Il y a quelques semaines, au détour d’un Zapping de Canal + qui, quotidiennement, distille la médiocrité télévisuelle, un son m’extirpa de mon demi-sommeil, celui de la voix de Bernard Tapie. Il participait à l’émission C à Vous sur France 5.

 

 

En effet, "Nanard" donnait son sentiment, en plein procès Kerviel, sur les traders. En substance, il disait que ces gens-là étaient l’incarnation de ce qu’il détestait le plus au monde car ils jouaient à un Monopoly où se trouvaient de vrais "mecs" qui habitaient de vraies maisons. Quand on entend ce genre de propos de la part de ce monsieur, il est bon de se remémorer certaines choses.

À la fin des années soixante-dix, Tapie se lance dans l’achat, la remise à flots et la revente d’entreprises en difficulté… Sans oublier la plus-value. Et pour ne pas ternir son image de sauveur, il exigeait que les licenciements soient faits avant la prise de contrôle des sociétés. Trois exemples suffisent. 1979, Manufrance. Bernard Tapie propose d’emblée un plan de restructuration avec le démantèlement de plusieurs entités de la société : levée de boucliers immédiate des élus locaux et des syndicats. Il recule. Février 1986, l’enseigne est en liquidation judiciaire. Ensuite, La Vie Claire. 250 boutiques et 200 millions de francs de chiffres d’affaires lors du rachat en 1980; l’entreprise périclite et perd chaque année entre 8 et 10 millions de F, les ventes s’effondrent. Il subsiste 126 magasins lors de la revente en 1996 à Distriborg pour 10 millions de F. « J’ai cru acheter un grand malade, j’ai acheté un mourant » dixit son patron, Régis Pleven. Puis, Terraillon, acheté pour 1 franc symbolique en 1981. L’entreprise de pesage enregistre 18,6 millions de F de pertes et emploie cinq fois moins de personnel en 1993. Je ne vais pas tout détailler, il faudrait un David Lean ( malheureusement, il est mort ! ) pour raconter la fresque qu’est la carrière de Tapie. Mais, derrière ces échecs, se trouvent de vraies gens, les employés, les "petits" qui font, les premiers, les frais de ces faillites.

Certains téléspectateurs qui ont vu cette séquence ont dû bien se gausser. Parmi eux, figuraient, peut-être, d’anciens salariés de Manufrance qui ont acclamé "Nanard" comme un héros quand il a repris la société… et déchanté quelques années après, lorsqu’elle fut liquidée. Ils ont dû rire… rire jaune.