Voyeurisme de l’emission Strip-tease : l’amour est dans le pré mais pas sur Twitter

 

 Lundi, "Strip-tease" refaisait son apparition sur France télévision, après deux ans d’absence.

Le sujet, la quête difficile d’une "femme à marier" par un célibataire…agricole.

 

Les téléspectateurs se sont lâchés sur Twitter, avec le hashtag #striptease. Les internautes rejettent l’exploitation de la misère humaine, certains n’hésitant pas à parler de prostitution déguisée.

 

 

Certes, la misère affective et sociale qu’elle donne à voir est bien réelle. Vouloir la cacher sous prétexte de décence relève d’une belle hypocrisie.

Pourtant, force est de reconnaître, qu’un certain malaise s’installe devant le spectacle de cette maquerelle roumaine, de ces gamines paumées, de ces grands-parents angoissés, de ce jeune paysan désespéré par sa solitude et le sentiment de relégation sociale qui le ronge.

Tout est ici misérable, les âmes, les lieux, les visages. On sent l’intention vénale dans la volonté de « faire le show » des journalistes et producteurs de l’émission ; on se surprend soi-même à plonger avec une délectation sordide dans le voyeurisme.

Aucun recul, dans ce documentaire brut et trash.

Seulement la réalité toute nue, sans ce voile hypocrite qui masque sa cruelle réalité.

 

Des clichés éculés

Une pauvre petite roumaine exploitée, une entremetteuse esclavagiste moderne et l’horrible famille de Damien qui l’enferme socialement…

 

Il est évident que Damien souffre manifestement d’un handicap mental ou qu’il a un Q.I très faible : ça se voit dans son comportement, dans sa manière de parler, il a moins de maturité qu’un enfant de dix ans. 

Ce n’est donc pas l’histoire d’un agriculteur qui serait trop resté à la maison, quel mépris et méconnaissance du monde rural.

 

On voit bien également que le problème vient manifestement de sa mère qui n’a pas l’air très "nette" non plus, voir tout autant handicapée que son fils. D’ailleurs elle s’exprime peu, elle a l’air absente. 

C’est pour ça que ce sont les grands-parents qui ont l’air d’avoir pris le relais de l’éducation de Damien : parce que la mère est incapable de l’assumer seule.

 

Les grands-parents, eux, sont normaux : ce sont manifestement des gens honnêtes, attentifs et avec des valeurs. Ils représentent bien leur génération, d’où cette impression qu’ils sortent d’une autre époque.

 

 

A l’Est rien de nouveau

L’entremetteuse n’est pas une proxénète, c’est juste une femme qui a fait une agence matrimoniale spécialisée dans les rencontres avec des femmes étrangères de l’est.

C’est très courant, (voir le film « Je vous trouve très beau » (2005) d’Isabelle Mergault).

Beaucoup de femmes de l’est vivent dans une relative pauvreté et rêvent d’un "eldorado" ouest-européen.

En France, à l’inverse, beaucoup de gens vivent une forme de misère sexuelle et sont inadaptés aux femmes modernes. Il espèrent trouver dans les femmes d’Europe de l’Est une compagne plus traditionnelle.

Là-dessus se sont greffées des agences matrimoniales parfaitement légales mais dont on peut bien sûr critiquer la moralité : absolument hors de prix, elles font miroiter plus ou moins l’impossible à des gens en détresse et prêts à dépenser des milliers d’Euros pour se sortir de leur triste et douloureuse condition de solitude.

 

Roxana n’est pas une pauvre petite victime, pas plus que Damien d’ailleurs. Elle sait parfaitement ce qu’elle fait et ce qu’elle veut.

Elle a dû s’inscrire en Roumanie dans une agence qui lui promet de riches et gentils maris étrangers. Si elle y croit, c’est parce que pour certaines, ça a effectivement marché.

L’agence lui a donc fait  miroiter un agriculteur français qui cherche une compagne.

 

Des omissions coupables et des mensonges

L’entremetteuse se garde bien de lui dire que Damien est ce qu’on appelle à la campagne un nigaud, un simplet. Sinon elle ne serait certainement pas venue.

Tout le "business model" de l’entremetteuse se résume à concrétiser des rencontres. Que ces dernières n’aboutissent à rien, ce n’est clairement pas le plus important pour l’agence.

Elle a promis des rencontres, rien de plus. Comment garantir qu’ils vont effectivement tomber amoureux ?

Là se cache la perfidie de son travail : elle provoque des rencontres impossibles entre de superbes jeunes femmes et des pauvres miséreux affectifs qui n’ont aucune chance de les séduire.

 

Quand Roxana se sauve en Roumanie, l’entremetteuse invente une histoire abracabrantesque pour épargner la douleur à la douleur : cela évite de jeter à la figure du client la triste réalité des choses.

C’est malhonnête car ces braves agriculteurs accordent leur confiance (ainsi que leur argent) à ces vendeuses de rencontres idylliques. La naïveté, ainsi que l’inexpérience en matière de relations hommes/femmes est le moteur des déboires de ce pauvre "vieux garçon".

 

Tout le monde à droit à son quart d’heure de honte

Une agence matrimoniale intègre s’occuperait de mettre en relation des célibataires aux profils correspondants, au lieu de vendre du rêve en allant chercher des femmes inaccessibles à des milliers de kilomètres.

Ceci ressemble tout de même beaucoup à la mercantilisation de la détresse, et mes pensées vont aux personnages filmés, qui ne se rendent pas compte à quel point ils seront exposés à l’issue de cette triste expérience.

D’abord l’espoir puis la frustration et enfin la honte : tout un programme…

2 réflexions sur « Voyeurisme de l’emission Strip-tease : l’amour est dans le pré mais pas sur Twitter »

  1. [quote]Tout est ici misérable, les âmes, les lieux, les visages. On sent l’intention vénale dans la volonté de « faire le show » des journalistes et producteurs de l’émission ; on se surprend soi-même à plonger avec une délectation sordide dans le voyeurisme.

    Aucun recul, dans ce documentaire brut et trash.

    Seulement la réalité toute nue, sans ce voile hypocrite qui masque sa cruelle réalité.

    [/quote]

    Oui, Cleamounette, c’est le principe même de « Striptease »: pas de commentaire, pas de recul: la réalité brute.
    Ceux qui sont dérangés préfèrent-ils la téléréalité, où tout est calculé, formaté ?
    Désolée mais les Damien existent bel et bien, que ce soit au fond des campagnes ou en ville. L’exploitation de la misère affective, ce n’est pas un scoop!!! Je ne vois dans cette émission aucun mépris envers les gens qu’elle nous montre…plutôt de la tendresse.

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