A l’occasion du troisième et dernier opus de la trilogie Batman signé par Christopher Nolan, faisons un petit retour sur cette saga qui a commencé il y a 8 ans déjà. En 2004, Christopher Nolan, jeune réalisateur déjà renommé pour Memento, film à la construction ingénieuse jouant sur des flash-backs et Insomnia, remake d’un polar norvégien à l’ambiance particulière car le jour y parait éternel, se voit recevoir la tâche de tourner un nouveau Batman. Depuis 1992 et les deux magnifiques réalisations burtoniennes, la série fut "assassinée" par Joel Schumacher, un acte ignoble dont il s’est excusé par la suite. En effet, ses productions Batman Forever et Batman and Robin sont des navets incommensurables et des bides aussi bien critique que public. L’homme chauve-souris s’est fait couper les ailes. La tâche était donc rude pour Nolan pour réanimer cette série phare et adulée des fans de comics.
Il s’attela à l’oeuvre et parvint avec brio, en 2005, à lancer les bases d’une nouvelle saga. Nouveaux acteurs, nouvelle ambiance, nouvelle Batmobile et scénario original avec des libertés prises par rapport à la bande dessinée. Il choisit l’ingérable, mais talentueux, Christian Bale pour incarner le rôle de Bruce Wayne, alias Batman. Sir Michael Caine est le majordome, confident et ami de toujours, Alfred. Gary Oldman est le soutien indéfectible de notre héros, le commissaire Gordon. Liam Nesson, le méchant Ra’s Al Ghul, Cillian Murphy, le psychiatre Jonathan Crane qui se déguise en l’effrayant Epouvantail. On retrouve également un personnage inventé pour l’occasion, l’amie d’enfance de Bruce, Rachel Dawes, dont il est secrètement amoureux. Au niveau des créations, il y a Lucius Fox, ingénieur chez Wayne Enterprises, bien qu’existant dans le comic, il se cantonne au poste de gestionnaire efficace et n’est pas le concepteur des gadgets de l’homme-chauve souris et de sa monture, la Batmobile comme on peut le voir dans le film. Cet attribut majeur de notre héros subit lui aussi un ravalement de façade. Adieu carrosserie longue et élégante, adieu style gothique et improbable, place à la fonctionnalité, Batman conduit désormais un 4×4 hyper performant et résistant.
Au niveau du scénario, co-écrit avec son frère, Jonathan, on est plongé au coeur d’une histoire plus sombre, plus noire où l’on explore la psychologie du justicier masqué. Batman est un personnage bicéphale, hanté par sa responsabilité en tant redresseur de tort et sa véritable identité de milliardaire plaboy désirant se venger de la mort brutale de ses parents lorsqu’il était enfant. L’histoire nous révèle la raison du choix de la chauve-souris en guise de symbole. Plus concrètement, dans ce premier verset, il lutte contre son ancien mentor qu’il croyait mort, Ra’s Al Ghul, le chef de la "Ligue des Ombres", une formation de ninjas hyper entraînés voulant répandre un nouvel ordre et contre une autre crapule souillant le sol de Gotham City, Carmine Falcone, corrupteur de flics et de magistrats à ses heures perdues.
Nolan a su réssusciter l’intérêt du public pour la Chauve-Souris, le monde s’est rendu au cinéma pour y voir ses nouvelles aventures. Les recettes mondiales se stabilisent à près 600 millions de dollars pour un budget total de 195 millions. Autant dire que l’affaire est juteuse. D’autant plus que dès sa sortie, il se place en première position du box-office américain, une place qu’il trust pendant 20 semaines. En France, il connait le même succès entre les Jedis de Star Wars épisode III et la suite des aventures des trentenaires désabusés de Cédric Klapisch. Avec ce genre de résultats, les producteurs américains ne souhaitent pas lâcher le filon et c’est reparti pour un tour.
Alors que Nolan vient de terminer son thriller fantastique mettant en scène la rivalité entre deux magiciens au début du xxe siècle, Le Prestige avec Christian Bale, Hugh Jackman et Scarlett Johansson, on lui confie la réalisation de The Dark Knight, deuxième opus des péripéties de Batman. Dans celui-ci, on prend les mêmes et on recommence, c’est bien connu on ne change pas une équipe qui gagne, puis c’est plus facile pour les fans afin de se familiariser avec les personnages. Cependant, on note une petite modification de casting, Katie Holmes est remplacée par Maggie Gyllenhaal dans le rôle de Rachel Dawes. L’histoire se situe dans la continuité du précédent avec notre héros toujours soucieux et en pleine réflexion sur la responsabilité de ses actes et les conséquences qu’ils engendrent. Batman, Gordon et Harvey Dent, un nouveau venu, juge prometteur, soutenu par Bruce Wayne dans sa course pour devenir procureur, oeuvrent pour ramener la paix et la sécurité dans les rues de Gotham.
Un travail herculéen depuis l’arrivé d’un nouveau vilain, éternel nemesis de Batman, Le Joker. Grâce à son culot phénoménale et sa folie, il parvient à fédérer autour de sa personne toute la pègre, la ville est en proie à des actes de violences, de délinquances et à une explosion de braquages de banques orchestrés par des gangs portant des masques de clowns. Le but du Joker : pousser Batman dans ses derniers retranchements, de la méchanceté pure sans volonté de satisfaire un besoin personnel, juste l’envie de provoquer un chaos social. Le pari était risqué pour Nolan en choisissant comme ennemi le Joker, car comment faire oublier l’excellente prestation de Jack Nicholson dans le Batman de 1989 de Tim Burton? En donnant le rôle à un autre grand acteur à la carrière prometteuse mais fauché en plein vol, Heath Ledger. Oui, tout l’atout de ce film réside en lui, le Joker efface complètement le héros masqué. Le bouffon sadique est la pièce centrale de l’oeuvre, de sa démence malsaine et de son look "crado", se fait toute l’ossature de l’oeuvre.
The Dark Knight est lui aussi un énorme succès. Partout dans le monde, il est auréolé de gloire, les critiques les plus acerbes, les plus fleuris, maniant les bons mots pour descendre littéralement les créations cinématographiques dans leur revue, tombent sous le charme. Les spectateurs se comportent comme des pionners lors de la Ruée vers l’or, ils foncent dans les salles obscures qui ne désemplissent pas semaines après semaines. Nolan a réconcilié les films de super-héros, souvent synonyme de nanars, avec la réussite et le grand public.
A l’heure des bilans, le 2ème opus a rapporté plus de 1.2 milliards de dollars pour un budget initial de 185 millions de dollars, de ce fait, il rentre dans le carré de tête des films à plus d’un milliard de recette avec Titanic, Le Seigneur des Anneaux 3 et Pirates des Caraïbes. Dans l’Hexagone, certes il est loin du record d’Intouchables mais il parvient a récolté plus de 3 millions d’entrées. La campagne de promotion virale sur internet, à la télévision, dans les cinéma et dans les rues a été efficace. Les bande-annonces, les sites internet et les affiches placardées sur les murs, distillant au compte goutte de maigres renseignement, ont su susciter la curiosité des spectateurs. Côté récompense, le film est servi, il amasse les statuettes, les prix, les distinctions par de là le monde, il se retrouve classé 15e meilleur film de tous les temps par un panel de professionnels et d’amateurs sur plus de 500 films proposés par le magazine Empire, il bat des records, ainsi il devient le film le plus rapide de l’histoire à avoir engrangé plus de 500 millions de billets verts, en seulement 45 jours et pour couronné le tout, Heath Ledger s’est vu décerner l’Oscar du meilleur second rôle masculin à titre posthume.
Mercredi sortira sur nos écrans le dernier film de la série. Batman devra faire face à deux nouveaux ennemis, Bane, incarné par Tom Hardy et Catwoman, incarnée par Anne Hathaway. Là encore, il sera attendu par les fans, saura-t-il éclipser la performance de Michelle Pfeiffer en féline, saura-t-il clôturer cette suite de films brillants et passionnants? Cela sera-t-il réellement le point final des aventures de l’Homme Chauve-souris vu par Nolan? Réponses dans les salles.