Au Maroc , depuis plusieurs mois (fin 2007-début 2008), des centaines de citoyens investissent les rues et occupent les routes pour faire entendre leur voix : celle de populations lassées de survivre sur leur terre. Dans le plus grand mutisme médiatique. Tous les manifestants sont berbères (amazighes), autochtones de leur pays, et habitent essentiellement dans les zones rurales, les plus marginalisées.

Depuis le 19 décembre 2007, les manifestations populaires se sont succédées dans ces régions. Les populations berbères revendiquent leurs droits, à commencer par l’officialisation de leur langue, de leur Histoire, de leur existence sur leur propre terre. Elles ne demandent que le droit à la dignité humaine, qui est un droit naturel on ne peut plus légitime. Elles réclament parallèlement une meilleure répartition de richesses, la fin de la marginalisation de leurs régions par l’autorité centrale qui concentre tous les pouvoirs. Ainsi, elles exigent le droit à l’eau, à la terre ; c’est à dire le droit à une vie digne.

Les principaux rassemblements se sont déroulés à Tinghir, Boumalne Dadès, Kelaa M’Gouna,Tilmi, Msmrir, Tazarine , Tazagort, N’Kob , etc. Toute la région du sud-est marocain est en colère et en a plus qu’assez de la misère de la « vie » qu’elle subit. Cette région regorge de richesses, est une des plus touristiques, mais les autochtones sont les derniers à tirer profit de ces richesses.

 

 

 

 

Le sud-est du pays, c’est la région qui s’est retrouvée en première ligne de l’actualité. Les évènements récents les plus importants se sont déroulés dans la vallée de Dadès, plus précisément dans la commune de Boumalne Dadès dans la province de Ouarzazate.

En effet, les 7 et 8 janvier 2008, des dizaines de personnes ont été arrêtées, certaines ont été blessées, torturées puis intimidées suite à une intervention sauvage des forces policières, lors de ce rassemblement populaire et pacifique. Certains détenus ont été comparus devant le juge de la cour d’appel de Ouarzazate et les autres sont en attente de « jugement ». Les chefs d’accusation sont les suivants : attroupement non autorisé, désobéissance civile, atteinte et brûlage du drapeau national, obstruction de la voie publique, destruction de biens de l’État, humiliation de fonctionnaire en plein service.

Il faut savoir que les manifestations ont été pacifiques, que les manifestants ont bloqué l’accès routier un temps, mais toutes ces actions n’ont pas porté atteinte à qui que ce soit. Par contre, les services secrets marocains ont tout fait, comme à leur habitude, pour faire passer les manifestants pour des terroristes séparatistes. Il s’agit, comme toujours, d’évènements que les médias taisent, comme à chaque fois que des malheurs frappent les populations berbères.

Les inculpations abusives et les jugements fondés sur aucune preuve touchent toujours des personnes innocentes comme les populations berbères qui se battent pour vivre mieux chez eux. Par contre, l’État ne se préoccupe absolument pas des vrais terroristes qui respirent l’air frais dans les rues du pays. La lutte contre le terrorisme au Maroc a été remplacée contre une lutte intensive et raciste contre les Berbères, qui troublent, selon les motifs officiels « l’ordre public ». Le système judiciaire marocain est corrompu. Les médias également.

Les systèmes politico-médiatique et politico-judiciaire permettent à l’État d’isoler les Berbères et de faire en sorte que leur situation ne soit connue de personne. Internet est donc le nouvel outil de communication le plus efficace utilisé par les Berbères pour informer, par exemple, la diaspora des agissements de l’ État marocain envers les populations. Mais cet outil est sujet à la censure comme la période après les arrestations des manifestants de Boumalne Dadès . Pendant quelques jours, les services secrets marocains ont empêché les principaux acteurs et témoins d’avoir accès à Internet.

À Boumalne Dadès, des agents de services secrets marocains se sont infiltrés dans la foule pour orchestrer un des chefs d’accusation pour lesquels sont poursuivis les détenus : le brûlage du drapeau national. Évidemment, cette comédie clownesque a pour but de salir la réputation des organisateurs : la très active Coordination Ait Ghighouch.

En effet, ce nouveau collectif est composé de plusieurs sections et rassemble les Berbères de la région. Ainsi, des centaines de femmes, hommes, jeunes, enfants et personnes âgées, chômeurs, actifs, sympathisants et militants de la cause berbère se sont joints pour lutter ensemble pour leurs droits. C’est en cela que la Coordination Ait Ghighouch est originale et diffère du Mouvement Culturel Amazigh, le MCA. Elle touche des personnes, dans distinction de sexe, de catégorie socio-professionnelle ou d’âge.

Notez que ce type d’événements (rassemblements pacifiques suivis d’arrestations arbitraires) fait "tâche d’huile" dans tout le pays et ne touche, évidemment, que les militants berbères.

Tous les Berbères du Maroc sont victimes des mêmes discriminations et luttent, plus ou moins, pour la survie de leur existence, de leur culture. Pour leur dignité.