Le Liban et sa goutte d’eau à la Biennale de Venise

On dit souvent des militaires « qu’ils ne pensent pas, qu’ils obéissent ». L’exception confirmant la règle, il se trouve que malgré les sanctions encourues par ceux qui désertent, toute guerre a ses brebis galeuses. Certaines désobéissances massives vont parfois jusqu’à faire la fierté d’une Nation : ces « glorieux désobéissants » issus de tous les niveaux de la hiérarchie militaire qui ont fait le choix de rallier les forces françaises libres après l’appel à la Résistance du Général De Gaulle le 18 juin 1940.  

D’autres ne cautionnant pourtant pas la cause de leur mobilisation, échouent à s’affranchir de leur devoir et bien malgré eux s’en vont en guerre, le cœur gros. Ils en reviennent souvent meurtris ; on parle à cet égard d’explosion du taux de suicide, lequel  touche en particulier les vétérans traumatisés par le sale boulot qui est le leur en Afghanistan, en Irak et ailleurs. 

Cette désobéissance à bon escient nécessite toutefois un courage qui malheureusement n’est pas à la portée de tous ; et c’est justement une réflexion autour de cette aptitude à disposer du courage de ses convictions qu’il est question dans le documentaire du Libanais Akram Zaatari. 

Pour la seconde fois la 55e Biennale d’art de Venise, qui ouvre aujourd’hui ses portes, accueille un pavillon libanais ; Akram Zaatari initiateur de la Fondation arabe pour l’image y présente son œuvre qui s’apparente à une ode à la désobéissance :« lettre au pilote qui a désobéi ». 

C’est une histoire qui repose sur un épisode authentique qui lui est familier, survenu le 6 juin 1982 lors de l’invasion du Liban par Israël, au cours de l‘opération baptisée « Paix en Galilée ». A l‘heure où des avions de chasse sillonnaient le ciel libanais larguant leurs bombes, des habitants de Saïda furent frappés par la surprenante trajectoire de l’un d’entre eux : après avoir survolé sa cible, un certain lycée public pour garçons du village de Taamir niché au cœur d’une colline, le pilote rebrousse chemin jetant à la mer sa cargaison ; contre toute attente ! 

Jugeant sans doute minable l’ordre que lui enjoignaient ses supérieurs, il l’a zappé royalement ; il a été formidable le pilote israélien ! L’établissement visé n’a pour autant pas été épargné du sort qui lui était réservé : un autre soldat a exécuté les ordres apparemment sans un soupçon d‘hésitation en le rasant. 

Cette saisissante histoire de désobéissance a donné naissance à des légendes des plus abracadabrantesques qui se racontent au cours des veillées dans les chaumières locales : le pilote, sa famille auraient peut-être des attaches à Taamir pour y avoir vécu avant de partir en Israël lors de sa création ; le héros aurait étudié dans ce collège, etc. 

A travers documentaire, archives, l’artiste tente d’explorer les mécanismes par lesquels l’homme parvient à transcender politique, appartenance ethnique, religion, etc. S’émanciper de tous ces ordres abusifs ! 

Quatre-vingt-huit pavillons nationaux seront présents à la Biennale de Venise pour aborder de manière plutôt originale des thèmes souvent durs ayant trait au pays respectif. La Biennale est ouverte au public jusqu’au 24 novembre. Avis aux amateurs ! 

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