Le Liban dans l’impasse politique

Il a toujours fallu croix et bannière pour faire bouger les choses sous les cieux libanais et ce n’est pas la formation du  cabinet ministériel qui ferait entorse à cette règle devenue pérenne. Désigné par le président Sleiman depuis déjà dix mois, Tamam Salam n’ayant apparemment pas la poigne de fer requise pour de telles situations, peine. 

Il a beau brandir la menace du gouvernement de fait accompli, son cabinet bien qu’intérimaire du fait de l’imminence de l’échéance présidentielle, ne vient toujours pas ; et les houleux marchandages autour de la distribution des portefeuilles, préalable à un gouvernement « rassembleur », sur fond d‘attentats à la voiture piégée, n‘aboutissent pas. 

Et pourtant après avoir pris acte de la stérilité de la guerre des nerfs dans laquelle ils s’étaient engouffrés, les « belligérants » et leurs parrains respectifs ont bel et bien décidé de jouer la carte de la flexibilité : qui de renoncer à son sacro-saint tiers de blocage, qui d’accepter la main tendue et de se dire prêt à siéger aux côtés de son ennemi juré… 

En dépit de ces avancées inespérées, des couacs qui fleurent bon la manipulation viennent à nouveau entraver le processus de dénouement, encore à l’état embryonnaire. L’épreuve de force qui en découle oppose désormais l’Alliance du 14 Mars et le CPL, Courant patriotique libre de Michel Aoun,  tous deux devenus ultra-méfiants pour avoir été échaudés. 

Sur la sellette, le concept de rotation des portefeuilles, une nouveauté qui ne fait pas l’unanimité et pour cause : Michel Aoun en a fait le fer de lance de son opposition au cabinet en gestation. Selon lui, le ministère de l‘Energie et des Eaux pris en charge jusque là par l’un des siens, Gebran Bassil,  n‘est pas « troquable » contre n‘importe quel autre ministère, aussi alléchant soit-il ! 

Sa priorité est donc de garder la main sur un ministère juteux dont les déficits atteignent des records abyssaux dans la perspective de poursuivre les réformes en profondeur déjà engagées et surtout par manque de confiance en les successeurs potentiels. 

Qui a eu cette idée folle en cette période agitée, de nous inventer le concept de la rotation des portefeuilles pour débloquer  la paralysie institutionnelle ? Une entourloupette de trop montée de toutes pièces, dans le but de torpiller la formation du cabinet à des fins inavouables, jusqu’à ce que s’ensuive prorogation, ou parachutage d’un président consensuel, selon certains spécialistes  :  pour être acquise une prorogation du mandat présidentiel nécessite de baliser en amont le terrain ;  imposer l’élection d’un président ne s‘improvise pas non plus. 

Le scénario de l’expiration du mandat présidentiel en l‘absence de tout compromis, auquel cas le gouvernement hériterait des prérogatives, fait craindre le pire : du coup, on rivalise de prouesses en tirant à soi la couverture! Alors que se joue l’avenir du pays, les spéculations vont bon train sur le triomphe à terme de l’une ou l’autre des deux Alliances. Tous ces savants comptes d‘apothicaire vont finir par sacrifier ce pays vacillant sur l‘autel de ces abracadabrantesques jeux politiques…