Un homme seul au pouvoir, c’est aussi dangereux que de laisser un diabétique gourmand et affamé devant un bon gâteau au chocolat, on va tout droit vers de grandes déconvenues. Seul sur son trône, il peut manifester la volonté de cueillir un à un les pouvoirs tel un ouvrier agricole en période de vendange. Il se meut alors en dictateur, poste qui a tendance à faire perdre le sens des réalités et peut dériver vers l’autocratie et la mégalomanie. Un contexte bien réel dans de nombreux pays, notamment aujourd’hui au Swaziland. Un minuscule pays, coincé entre l’Afrique du sud et le Mozambique, où règne un homme à l’ego démesuré, si imposant que l’on se demande comment il peut se contenter des ces petites frontières, le roi Mswati III. 


Les cheveux coupés de près, petite moustache en U vers le bas, la quarantaine à peine entamée, déjà au pouvoir depuis 26 ans, Mswati III est encore là pour longtemps, sauf coup du sort, ou coup d’Etat dans ce cas. Il est le fils du monarque Sobhuza II, père de l’indépendance du pays, signée avec les dignitaires anglais en 1968. Il est considéré comme le 15ème homme le plus riche du monde par le magazine Forbes, avec une fortune personnelle estimée à 76 millions d’€, c’est à dire bien plus en réalité. Le roi cultive le gout du "bling-bling", du "m’as-tu-vu ?" et s’est taillé une réputation en collectionnant les voitures de luxe, les beaux costumes et les fêtes mondaines aux atours orgiaques. La mégalomanie, c’est dans la peau, à chacun de ses déplacements officiels, il dépêche des crieurs publics devant scander ses louanges et en faire le personnage principal de sagas absurdes aux contours fantastiques. A force de vouloir persuader les foules de sa magnificence, ne faut-il pas y voir une forme de doute intérieur ? 


Le roi est également de moeurs polygames, il a 13 femmes, chacune résidant dans  palace, avec voiture de fonction et tout le personnel allant avec dont la mission est de satisfaire les moindres désirs de ces dames, afin d’éviter les problèmes conjugaux. Le "lion" se pavane dans un harem et chasse la lionne. Une chasse si médiatique qu’elle gangrène l’économie du Swaziland. Le roi a pour coutume de choisir ses femmes lors de la "Fête des roseaux", une cérémonie sexiste, misogyne et plaçant la femme dans un rôle d’esclave sexuel. Avant les festivités, des milliers de jeunes filles encore vierges, sont triées sur la volée, elles devront alors séduire le roi lors d’une danse tribale en tenue d’Eve. Les "heureuses" élues sont obligatoirement des princesses issues de clans royaux au pouvoir diminué, fédérés à celui de Mswati III. Polygamie et endogamie ! Parallèlement, le roi s’adonne à des virées nocturnes en catimini et se rend à des soirées étudiantes,. Quand il ne peut pas y aller, il amène la soirée chez lui en faisant venir les convives en limousine, de ce fait la discrétion est brisée. Mais Mswati est encore loin de son paternel avec un bilan en fin de carrière de 70 épouses et 600 enfants, en cas de divorce on n’imagine pas le montant de la pension alimentaire. 


La famille royale jette de l’argent par les fenêtres alors qu’il aurait été bien plus utile pour financer des projets hautement plus importants. Des entreprises louables comme lancer des campagnes de vaccination et de prévention contre le SIDA, une maladie touchant 40% de la population, augmenter le salaire des travailleurs dont 70% touchent moins de 2.8$ par jour ou encore mettre en place des plans de relance pour endiguer la famine ravageant le pays avec des pics lors des périodes de sécheresse. Le constat est affligeant et résulte d’une gestion pitoyable de dirigeants cupides et incompétents. Le Swaziland est en faillite et se classe au 170ème rang avec son faible PIB. Les investisseurs se font de plus en plus rares, même si Coca Cola y installe des usines afin de profiter d’une main d’oeuvre bon marché. En outre, la liberté d’expression et le multipartisme y est proscrit. Dire des insanités sur le roi ou manifester son mécontentement peut vous valoir une amende de 8400€ et 10 ans de prison. 

 

Même si les partis politiques sont interdits depuis 1973, il en existe bien un qui résiste face à l’oppression : le Podémo. Le harcèlement, les techniques de dissuasion, les coups fourrés, il a eu droit à toutes les manigances les plus basses pour lui mettre des bâtons dans les roues et le faire céder. Mais même persécutés, mis sous les fers et torturés, les membres continuent d’animer l’opposition et militent pour que l’étau se desserre autour des libertés individuelles. Le gouvernement répond par la violence, à coups de matraque et de gaz lacrymogène. Paradoxalement, avec un tel tableau on pourrait s’attendre que des pays comme la France ou les Etats-Unis brandissent les Droits de l’Homme et montrent leur affliction devant leur piétinement. Or rien de tout cela, bien au contraire, Mswati III fut invité bien cordialement par la reine Elisabeth II pour du son Jubilé de Diamant et autoriser à poser en sa compagnie pour une photo officielle.