Le passage

Dans la cuisine, des bruits de voix
Voix écrasées, voix chuchotées
Parfois une tête, un sourire à la porte
Des bouches qui ne savent que demander
Et qui n’osent pas sourire
Le soleil est maintenant bien haut
Et pourtant ta nuit est là.

Dans la cuisine, des bruits de chaise
Des bruits que toi tu n’entends plus
Ta main décharnée dans la mienne
Ton souffle ténu sur mon souffle
La faculté l’a dit
Ta nuit est là.

Dans la cuisine, des bruits de tasse
La vie bouillant dans les cuillers
Cette vie qui maintenant t’abandonne
Dans ma main, ta chaleur encore
Chaleur qui ne peut que tiédir
Puis refroidir
Puisque c’est ainsi
Puisque ta nuit est là.

Dans la cuisine, un rire d’enfant
Qu’un « chut ! » aussitôt emprisonne
Dans tes cheveux, ma main s’attarde
Et dans mes yeux l’or de nos noces
Attend patiemment de couler
Puisque après toutes ces années
Ta nuit est là.

Nous qui nous croyions immortels
Voilà que le froid nous pénètre
Toi qui étais la vie même
Voilà que la souffrance t’abat
Va où la douleur n’est plus
Va où la vieillesse n’est rien

Ta nuit est là
La mienne s’approche
De très près
Fatalement
Il fait si froid.