Je ne vous apprendrai rien en rappelant que le conflit entre le corps universitaire et le gouvernement est encore en cours. Les réformes défendues par Valérie Pécresse et Xavier Darcos sont-elles réellement si mauvaises ? Il faut faire attention à ne pas se contenter d'une vision binaire des choses, tant ces sujets sont complexes et techniques. Voilà néanmoins ce que j'ai retenu, au fil de quelques lectures…
La réforme du statut des enseignants chercheurs
Un décret a été à l'origine du bras de fer actuel. Il concerne la modulation des temps d'enseignement et de recherche des universitaires. Sur le fond, le principe n'est pas mauvais. Bien qu'enseignement et recherche ne soient pas des activités cloisonnées que l'on puisse comptabiliser comme on va à la pointeuse, le fait de permettre à un universitaire de se consacrer davantage à l'une ou l'autre de ces activités, à un moment t de sa carrière, est une souplesse bienvenue. D'où vient le problème, alors ?
1/ Le décret a été annoncé dans un contexte de suppression nette de postes. Un choix contre-productif, puisque la charge d'enseignement risque d'être revue uniquement à la hausse, ce qui peut nuire à terme à la qualité de la recherche.
2/ La modulation des horaires dépend essentiellement du Président de l'université, ce qui fait planer des soupçons d'arbitraire, de clanisme, autant de maux que le gouvernement entend combattre.
Valérie Pécresse semble aujourd'hui reculer sur ces points importants. Mais il faut tout de même lui reconnaître d'avoir obtenu des arbitrages budgétaires moins désastreux qu'on ne le dit. Si les moyens sont vraiment là, le "plan licence" qu'elle a lancé pour améliorer le premier cycle universitaire va dans le bon sens.
La "masterisation"
On ne sera pas aussi précautionneux avec Xavier Darcos, qui a lancé une réforme du recrutement des professeurs des écoles et du secondaire. Elle est désastreuse, et il faut soutenir tous ceux qui la combattent. En gros, cette réforme aboutira à ce que les futurs profs soient mal formés, autant du point de vue de la connaissance de la matière qu'ils enseignent, que de la pratique de l'enseignement devant une classe. On ne va pas pleurer sur la disparition des IUFM (1), qui comportaient leur lot d'absurdités, mais le problème c'est qu'on ne les remplace par rien ! Par ailleurs, la réforme risque de précariser davantage le personnel enseignant de l'Education Nationale, en multipliant le recours aux vacataires (tout aussi mal formés que les autres). Cela n'est pas digne de notre République ni de la 5ème puissance mondiale qu'est encore la France. "Shame on you, Mr Darcos !".
Sarko ou la droite "bas du front"
Dernier élément à citer comme explication du conflit autour du monde de l'enseignement et de la recherche : le récent discours de Nicolas Sarkozy sur la politique scientifique qu'il entend mener. Ce discours ne vaut guère mieux qu'un tissu de lieux communs braillés par n'importe quel poivrot du café du Commerce (du style "les chercheurs cherchent, mais on aimerait bien qu'ils trouvent"). Tant que c'est le type de café du Commerce qui balance des âneries, on s'en fiche. Quand c'est le Prince-Président, on se dit tout simplement qu'il ne s'est pas hissé à la hauteur de sa fonction.
Ce discours s'est révélé insultant envers les chercheurs, et surtout truffé de contre-vérités. Bien sûr, le système universitaire français n'est pas satisfaisant (c'est rien de le dire). Mais sous-entendre que les chercheurs sont peu évalués est tout simplement faux. Qualifier de "médiocres" les résultats des scientifiques est tout aussi réducteur. En fait, la France tient dans la production scientifique mondiale son rang économique et démographique normal (2). De plus, le nombre de brevets déposés par la recherche publique est en augmentation, alors que la recherche privée a tendance à stagner.
Ce mépris pour la recherche par Nicolas Sarkozy descend en droite ligne de ses propos répétés qui tournent en dérision l'importance de la culture et de l'activité intellectuelle (cf. les concours de culture générale qui ne serviraient à rien pour le recrutement de fonctionnaires). Après la droite bling-bling, la droite "bas du front"…
(1) : instituts universitaires de formation des maîtres
(2) : Observatoire des sciences et des technologies, rapport 2008.