le parti pris pro-sunnite des médias arabes

Dithyrambiques sur les mouvements populaires tunisiens, égyptiens et libyens, les médias arabes restent étrangement moins prolixes en ce qui concerne la cause des manifestants du Bahreïn. A la clé, très certainement, l’expression d’un parti pris sunnite implicite tendant à discréditer et ignorer toute révolte à consonance prétendûement shiite.

Très loin des appels inconditionnels à la démocratie, il semble que les médias arabes aient fait leurs choix dans le traitement des différentes révoltes qui secouent la région. En effet, alors que les évènements tunisiens, égyptiens et aujourd’hui libyens font la une des journaux, le cas bahreïni suscite, lui beaucoup moins d’enthousiasme médiatique. Est-ce à admettre qu’on ne croit juste une cause que lorsqu’elle semble sur le point de triompher ? Trop convaincus que les Al Khalifa ne sauteront pas, au moins dans l’immédiat, les médias préfèrent se lancer vers d’autres révoltes.

Un parti pris pro-sunnite implicite dans les médias arabes

Ou alors est-ce tout bêtement un parti pris religieux implicite ? Se rejouerait insidieusement le parti pris confessionnel qui avait prévalu lors du soulèvement des chiites irakiens de 1991. Car si à Bahreïn la révolte peut être ignorée par les médias c’est parce qu’on s’acharne à n’y voir qu’un différent de nature religieuse. En effet le pouvoir bahreïni a eu beau multiplier les naturalisations d’individus pratiquant un islam sunnite (syriens, jordaniens, pakistanais), la population reste à majorité shiite.

La famille régnante des Al Khalifa étant, elle, sunnite, on a eu vite fait de croire que là était la cause des troubles frappant Manama, la capitale. Et pourtant à lire les revendications des manifestants on constate qu’ils réclament, eux aussi, plus de démocratie, de contrôle citoyens et surtout moins de corruption.

Sont alors réapparues dans nombre de médias arabes l’explication qui avait prévalu en 1991 lors de la révolte des shiites vivant dans le sud de l’Irak. Saddam Hussein avait alors pu, en toute impunité, réprimer dans le sang la révolte. Les shiites s’étant révoltés en 1991 ayant été présenté comme des « agents de l’Iran », des « hérétiques servant la cause perse», ou encore des menaces pour l’équilibre régional que Téhéran espère modeler selon ses intérêts. L’équilibre régional, menacé par l’émergence éventuelle d’un Irak à majorité shiite ; valait bien la peine qu’on retire les troupes de la coalition internationale juste avant que le régime irakien n’envoi ses sbires contre les shiites en révolte.

Une tendance aggravée par les non-dits diplomatiques

Dans la révolte actuelle frappant le Bahreïn le même parti pris aveugle les médias arabes. Soit ils se taisent sur la question, soit ils en offrent une lecture parcellaire.  Facteur aggravant ou incitatif pour eux : la diplomatie en cours dans la région tant à aller vers cette tendance. L’Arabie Saoudite, plus spécifiquement, pousse pour accréditer l’idée d’une révolte de nature essentiellement religieuse au Bahreïn. Interprétation fausse lorsqu’on sait que certaines des populations sunnites du pays ont rejoint le mouvement.

Mais la nature des revendications des manifestants bahreinis pouvant gravement inciter tout éventuel mouvement de contestation interne à l’Arabie Saoudite il est nécessaire, pour Ryad, d’accréditer une telle idée.  Constatant que la révolte a triomphé en Egypte (sur son versant ouest), qu’elle se poursuit au Yémen (sur son versant sud) et qu’elle peut se déclencher en Jordanie (versant nord), l’Arabie grossit le trait pour que le même mouvement ne puisse triompher au Bahreïn (versant  est).

Convaincues des bienfaits de la stabilité de ce coté ci du monde arabe les diplomaties occidentales ne se pressent pas, non plus, pour offrir un autre son de cloche.

 Le problème de l’offre informative dans la région

Mais un autre problème s’esquisse à la lumière de ce parti pris idéologico-religieux contre la révolte bahreïnie dans les médias arabes: celui d’un tel fait en réponse à une pauvreté de l’offre journalistique dans la région. Le simple exemple des chaines de télévisions toute info de langues arabes suffit à l’illustrer. A coté d’Al-Jazzera, de nationalité qatarie, et d’Al-Arabia, basée à Dubaï, on trouve des chaines « occidentales » : France 24 langue arabe, BBC middle East, CNN arabian.

Bref autant de relais au parti pris sunnite dans le traitement médiatique de la révolte bahreïnie.

 

http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=23586

http://www.rfi.fr/moyen-orient/20110217-bahrein-raisons-colere

http://blog.lefigaro.fr/malbrunot/2011/03/bahrein-la-revolte-chiite-etou.html

Grégory VUIBOUT