Le Liban dans sa crise des ordures

 

La plaisanterie aura assez duré puisque des décennies durant, les Libanais adeptes de la politique de Gribouille, auront réussi l’exploit de composer, sans broncher, avec d’ahurissantes restrictions qui leur ont été imposées. C’est que lorsque la norme devient l’anormal, même le complément d’accès à  l’eau ou à l’électricité s’ubérise pour que jamais entorse ne soit faite à la règle d’or locale qu’est le triomphe des inégalités dans tous les domaines ! 

Taillable et corvéable à merci, la population semble enfin se réveiller de son long sommeil comateux et pour cause : l’odeur pestilentielle que dégagent les poubelles qui s’amoncellent depuis bientôt deux mois à travers tout le pays a eu raison de leur apathie chronique. D’une seule voix, toutes obédiences confondues, la société civile semble vouloir en découdre avec ces responsables politiques qui n’ont de responsables que le nom ; obnubilés par le seul appât du gain, ils ont mis la main basse sur les ressources du pays tout en lorgnant sur celles souterraines à venir. La gangrène de la corruption a atteint un niveau inédit qui leur a fait perdre toute légitimité aux yeux de leurs concitoyens aguerris. 

Ecoeurés, ces derniers ont pris d’assaut la Place Ryad el Solh, les locaux du ministère de l’environnement, pour déverser leur ras le bol devenu irrépressible comme en témoigne leur slogan : "tol3ét ri7itkon"! "Vous puez" ! Maintenant qu’a sonné l’heure des règlements de comptes, les priorités se révèlent peu négociables : le ministre de l’environnement Machnouk  est invité à déguerpir ; le transfert de la collecte des déchets aux municipalités est exigé ; tout comme la tenue d’élections législatives pour mettre fin à ces prorogations de mandats qui préservent au chaud "Ali Baba et les plus de 40 voleurs"malgré leur piètre gouvernance ! 

L’ampleur du mouvement que l’on tente de disperser manu militari fait toutefois trembler ces piliers qui jusque là se croyaient indéboulonnables. Poussés dans leurs retranchements, ils tentent tant bien que mal de faire diversion avec quelques effets d’annonces qui demeurent sans suite.

Cette campagne qui a pu, comme par miracle, fédérer tous les Libanais autour de mêmes revendications n’est pas près de s’essouffler malgré les pernicieux coups de boutoir qui lui sont infligés. Pris dans le colimateur, des politiques dénoncent la vilaine propension des protestataires à faire l’amalgame entre l’ivraie et le bon grain qu’ils incarnent. Pire, selon eux ces manifestations ne sont déclenchées que par des marionnettistes au service de suzerains aux ambitions occultes. La paranoïa étant le mal du  siècle, la thèse du complot trouve de plus en plus d’adeptes jusqu’à décrédibiliser cette initiative populaire… 

Avec un siège présidentiel vacant, avec des politiques qui ont démontré avec brio leur promptitude à se vendre au plus offrant, le pays s’apparente désormais à une belle proie  à la portée de ces redoutables rapaces qui sévissent aux alentours.

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