Air France transfère ses vols de Strasbourg vers Roissy sur la ligne de TGV Est.

Un nouveau coup dur pour l’aéroport alsacien, qui peine à maintenir son trafic malgré les subventions.

 

 

 

Les passagers du vol AF 7102 sont priés de montrer dans le train. A Strasbourg, depuis ce matin, Air France a remplacé ses avions vers Roissy par des TGV.

"Avec 140 000 passagers par an, Strasbourg-Charles de Gaulle figurait parmi les lignes intérieures dont les recettes unitaires étaient les plus faibles.

Elle était déficitaire de 10 millions d’euros depuis cinq ans", explique Thierry de Bailleul, directeur régional d’Air France à Strasbourg.

La ligne, dont 71 % des passagers alimentaient le réseau Air France en correspondance à Roissy, est désormais opérée à raison de quatre rotations quotidiennes en TGV.

Jusqu’en 2014, le transporteur aérien a réservé 95 000 sièges (40 places par train, en moyenne), en première classe, dans un compartiment que rien ne distingue des autres.

Pas même le service, baptisé Air Rail : les bagages restent à charge des voyageurs en correspondance jusqu’à leur enregistrement à l’aéroport de Roissy.

 Voyageurs bougons

 A la gare de Strasbourg, la compagnie a loué un espace de 120 mètres carrés, non loin des quais, où quatre agents d’escale ont pris en charge des clients aériens plutôt bougons – et, pour certains, furieux -, ce matin, pour le lancement du nouveau service.

"Je pars en train pour l’Afrique et je rentrerai en avion, via Toulouse", explique un homme d’affaires, un des neuf passagers Air France de ce premier TGV. Il assure avoir découvert qu’il partait de la gare et non de l’aéroport 48 heures plus tôt.

"Où est-ce que je vais récupérer ma voiture ? A la gare ou à l’aéroport ?" Thierry de Bailleul, se défend : "L’avion n’est plus compétitif, dès lors que le transport terrestre passe sous les 2 heures 45", a-t-il calculé.

La durée de trajet entre Strasbourg et Roissy, 2 heures 30 en 2013, passera à 1 heure 50 en 2016, pour la mise en service de la deuxième phase de la ligne à grande vitesse, la LGV-Est.

 Le retour des low-cost

 Avec la concurrence du train, l’aéroport de Strasbourg (1,16 million de passagers) a perdu la moitié de ses clients depuis 2007, par report modal vers le TGV. Depuis un an, les collectivités territoriales, co-actionnaires de l’aéroport, ont réagi : elles subventionnent une baisse des taxes payées par chaque passager, à raison de 7 euros par billet.

Résultat, de nouveaux opérateurs arrivent, ou reviennent par la petite porte.

Ryanair, parti en 2003 à la demande d’Air France pour cause de subventions jugées illégales, revient par la petite porte en ouvrant cette année deux lignes et 75 000 passagers promis vers Londres et Porto. La compagnie low-cost espagnole Volotea, venue avec ses petits jets à destination de Bordeaux, Nantes et Montpellier, piétine elle aussi les plates-bandes d’Air France. Le trafic a frémi : 8 % de hausse en 2012. Le 28 mars, les élus de la communauté urbaine ont voté 3,4 millions de subventions supplémentaires au transport aérien, sur quatre ans, afin de réduire encore les taxes aéroportuaires, à 5 euros par passager. " Strasbourg devient l’aéroport le moins cher de France métropolitaine ", observe Catherine Trautmann, élue (PS) en charge du développement économique de l’agglomération.

 Désamour

 Dans ce contexte, le retrait d’Air France est vécu comme une déclaration de désamour. Peu importe si le marché a déjà, naturellement, glissé vers le TGV.

" Il faut leur demander d’arrêter de se moquer du monde avec leurs avions à hélices minables au départ de Strasbourg ", s’emporte Jean-Jacques Gsell, adjoint au maire (PS) en charge du tourisme, critiquant le remplacement des Airbus par des turbopropulseurs ATR-72, sur la ligne survivante vers Orly.

"Que les élus arrêtent de nous dénigrer ", répond Thierry de Bailleul pour Air France. Belle ambiance…