Le prix de la trahison

Je venais de commettre un double péché : un adultère et un meurtre. Pauvre domestique que j’étais, je venais de voler la vie à mon patron dans une bagarre sanglante. Vieux qu’il était, monsieur SIKAM m’avait surpris en flagrant délit avec sa femme séduisante et d’une beauté angélique qui masquait son âge, cette ainée avait réussi à m’enjôler. Je n’avais pas pu résister à la forme géométrique d’un corps merveilleux qui se dessinait dans cette longue robe transparente qu’elle portait le soir.

L’argent et la femme n’étaient-ils pas à l’origine de nombreux conflits dans ce monde ? Le père et le fils, deux frères, les amis n’étaient-ils pas prêts à livrer un combat sans merci pour les beaux yeux d’une femme ? Un domestique venait de tuer son patron pour une femme.
Aveuglé par la colère, SIKAM n’avait pas pu se retenir et m’avait enfoncé le couteau à l’épaule gauche, et de la main droite, je me battais avec une barre de fer ramassée dans le salon. Je réussis alors à faire tomber le couteau. Désarmé, SIKAM ne s’avoua pas vaincu. Il fonça sur moi comme un fauve, me saisit, et me plaqua de toutes ses forces contre un pilier de la terrasse. Il avait réussi à ramasser son arme et à la retourner contre moi. Il la tenait juste à niveau de mon cou.
L’air me manquait, j’étouffais. J’essayais en vain de me dégager et il serrait de plus en plus fort. Mais un coup de genou bien ajusté dans les testicules de mon adversaire le fit lâcher prise. Plié en deux, il se tordait de douleur. Profitant de mon avantage, je lui assenai un, deux, trois coups de poing qui l’envoyèrent au tapis. Je le rejoignis pour l’assommer définitivement lorsque je fus arrêté dans mon geste. Il ne bougeait plus. Ses yeux étaient grands ouverts. Sa tête baignait dans une marre de sang. Dans sa chute, sa nuque avait heurté un tabouret. Je pris son pouls, aucun battement. Il n’était plus de ce monde. Je me relevai difficilement. Tout mon corps tremblait comme une branche dans une tempête.
La femme désormais veuve me saisit par le bras. C’est un accident fit-elle. Calme-toi, nous allons trouver une solution.
Quelques instants après, la cour était envahie par les voisins alertés par nos cris et nos appels au secours. Madame SIKAM semblait inconsolable. Elle criait et s’arrachait les cheveux. Les voisins compatissaient, essayaient de la consoler. Moi de mon côté, j’expliquais le scénario mis en place par l’esprit diabolique de mon amante.
– Mon patron en rentrant de voyage a surpris deux individus dans la cour. Alerté par les bruits, je suis sorti. Le maitre a été tué dans la bagarre, moi j’ai reçu un coup de couteau. Je n’ai pu rien faire. Ils se sont enfuis.
Du coin de l’œil, je suivais le manège de la veuve. Elle continuait de pleurer.
Les commentaires allaient bon train :
– « il n’ya plus de sécurité… »
– « pauvre SIKAM, mourir ainsi… »
– « ils en veulent certainement à son argent. Il était riche… »
– « que va devenir sa femme son veuvage terminé ?… »
Mon amante et moi quittâmes les lieux pour une autre ville, où personne ne connaissait notre histoire. Comme promis, elle m’épousa. Je déplorais cette situation, mais que pouvais-je faire ? J’étais pris au piège. Si je n’avais cédé à la tentation, tout cela ne serait jamais arrivé.
Ma nouvelle femme, très généreuse, me confia sa fortune à gérer. Un domestique devenu riche. La richesse change vraiment. On vécu des années dans le bonheur et moi, l’ancien domestique, j’avais à mon service des employés.
Un soir, alors que je buvais une gorgée assis au salon de notre grand châteaux, madame vint s’asseoir tout prêt de moi et porta sa main sur mes lèvres. Le parfum qui se dégageait d’elle avait un effet aphrodisiaque sur moi.
Je m’apprêtais à lui demander de nous retirer lorsque mon attention fut attirée par un jeune homme assis devant la cuisine.
– Dis-moi chéri, qui est ce jeune ?
– Je suis désolée, j’ai complètement oublié de te prévenir. Il m’a été chaudement recommandé par une amie. Je viens de l’engager, c’est notre nouveau boy.
Le verre que j’avais en main s’échappa et se brisa sur le sol. En une fraction de secondes, ma vie de domestique défila dans mon esprit. L’histoire n’était-elle pas sur le point de se répéter ?