Mon parcours professionnel m'a permis d'explorer quotidiennement la thématique du « développement durable ». J'ai déployé pendant plus de quinze années de l'énergie à créer des outils pédagogiques, participer à des colloques, animer des réunions autour de ce thème.

Grâce à la naissance de « Chouette Planète » et « Mouette Trieuse » au milieu des années 90, j'ai pu apprécier et être honoré d'être référent en la matière aux côtés de l'ONU et l'UNESCO, ainsi que des validations du Ministère de l'Éducation nationale et des agences ad hoc.

Début des années 2000, l'expression « développement durable » est arrivée avec le mandat de Madame Roselyne Bachelot, alors ministre de l'écologie. L'industrie n'était pas de la partie, cependant dans les milieux idoines, de nombreuses réunions ont eu lieu pour dire comment le « développement durable » se rapporte à l'environnement, mais très souvent toute l'attention était portée sur la préposition : éduquer vers un « développement durable », non pour un « développement durable », et l'Éducation nationale d'inventer l'acronyme EEDD (« éducation à l'environnement grâce au développement durable »).

Personne ne partageait l'accord du bon usage de cette définition, aucun socle ne maintient la sémantique de cette expression et pourtant c'est ainsi que le « développement durable » est devenu comme un standard dans notre Pays.

Cette démarche n'a jamais été aussi floue, peu de notion comme le « développement durable » sont nées dans une telle confusion.

L'expression fait recette… le mot est surmédiatisé, nous pouvons voir de ci de là : les journées du littoral durable, l'humanitaire durable, les relations durables, la pêche durable, des constructions durables, une gouvernance durable, l'économie durable !…………

Une prise de conscience s'effectue ?… Tant mieux ! car ne tombons pas dans la bêtise durable.

Cette expression qui fait florès a l'inconvénient d'être un peu « fourre-tout », et imprécise.
L'adjectif « durable » est donc souvent accolé à de nombreux termes, cherchant ainsi à leur donner un air de nouveauté et de sérieux !
Malheureusement, cette « durabilité » entraîne une certaine confusion dans la compréhension du grand public. Qu'est-ce que le développement durable ? Certains peuvent penser que ce qui se passe aujourd'hui doit durer, doit se poursuivre indéfiniment : ils voient là une continuité du modèle actuel, sans remise en cause, alors qu'une telle interprétation est bien entendue source d'erreur.
D'ailleurs, peut-on dire qu'un pays est en voie de développement durable ?
Rappelons au passage que « développement durable » est né d'une mauvaise traduction du rapport de Mme Brundtland en 1987 « Notre avenir à tous ».
Ce rapport est bien connu et a été beaucoup lu. Il y était question de « sustainable development », c'est-à-dire « développement soutenable », ainsi défini    (je cite) :
« Le développement soutenable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Il y est question d'harmonie, entre les êtres humains d'une part, et entre l'homme et la nature d'autre part. »
En fait, le mot « soutenable » était ici employé en opposition à insoutenable.

Madame Brundtland (alors Ministre de l'écologie en Norvège contournait prudemment la difficulté de l'interprétation qui en est faite : Notre développement doit être soutenu et doit rester soutenable car le risque est grand qu'il devienne insoutenable !

Ce qualificatif soutenable et le qualificatif durable n'ont pas du tout les mêmes connotations !

De plus sustainable n'a jamais voulu dire durable ! c'est une nouveauté de l'intérêt public, et pourtant chaque mot fait naître une action, mais quelle est donc cette action ?

Les interprétations sont nombreuses :

– S'agit-il de faire « durer » tout simplement notre modèle actuel de développement en lui donnant un petit air de jeunesse.
– S'agit-il de rompre avec notre modèle actuel mais alors quel est ce nouveau modèle ?
– S'agit-il de faire du « développement durable » un concept permanent, ou sur les 50 ans, 100 ans ou 3 ans à venir ?

Le Développement durable est comme une pensée unique. Chacun peut se l'approprier, mais enfermés dans cette expression les valeurs sociales, économiques, environnementales et culturelles, est là bien prétentieux. Selon notre obédience, nous ne pouvons partager les mêmes vues sur ces trois piliers ; et pourtant nous employons la même expression !

Nous voyons bien là qu'il s'agit d'un concept à géométrie variable, dont chacun pourra y mettre sa propre analyse et sa propre notion, sans cadre.

Aurions-nous perdu la notion de « bon sens » ?
La rationalisation d'une politique, ou d'une entreprise n'est-elle pas d'envisager les effets à court, moyen et long terme ?

Si je crée un produit, que je le développe, que je tente d'introduire une notion de « durabilité », ce développement économique aura des incidences sociales, je dois aussi envisager la notion environnementale, mais tout ceci s'appelle penser un projet !

Maintenant tout ce qui anime notre société se retrouve dans le « développement durable ». Tous les éléments gérant notre société (l'économie, le social, l'écologie) et parfaitement transversal à tous les ministères ; présents à tous les étages, c'est-à-dire partout.
Mais à force d'être partout, nous arrivons à être nulle part.

C'est dans ce flou le plus complet que la propagation a pu s'exprimer. Chacun pensant exprimer quelque chose de précis dont le récepteur peut comprendre tout et son contraire, à l'instar de la phrase « je vous ai compris ».

La notion temporelle proposée par le « développement durable » demeure élastique et pourrait vouloir faire prétendre que notre développement serait éternel avec cette nouvelle conception d'envisager un progrès. Sommes nous éternels ?

Enfin, lorsque nous proposons à nos enfants un progrès environnemental, les disciples de l'écologie ignorent aujourd'hui les avancées technologiques que les générations futures proposeront.

C'est la notion de liberté qui est en jeu. Il existe des avancées technologiques, tant mieux, mais nous laissons entendre à nos progénitures que nous construisons un modèle fini.

Ils ne manqueront pas de nous rappeler au passage leurs frustrations !

Nous n'avons jamais vraiment exploré la connaissance d'un développement responsable. Ce dernier pourrait permettre de transmettre des valeurs humaines, et non un espace temporel.
Mais là c'est un autre sujet qui ne manquera pas d'être repris…


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