Découvert en 2004 à l’université de Manchester et ayant valu un Nobel à Andre Geim et Konstantin Novoselov, deux chercheurs russes, le graphène, matériau solide moins dense que l’hélium est aussi meilleur conducteur que le cuivre – tout en pouvant servir d’isolant sous forme de graphane – et 200 fois plus résistant que l’acier. Des centaines, des milliers de nouvelles utilisations pourraient voir le jour mais cet essor est freiné par son coût de production. Ce qui n’empêche pas la poursuite des recherches et celles menées à l’université chinoise de Zhejiang viennent d’en produire, à défaut de plaques, des cylindres… Les applications pratiques seraient innombrables, et la recherche vise à présent à en réduire le coût de production tandis que son coût matière (du carbone) est très bas.
Le plus gros cylindre de graphène produit au département des polymères de l’université de Zhejiang est cinq à six fois plus gros que le volume (ou plutôt l’espace) d’une fleur d’oranger déployée mais ses pétales le supportent sans même ployer (photo Xinhua/Chine nouvelle).
Très conducteur d’électricité, mais aussi formidable isolant (bloquant gaz et autres liquides que l’eau), le graphène, dont l’élément de base est le carbone, très présent dans la nature, est à la fois formidablement léger (0,16 milligramme par centimètre cube) et 200 fois plus résistant que l’acier.
Les applications théoriques sont multiples, dans le domaine du plus petit (des transistors chauffant très peu très performants) comme du plus grand : un « ascenseur spatial » destiné à se passer de navettes a été envisagé. Le graphane, son dérivé, ne laisse passer que l’eau : rien d’autre ne filtre.
Plus léger matériau solide jamais produit, il a en outre la propriété de pouvoir s’étirer et se plier. Sa densité est environ du double de celle de l’hydrogène. Trois millions de feuilles de graphène empilées ne dépasseraient pas une hauteur d’un millimètre. Une feuille d’un mètre carré ne pèserait que 0,77 mg.
De quoi – théoriquement – créer des ponts sur lesquels circuleraient des camions forts légers mais charriant des tonnes et des tonnes. De quoi aussi réduire encore formidablement la taille de l’électronique de multiples petits appareils.
L’épaisseur d’une feuille de graphène ne serait que celle d’un atome mais elle supporterait 4&bnsp;kg. Les applications envisageables (pour les prochainement envisagées, c’est une autre histoire) sont si multiples que le graphène passe pour « le » matériau du futur par excellence.
Il est jusqu’à 150 fois plus conducteur que le silicium et allié avec de la molybdénite, il pourrait servir à fabriquer des mémoires flash de tailles réduites et de très, très fortes capacités. Des cellules nerveuses survivent au contact du graphène, a-t-il été découvert à l’université technique de Munich. Ce qui laisse entrevoir la possibilité d’implants bioniques.
À l’université de Berkeley, un haut-parleur l’utilisant pour son diaphragme, de 30 nanomètres d’épaisseur pour cinq millimètres de diamètre, offre une qualité supérieure aux modèles professionnels existants (haut-parleurs, casques audio).
Le Georgia Institute of Technology travaille sur une antenne WiFi dont les fréquences seraient de l’ordre du térahetz (THz), soit d’obtenir un débit de l’ordre de cent térabits/seconde (dix films haute définition transmis à la seconde). Des batteries électriques à base de graphène pourraient considérablement augmenter l’autonomie de voitures électriques (meilleures capacités, longévités et poids très réduit).
Le projet européen Flagship Graphène, supervisé par l’université suédoise Chalmers, fédère plus de 120 chercheurs ou groupes de recherches publics ou privés (ainsi Airbus ou Nokia) de 17 pays.
En fait, la découverte du graphène est aussi importante que celles de l’acier ou du plastique.
À Chemnitz, en Allemagne, se déroulera, du 2 au 7 juin prochains, la septième Semaine du graphène (Graphene Week 2013). Marek Potemsi, du CNRS de Grenoble, est au nombre des organisateurs. L’Institut grenoblois Néel est particulièrement actif dans ce domaine.
La France a obtenu 14,1 % du budget du projet Flagship Graphene, qui profitera à une quinzaine de laboratoires français, la plupart appartenant au CNRS, à l’Inra, mais celui du groupe Thales figure aussi dans la liste.
En février dernier, Saab a déposé un brevet nouveau pour dégivrer les ailes des avions : du graphène est intégré dans une résine polymère permettant d’envelopper un appareil qui serait ainsi rapidement réchauffé à moindre coût, sans que le poids de l’appareil soit affecté au point de devoir utiliser vraiment beaucoup plus de kérosène. De plus, l’appareil devient plus résistant à l’érosion, aux impacts des éclairs, &c. Et il ne rouille plus.
Lockheed Martin développe un filtre, le Perforene, pour dessaler l’eau de mer sans avoir recours à des filtres soumis à de hautes pressions ou à l’évaporation. Le filtre est 500 fois plus fin que le plus fin des existants et bien évidemment formidablement résistant, donc durable. La dépense énergétique est réduite d’environ cent fois, tout comme la pression requise. Les membranes seraient percées de trous d’une circonférence de l’ordre du nanomètre (un million de fois plus petit qu’un mètre).
Le graphène pourrait se voir confronté à un concurrent, à base de dioxyde de titane, élaboré par les chercheurs de l’université de Nanyang (Singapour), qui peut produire de l’hydrogène, assainir l’eau, générer de l’électricité solaire, améliorer les performances des batteries, et être utilisé pour fabriquer des pansements. Mais le graphène est – à terme – plus prometteur pour une vaste gamme d’utilisations.
Le graphène pourrait aussi être employé, à très hautes températures (1 200°), pour tailler des diamants plus finement.
Manchester rêve de se transformer en Graphene Valley grâce à son National Graphene Institute mais d’autres métropoles pourraient la concurrencer… Pourquoi pas, de nouveau, Grenoble, qui passait pour la Silicon Valley à la française ?
L’histoire du graphene vaut d’être contée : ses deux « inventeurs » ont utilisé du ruban adhésif pour peler de plus en plus finement du graphite. Andrei Gem s’était auparavant intéressé à la substance permettant aux lézards de type gecko d’escalader une paroi verticale afin de réaliser un tel ruban.
Le graphene présente aussi un aspect qui pourrait être crucial à l’avenir : il absorbe les résidus radioactifs et serait susceptible d’aider à la décontamination de sites, comme ceux des centrales. Devrons-nous notre survie à Dick Drew, inventeur en 1925 du rouleau de Scotch ? Il avait conçu un ruban de masquage après la visite d’un garage où il comptait vendre du papier abrasif pour le compte de 3M. C’était un « rebelle » car, pour concevoir une machine capable de produire du ruban adhésif, il avait contourné la consigne de faire approuver les achats supérieurs à cent dollars : il acheta donc par tranches de 99$ de quoi fabriquer son prototype… et faire la fortune de 3M.
Merci de votre article.
Parmi tout le fatras déversé dans les médias, voilà une une découverte qu’il vaut la peine de diffuser !
Je me réjouis de voir les applications de cette matière à la vie courante…
Very interesting!
[b]Ça c’est du grand Jef !
En ce qui concerne le graphène tout commence, cette histoire promet d’être longue et surtout passionnante dans le sens de l’enthousiasme pour des applications de plus en plus étonnantes. Bravo pour cet article de vulgarisation cours et précis.
(J’ai ton billet « Cahuzac »: la messe est dite!)[/b]
Je ne suis pas sceptique a priori, mais simplement prudent. Pour le moment, je ne reçois pas de preuves scientifiques ou techniques des performances de ce nouveau matériau, mais des affirmations non étayées.
200 fois plus résistant que l’acier? En cisaillement, en flexion, en compression, en étirement? En son temps, la fibre aramide a été considérée comme un merveilleux matériau, jusqu’à ce qu’on lui découvre des limitations rédhibitoires, pour ne citer qu’un exemple de promesses technologiques ramenées à des dimensions plus raisonnables.
Le volet « filtration de l’eau » a attiré mon attention, mais a-t-on réellement procédé à des essais extensifs réels, ou s’agit-il d’extrapolations?
Bref, je reste intéressé, et continuerai de suivre ce sujet, mais prudent, jusqu’à ce que des preuves suffisantes viennent me conforter.
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Horten Ho-229 (1944)
Les ailes étaient faites à partir de deux fines couches de contreplaqué, encollées à l’aide d’un mélange [b]charbon de bois[/b]/sciure, le tout recouvert d’un enduit spécial pour rendre la structure la plus lisse possible. Cette méthode de construction est soumise à spéculation, car le choix d’une telle structure aurait été motivée par une ou plusieurs raisons : le [b]désir de furtivité radar[/b], protection contre les tirs ennemis, ou à cause de la pénurie de matériaux stratégiques vers la fin du conflit. La furtivité est d’ailleurs l’une des caractéristiques notables de l’appareil.