Le Mémorial Normandie-Niemen doit survivre

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Ce n’est pas tout à fait de l’« actualité heureuse », mais rien n’est encore perdu pour le Mémorial de l’escadrille Normandie-Niemen des Andelys. Ce musée privé (associatif), d’un très grand intérêt, survit avec difficulté alors que les survivants de l’escadrille disparaissent, tel Marcel Albert, qui vient de décéder. Mais les aviateurs, tant civils que militaires, se mobilisent, et appellent chacune et chacun, tout comme les anciens du Normandie-Niemen l’avaient fait, individuellement, en ralliant la France Libre, à les rejoindre.


La « grande » presse française a consacré quelques paragraphes à la disparition de Marcel Albert (Paris, 1917 – Texas, août 2010), mais c’est le quotidien britannique The Independant qui lui a dédié son plus fourni « obituary ». « Captain Marcel Albert : Ace fighter pilot who flew for the Free French Air Force and shot down 24 German aeroplanes », tel était le titre de l’édition du 28 août dernier. L’article était assorti d’une photo d’archives, issue du fonds du Mémorial des Andelys (rue Raymond Phélip, B.P. 124, 27701). Le seul survivant de l’épopée de « ceux de Neu Neu » est désormais son équipier, son wingman, Roland de la Poype, né en 1920. Marcel Albert était l’un des deux plus grands « as » français de l’histoire de la Chasse. Avec son décès, il ne restera plus que 39 Compagnons de la Libération en septembre 2010 (sur 1 036, dont quelques-uns étaient « honorifiques » comme Winston Churchill ou Dwight Eisenhower ou le roi George V, à titre posthume). marcel_albert.png

 

Toute une génération de baby-boomers a vibré aux évocations des combats aériens des FFL, ceux de Pierre Clostermann, auteur du Grand Cirque, s’est précipitée aux kiosques pour acheter la dernière parution des récits du héros de bande dessinée Battler Britton, as « de papier » de la RAF, souvent campé par Hugo Pratt, ou ceux de Biggles, de Manuel Perales, mais les « héros du ciel » français de l’époque étaient par excellence ceux du Groupe de chasse Normandie-Niemen.

 

Ce groupe a compris jusqu’à 96 pilotes français, et il compta 42 morts au combat. Le maréchal allemand de l’air Keitel, stupéfait par leurs succès, ordonna que tout pilote français capturé soit immédiatement exécuté. La plupart étaient, comme Marcel Albert, des aviateurs ayant déserté l’armée de Pétain pour rejoindre Londres, et de ce fait condamnés à mort par contumace.

 

Le GC3 Normandie fut formé en août 1942 au Liban, puis affecté à Ivanovo en novembre, et chargé de missions d’interception ou d’appui au sol en Biélorussie en mars 1943. Ses exploits au-dessus du fleuve Niemen lui valurent, de la part de Staline, un second nom de baptême, le 21 juillet 1944 : il devint le Groupe Normandie-Niemen. Les chasseurs Yak de fabrication soviétique dont il était doté furent légués à la France par Staline et c’est à leurs « manches » que, le 20 juin 1945, les 48 pilotes survivants atterrirent à l’aéroport du Bourget. Par la suite, certains disparaîtront en Indochine, d’autres poursuivront leur carrière dans l’aviation civile (ou devinrent instructeurs, comme Jacques André, qui formera l’aviatrice Jacqueline Auriol), mais ils continuèrent à former un groupe soudé, à l’origine du Mémorial.

 

Le nom du groupe lui survivra dans l’Armée de l’Air jusqu’au 7 juillet 2009. Dans les forces aériennes russes, l’escadrille homonyme a été dissoute le 9 novembre suivant. Georges Marcellin, mécanicien de Roland de la Poype et ancien du « Neu-Neu », sur le forum du Mémorial, s’insurge des difficultés financières de ce musée : « Les Français n’ont donc rien dans les tripes ! ». Effectivement, si la disparition de Marcel Albert a été honorée dans la presse française, il est bien trop peu fait état du devenir du Mémorial. L’administrateur du forum exprime le sentiment de toutes celles et ceux qui restent conscients de ce qu’ils doivent aux sacrifices de ces pilotes : « nos anciens ont-ils hésité à devenir déserteurs pour défendre un idéal et un pays qui désormais se moque de leur histoire ? ».

 

D’une « main », on souhaite honorer la mémoire de Guy Môquet (et pourquoi pas ?) dans les lycées, de l’autre, on laisse dépérir ce lieu de mémoire. D’un côté, on dote sans compter des « fondations » de toutes sortes, de l’autre, les bénévoles du Mémorial se voient retirer des subventions.

  Le collectif de défense de la Mémoire du Normandie-Niemen a lancé un appel qui reste d’actualité.
« Nous savons que des dons ne sont pas une solution à long terme, mais le fait de pouvoir tenir encore quelques mois peut faire évoluer les choses dans le bon sens. Aussi, nous pouvons aider le Mémorial, en faisant un don exceptionnel, ou en devenant membre sympathisant (30 €) ou membre bienfaiteur (50 € minimum) et envoyant : – un chèque à l’ordre du Mémorial Normandie-Niemen, rue Raymond Phélip à 27701 LES ANDELYS, – ou un virement au Crédit Agricole des Andelys, IBAN : FR76 1830 6002 0153 7019 7600 002,

ADRESSE SWIFT : AGRIFRPP883 ».

 

Merci de répercuter cet appel. Les anciens du Normandie-Niemen avaient fait leur la devise de Jean de Lattre de Tassigny : « ne pas subir », ou celle de Georges Guynemer : « faire face ». C’est chacun, seul, en conscience, comme l’Antillais Roger Sauvage, qu’ils avaient rejoint les Forces françaises aériennes libres. Ils appartenaient à divers courants de pensée, certains furent suspectés, à leur retour en France, de sympathies communistes et « internationalistes », d’autres étaient des nationalistes (mais non xénophobes) engagés. Mais tous considéraient sans doute qu’un peuple sans mémoire n’a pas d’avenir. Là est l’enjeu…

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

2 réflexions sur « Le Mémorial Normandie-Niemen doit survivre »

  1. Lien vers le forum du Mémorial :
    [url]http://normandie-niemen.forumpro.fr/sauvons-le-memorial-normandie-niemen-f16/sauvons-le-memorial-t293.htm[/url]
    Lien vers le site du Mémorial :
    [url]http://normandieniemen.free.fr/[/url]

  2. Pas de lien direct, mais une coïncidence.
    Tel que reçu sous le titre « Hommage au général Gallois » :
    « [i]Après la disparition, infiniment regrettée, du vieux soldat qui, combattant de la FRANCE LIBRE à bord d’un bombardier, puis initiateur de la pensée stratégique de l’époque nucléaire, mettait encore toute son énergie de quasi-centenaire à l’acuité intellectuelle restée sans pareille dans le combat contre l’EUROPE FEDERALE INTEGREE de MAASTRICHT, LISBONNE, etc., et la MONDIALISATION A LA SAUCE AMERICAINE, un texte approfondi qui, en l’honneur de cet ami du site Le Monde Réel, fait le point sur les acquis, les limites, les contradictions, les perspectives et les réseaux enfouis dans l’armée comme dans toute la société du courant “souverainiste” à l’époque où l’entrée en décomposition du capitalisme (impérialiste), aussi lourde des dangers du chaos de crises manipulées que riche de potentialités nouvelles, inattendues, et d’espérances, remet sans cesse au centre des problématiques la question de la souveraineté populaire “effectivement réelle” en France et dans le monde[/i].
    •[url]http://www.lemondereel.fr[/url]/ »
    Pour les pilotes passant par ici, une seconde (ou plus) de recueillement à la mémoire de Serge Craciun, mécanicien embarqué de l’Aéronavale en Indochine… Il est décédé voici près de deux ans au Val-de-Grâce… C’était mon cousin.

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