Il paraît que, majoritairement, les Françaises et Français souhaiteraient le retour aux affaires publiques de Nicolas Sarkozy. François Delapierre, du Parti de Gauche, soutient que la politique gouvernementale « remet en selle un personnage qui a fait beaucoup de mal à notre pays ». Alors qu’il pourrait lui faire tant de bien : il faut au contraire le remettre au travail, en lui confiant le poste d’ambassadeur à Tripoli, en cette Libye qui sait si bien l’accueillir (et en plus, il nous reviendra moins cher qu’au Conseil constitutionnel). 

TIens, on n’entend plus beaucoup Bernard-Henri Lévy sur la Libye. Il est vrai que, du fait de son patronyme, il est désormais considéré persona non grata dans le pays. Il était venu à Benghazi, avait paradé un peu dans les régions berbères proches de la Tunisie, mais… Mais, comme le lui avait confié Mustafa, le guide de la journaliste canadienne Agnès Gruda, de La Presse, « peut-être qu’à l’époque on ne savait pas qu’il était juif… ». 

Il peut se consoler auprès du roi du Maroc et déplorer que les Sarahouis, dont la cause ne le mobilise guère, se soient laissés tenter par Aqmi et autres factions islamistes au Mali… Peut-être s’intéressera-t-il au sort du Berbère marocain Assid Ahmed, qui a le tort de vouloir (un peu, pas trop) moderniser l’islam, ce qui lui vaut des prêches appelant à l’occire et le désaveu du Premier ministre marocain, Abdelilah Benkirane.

Mais venons-en à Nicolas Sarkozy qui a estimé que la candidature présidentielle de François Fillon pour 2017 était une concurrence normale : « être sarkozyste, c’est accepter la concurrence, on ne peut pas lui reprocher son ambition ». Une ambition, bien sûr, au service du pays, de l’État, voire même de la nation (là, on peut douter…).
Tout comme celle de Nicolas Sarkozy, qui voit l’un de ses soucis judiciaires s’alléger depuis que Patrice de Maistre et Éric Woerth se voient dédouanés par le parquet de Bordeaux d’un échange de bons procédés (embauche de l’épouse Woerth par de Maistre décoré de la Légion d’honneur). De toute façon, relève le parquet, les faits sont « couverts par la prescription de l’action publique ». De même, il ne sera plus question des dépassements de dépenses pour sa dernière campagne électorale : c’est silence radio sur toute la ligne.

Mais pour regagner encore davantage de popularité, Nicolas Sarkozy pourrait déjà s’employer à renouer les liens entre la France et la Libye. Mieux, il pourrait même obtenir de représenter temporairement le Royaume-Uni à Tripoli. En effet, à la suite de l’attentat contre l’ambassade de France, le gouvernement de sa très gracieuse majesté vient de fermer partiellement. En cause, les risques d’affrontements armés dans la ville. Les personnels non indispensables sont rapatriés jusqu’à nouvel ordre.

Ce vendredi matin, à Benghazi, une bombe a encore explosé devant un poste de police. C’était la seconde du jour puisque, peu avant l’aube, une autre avait la cible d’un jet de grenade. Il y avait eu quatre attaques de ce genre dans la seconde ville libyenne au mois d’avril. 

Bah, un commissariat, cela ne produit pas grand’ chose. Mais l’ennui est que les milices armées s’en prennent aussi aux installations pétrolières, les occupant sporadiquement ou plus durablement. Selon le ministre de l’Énergie, qui s’est confié au Financial Times, depuis avril 2012, le manque à gagner serait de l’ordre du milliard d’USD.
Pour 2013, il faudra compter avec les soldes des policiers, militaires, mais aussi miliciens chargés de protéger ces installations ô combien sensibles : le nombre des personnels affectés à cette tâche a été récemment porté à 18 000. Mais parmi les miliciens composant cette force, des rivalités durables font qu’il faudrait protéger oléoducs ou relais de leurs protecteurs.
Paolo Scaroni, de l’italienne Eni Spa, la première intervenante dans le secteur pétrolier libyen, a indiqué aux actionnaires qu’il restait optimiste mais s’attendait à de « nouveaux troubles ».

Deux ministères de Tripoli restent encerclés par des groupes armés. Ils exigent à présent une gestion collaborative du ministère des Affaires étrangères.

Une conférence économique, prévue à Londres fin mai, est repoussée à septembre (Inch’ Allah, loué son très, &c.) à la demande du ministre libyen de l’Économie.

Ce vendredi matin, à Tripoli, un immeuble de trois étages s’est effondré, provoquant cinq morts. Les vieux immeubles ne peuvent plus être entretenus. En plus, la population s’entasse à Tripoli car des réfugiés ne peuvent envisager de repartir vers leurs cités d’origine de peur de représailles ou au moins d’extorsions.

Les employés de la compagnie Libyan Airlines se sont mis en grève sans préavis…

C’est au pied du mur que l’on voit le maçon. Nicolas Sarkozy, qui a réussi à instaurer un service minimum pour les transports publics français, pourrait certainement, s’il était nommé ambassadeur sur le champ, changer tout cela. C’est le troisième mouvement de grève depuis mars dernier : les personnels demandent que certains cadres soient démis, que le siège de la compagnie soit rapatrié à Benghazi.

Et puis, Nicolas Sarkozy pourrait convier (avec un vrai-faux ou faux-vrai passeport au besoin) Bernard-Henri Lévy à calmer les esprits à Misrata. C’était la ville choyée par BHL. Les milices de Misrata « protègent » Tripoli, selon Abdel Rahman al-Sewehli, l’un des politiciens les plus en vue de la cité. Son contradicteur, Hassan al Amin, a préféré s’enfuir après avoir reçu de menaces de mort. Il s’est réfugié à Londres et à déclaré au Financial Times que le conseil municipal élu est impuissant à s’opposer aux milices armées. Le directeur salafiste militant de la prison al-Huda, le cheikh Fathi Daraz, voudrait récupérer quelque 130 prisonniers aux mains des milices.
Quant à ses 700 détenus, il les protège : beaucoup proviennent de la ville proche de Tawargha, suspectée de n’avoir été peuplée que de partisans des Kadhafi (c’est pourquoi c’est toujours, deux ans après le soulèvement préparé activement par la France et le Qatar, une ville morte). Certains habitants de la ville à-moitié détruite par les milices de Misrata envisagent un retour le 25 juin. Mais ils veulent être escortés, au moins par le Croissant rouge et la Croix rouge.  Il reste plus de 30 000 habitants de Tawargha réfugiés dans des camps (faisant du camping, comme dirait Berlusconi).

À Tripoli, la rebaptisée International School of the Martyrs ne paye plus ses enseignants étrangers. Ses élèves passent leurs examens à Malte pour des raisons de sécurité.

Sur les 250 000 anciens combattants (ou se prétendant tels) du soulèvement, seulement environ 6&bnsp;000 ont été intégrés dans l’armée ou la police. D’une part, c’est plus payant de rester dans des milices, d’autre part l’armée ou la police se méfient de ces pseudo-vétérans.

Hier jeudi, à Sebha, un mausolée (soufi) a été détruit par deux roquettes. Il avait déjà été endommagé en février. En avril, c’était celui d’al-Andalousi qui fut détruit, à la suite d’autres.
Là encore, Nicolas Sarkozy, qui a favorisé le dialogue inter-musulman en France, ferait des éclats et remporterait, soyons-en sûrs, de vifs succès. Il saurait ramener à de meilleures dispositions les salafistes de Derna qui montent de telles expéditions.

Selon un responsable de la sécurité libyen, Aqmi a désormais établi son centre de commandement en Libye après l’intervention « hollandaise » au Mali. L’organisation est confortée par les djihadistes égyptiens présents en Libye. Les combattants ne se rendent pas qu’en Syrie pour porter main forte à leurs frères d’armes, ils passent aussi des explosifs en Tunisie. Selon le Washington Post, la katiba Ansar al Charia, de Benghazi, recrute ouvertement. Elle se partage avec d’autres islamistes l’organisation de patrouilles et de points de contrôle, notamment pour capturer des immigrants illégaux (ou qui le deviennent de facto lors des contrôles).

Quand c’est cassé, c’est à vous, indique le dicton. Idriss Deby, le président tchadien, a déclaré à Al Jazeera, samedi dernier, que des mercenaires tchadiens pouvaient s’entraîner auprès des milices de Benghazi. Le président Idriss Deby avait beaucoup apprécié Carla Bruni lors de sa visite, avec son présidentiel époux, à Ndjamena en février 2008. La présidente Hinda Déby était comparée à Carla Bruni. Idriss Déby avait aussi était accueilli en France lors d’une visite privée en février 2010.

Alors, qu’attend François Hollande pour faire nommer Nicolas Sarkozy plénipotentiaire à Tripoli ? Certes, il faudra refaire l’ambassade en partie détruite au goût de Carla Bruni. Mais cela n’en vaut-il pas la peine ?