pas d’une convergence de hooligans disposés to paint the town red, mais juste un rassemblement carnavalesque. La der de couv’, méchamment pixellisée, crénelée, est sans doute la seule page sans la moindre coquille (d’ailleurs, les thons rouges n’en pondent pas) autre qu’une erreur d’espace insécable. Il s’agit d’une fausse publicité pour Greenpeace. Bon, c’était fastoche : il n’y a que sept mots sur la page.

Heureusement qu’en France le prix de vente est libre (à la tête du client, donc pour moi, consommateur averti, gratis). En Molvanie (laquelle ? la province roumaine ou la république ? à moins que, pour une fois, ils n’aient pas sciemment écorché l’appellation de la Moldavie), on doit payer le Chorton en nature. J’espère que les dépositaires molvaniennes sont girondes. Je n’ai vu, uniquement sur la couverture, qu’une seule fois un gribouillis évoquant un pénis et des gonades (cela étant, même en voyant des papillons, j’imagine des trucs, donc j’ai pu me tromper). C’est dire que vous pouvez mettre cette publication entre toutes les mains (plutôt de deux fois sept à deux fois soixante-dix-sept ans, toutefois, mais il y a des ados ou pré-ados précoces). On voit bien une raie d’adolescente plutôt en surpoids mais pas plus dénudée que dans les lycées professionnels de banlieues quand la dite ado gerbe dans la cuvette des toilettes en laissant la porte ouverte. Rien d’effarouchant pour une surveillante ou conseillère d’éducation adepte du catholicisme fondamentaliste.

Celle ou celui qui m’expliquera le sens caché du code barre (destiné à une puissance étrangère, voire extra-terrestre) figurant en une de couv’ sera dénoncé-e à la DCRI car, finalement, je me demande si cette publication n’est pas qu’un prétexte pour signaler aux agents molvaniens en France que le mode de cryptage a été modifié. Cela étant, franchement, tout comme on pouvait être un résistant et goûter la musique de Mozart ou même de Wagner, j’apprécie beaucoup ce Jambon, euh, Torchon.

P.-S. – où trouver le ChortOn ? Je crains qu’il ne soit épuisé. Si quiconque me fournit le ou les PDF du seul ou des divers numéros, je le ou les localiserais sur Scribd. Par ailleurs, j’ai le plaisir de signaler le roman-photo Exécution, de micrOlab (http://execution.fr.ht) duquel je salue amicalement au passage Cément A. et Laura B. Mis lui aussi en pages avec Scribus mais dont la syntaxe fantaisiste est soigneusement assumée, pensée, et j’oserais écrire : sabirée, bêchedemèrisée.