Encore un pas vers l’État policier…

 

Pour justifier leurs contre-réformes scélérates de l’Éducation nationale, les fourbes qui nous gouvernent ont imaginé de faire passer aux élèves de CM2 des évaluations qualifiées par le ministre Xavier Darcos de "objectives, régulières, transparentes", afin de "disposer d’indicateurs fiables des acquis des élèves pour mieux piloter le système éducatif". L’astuce est de les interroger en janvier, du 19 au 23, sur des contenus qui ne seront acquis qu’au terme de l’année scolaire, soit en juin ! Les résultats vont forcément en pâtir et ces mauvaises évaluations serviront de commode prétexte à poursuivre la casse du système éducatif français, qui sera à leur aune jugé comme insuffisamment performant. Naturellement, cette démarche hypocrite a alimenté de légitimes contestations, comme le résume L’Humanité : "l’obsession de l’évaluation rencontre de nombreuses réticences, voire une farouche opposition de tous côtés : instituteurs et directeurs d’école mais aussi parents d’élèves et élus locaux. (…) nombreux sont les professeurs et parents d’élèves à avoir empêché la bonne tenue des épreuves. Seule la méthode varie. À Toulouse et dans le sud de la Haute-Garonne, huit écoles ont été occupées et bloquées vendredi par des parents d’élèves pour ne pas diffuser les évaluations aux élèves de CM2. D’autres, comme à Saint-Ouen-l’Aumône (Val-d’Oise), se sont rendus en classe avec les élèves pour confisquer les carnets d’évaluations distribués par les instituteurs".

Dans l’Hérault, particulièrement mobilisé contre l’entourloupe, sont intervenus des invités surprise : les gendarmes ! "Lors d’une réunion tenue vendredi 16 janvier à Gignac, l’inspectrice de la circonscription avait convié maîtres du CM2 et directeurs d’école à récupérer les livrets d’évaluation. Parents d’élèves et élus s’étaient invités. La réponse de gcl’inspecteur d’académie : l’envoi de huit gendarmes", raconte L’Humanité, qui convoque le témoignage de Gérard Cabello, maire communiste de Montarnaud, présent lors de cette manifestation, qui révèle avoir déjà reçu trois visites des gendarmes en deux mois : "La première, c’était avant les vacances de Noël. Ils sont intervenus car les parents d’élèves avaient apposé une banderole sur les grilles de l’école. Les deuxième et troisième fois, ils sont venus début janvier, le matin et le soir, pour enlever une banderole «  Sauvons les RASED  » et «  Non à la fermeture d’une classe  ». Je les ai interpellés pour leur dire que j’aurais été ravi de les voir plutôt sur des missions de sécurité. Par la suite, j’ai eu la confirmation qu’ils étaient en mission de renseignement."

dgAjoutons à cela, après la descente musclée de gendarmes avec chiens anti-drogue que nous dénoncions le 26 novembre dernier, deux nouvelles affaires similaires. À Vendres, dans l’Hérault, le 15 décembre, avec comme témoin le chanteur Daniel Guichard, venu déposer ses deux derniers enfants au collège, qui en avait été particulièrement choqué : "On ne peut pas accepter que des enfants qui n’ont rien à se reprocher soient ainsi collés contre le mur. Qu’on les fasse descendre en file indienne des bus et qu’on les expose ainsi aux chiens. Et le pire, c’est que de telles pratiques puissent être finalement banalisées", s’est-il indigné dans La Dépêche. Rebelote le 10 février devant un collège d’Arthez-de-Béarn, dans les Pyrénées-Atlantiques, à nouveau à la sortie du bus. Le syndicat enseignant SNES dénonce des "procédés inadmissibles". Le procureur de Pau, Éric Maurel, s’est par contre félicité : "Cette opération s’est très bien passée, sans incident particulier", ajoutant qu’il s’agissait, selon lui, d’une "opération de prévention" (sic). À Vendres comme à Arthez, aucune drogue n’a été trouvée.

Pourtant, après l’affaire de Marciac en novembre, Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur, avait envoyé une circulaire aux préfets, expliquant qu’il ne fallait pas confondre les actions de prévention "pertinentes et efficaces" et "des opérations de contrôle entrant dans un cadre judiciaire, sous l’autorité du procureur". Exactement ce que vient de faire celui de Pau ! Xavier Darcos s’était lui aussi (soi-disant) ému, s’affirmant "étonné des conditions dans lesquelles des forces de gendarmerie ont pu pénétrer dans un établissement scolaire accompagnées de chiens dressés à la recherche de stupéfiants. Il existe, dans la quasi-murtotalité des départements, comme dans le Gers depuis 2006, des conventions de partenariat entre les ministères de la Justice, de l’Intérieur et de l’Éducation nationale permettant de concilier l’efficacité de l’action judiciaire et le respect de l’intégrité des établissements scolaires où la pédagogie préventive est à l’œuvre quotidiennement." Simple posture devant l’émotion soulevée dans l’opinion par ce genre d’intervention ? Toujours est-il que les gendarmes ne pénètrent plus dans les établissements, mais alignent les élèves contre un mur à la sortie du bus. Est-ce un progrès ? Il flotte décidément une drôle d’odeur d’État policier sur la Sarkozie.

PS : l’image ci-dessus, publiée sur le site du CNR Midi-Pyrénées, a été prise par Daniel Guichard avec son téléphone portable.

 

Un syndicaliste proteste officiellement

Monsieur l’Inspecteur d’Académie de l’Hérault,

Directeur des services départementaux de l’Education nationale,

Objet : interventions des services de gendarmerie dans certaines
écoles de l’Hérault.

Monsieur,

snuipp En ma qualité de secrétaire départemental du SNUipp 34, je souhaite attirer votre attention sur les faits suivants : le jeudi 22 janvier, les gendarmes sont passés vers 9H30 à l’école de Brignac (circonscription de Lodève) pour vérifier « si tout se passait bien  » ; le lundi soir 19 janvier, un gendarme s’est présenté à l’école de Jonquières (circonscription de Lodève) pour savoir s’il n’y avait pas « de troubles à l’ordre public » ; durant toute la semaine du 19 au 23 janvier, coup de fil tous les matins à l’école de Jonquières de la gendarmerie de Gignac pour savoir « si tout allait bien » ; le jeudi 22 janvier, deux gendarmes sont entrés dans la cour de l’école Georges Brassens de Paulhan (circonscription de Lodève), entre 8H35 et 8H45. Ils ont relevé qu’il y avait des banderoles sur la clôture et demandé si les enseignants n’étaient pas gênés par des parents qui occuperaient éventuellement l’école (ce qui n’était pas le cas). Ils voulaient savoir si les évaluations CM2 se déroulaient dans des conditions normales ; le jeudi 29 janvier, jour de grève dans l’Education nationale, deux gendarmes se sont présentés à l’école Mario Roustan de Mauguio (circonscription de Lattes) pour demander aux enseignants non grévistes de leur donner le nombre de grévistes sur l’école. Devant le refus ferme de nos collègues, ils ont insisté arguant qu’ailleurs « on leur avait donné le renseignement ».
Au nom des enseignants de l’Hérault, le SNUipp élève la plus vigoureuse protestation contre de telles démarches que rien ne saurait justifier. L’ordre public n’étant nullement menacé dans les écoles mentionnées ci-dessus, pas plus que dans les autres d’ailleurs, le SNUipp vous demande instamment une explication et une clarification sur le cadre de telles interventions. Les services de gendarmerie mis en cause dans les faits relatés plus haut ont-ils agi à la demande de vous-même, Monsieur l’Inspecteur d’Académie, de Messieurs les Inspecteurs des circonscriptions concernées, du Préfet de l’Hérault ? Doit-on considérer désormais que de telles démarches, inédites dans nos écoles jusqu’à présent, entrent dans les nouvelles prérogatives de la gendarmerie, liées au rapprochement de la gendarmerie nationale et de la police nationale au sein du même Ministère, celui de l’Intérieur ?

Vous comprendrez aisément, Monsieur l’Inspecteur d’Académie, que de telles initiatives ont suscité une profonde indignation parmi les enseignants et les parents d’élèves, légitimement mobilisés depuis plusieurs semaines contre une politique ministérielle qui porte gravement atteinte à l’école publique et à l’avenir des enfants qu’elle a la responsabilité d’instruire.
Je vous demande donc, Monsieur l’Inspecteur d’Académie, de faire toute la lumière sur les faits rapportés et de prendre les dispositions nécessaires pour que de telles pratiques ne se
reproduisent plus. Nos écoles aspirent à fonctionner dans un climat de sérénité, de respect du travail des enseignants, des élèves et des initiatives de coopération et d’action constructives entre enseignants et parents, hors de toutes pressions, intimidations, quels qu’en soient les instigateurs.

Nos collègues enseignants, les parents élèves, indignés par ce qui s’est passé, attendent eux aussi des réponses claires et précises sur les faits que je vous ai exposés.

Persuadé de l’attention que vous ne manquerez pas de porter à notre demande et dans l’attente de vous lire, je vous prie de croire, Monsieur l’Inspecteur d’Académie, à notre profond et sincère attachement au service public, laïque de l’Education nationale.

Pour le SNUipp/FSU 34,

Joël Vezinhet, secrétaire départemental