Le coup de Tarnac et la lettre de Cachet

Il m’était venu à l’esprit de rapprocher la libération rapide de Kristian « Varg » Vikernes et Marie Cachet et la très, très lente remise en liberté de Julien Coupat et Yldune Lévy dans l’affaire de Tarnac. Mais un certain Thibault, de Scriptoblog, repris avec complaisance par le site Égalité-Réconciliation, le fait bien mieux que moi.

Faire de Nicolas Russ un martyr, de Clément Méric de Bellefon « une petite salope antifa » qui a bien cherché sa mort accidentelle, c’est du même ordre que de faire de « Hollande le Juif » l’instigateur du déraillement de Brétigny afin que sa cinquième colonne de racailles puisse détrousser les passagers.

C’est d’ailleurs ce que fait, mezzo voce mais volontiers, Le Figaro, mais en termes plus choisis, avant d’opérer machine arrière.

C’est beaucoup plus clair sous la plume de Thibault, sur Scriptoblog, qui alimente sa chronique de l’anti-France avec un billet « Varg Vikernes, le nouveau Julien Coupat ».

Je diverge quelque peu (forte litote) avec son analyse, au moins sur un point. Manuel Valls n’a pas cherché à faire en sorte que les appuis de Vikernes et Cachet se dévoilent davantage et si possible passent à l’acte, tandis que Michèle Alliot-Marie, Guéant, Guaino, Sarkozy et consorts espéraient très fort que ce soit le cas afin de procéder à une rafle à la Marcellin et Poniatowski du temps des comités de soldats.

Pour Vikernes et Cachet, Hitler était encore trop socialiste, et s’ils minorent l’attrait de Marine Le Pen pour le sionisme, il convenait de préparer « le grand massacre européen ». 

Mais au lieu de 96 heures de garde à vue et même bien davantage, des détentions, emprisonnements, pour Coupat et Lévy, là, c’est tout au plus 48 heures de garde à vue, et reconduction avec compliments vers Salon-la-Tour, en Corrèze. Tout juste, histoire de surveiller un peu la fachosphère, fera-t-on du « Loup » un ersatz de martyr en le faisant comparaître pour « provocation à la haine raciale ». En raison de propos pourtant bien anodins et tombant sous le coup du bon sens, soutiendra sans doute Égalité-Réconciliation, peut-être la Droite forte, Jean-François Copé et la dominante en place de l’UMP.

En fait, on a compris, c’est en raison des provocations d’un Clément Méric de Bellefon, soutenu par les socialos-communistes haineux, que de braves âmes se laissent aller à quelques dérapages verbaux reflétant en fait des réalités de bon aloi.

Les « veilleurs » viendront sans doute prier aux abords du tribunal correctionnel de Paris quand Varg comparaîtra. On attend le soutien du Pr Grégor Puppinck, du Centre européen pour la loi et la justice. Les protestations de Jean-Claude Gaudin, de Valérie Pécresse, de Xavier Bertrand, pourquoi pas de la FNSEA, si injustement poursuivie pour des faits de manifestation assortis très légers mouvements d’humeur.

En fait, qu’est-ce qui distinguait un Varg des « veilleuses » et « veilleurs » ? Lui non plus ne sortait pas ses quatre carabines à tout bout de champ. C’est un chanteur. « Le veilleur debout dénonce la répression policière et les incarcérations abusives qui ont lieu à l’encontre de citoyens pour le seul motif qu’ils expriment leurs opinions. ».

Je sais, je sais, l’amalgame est abusif, je le concède très volontiers. Entre la plupart des veilleurs et veilleuses et un Varg, il y a un fossé de la taille d’un gouffre, d’une fosse marine (sans jeu de mot avec une Marine Le Pen faux-cul). Je dois faire ma « journalope » comme l’écrit élégamment Thibault.

Mais on comprend bien qu’une Christine Boutin n’en veut pas trop fort à un Varg qui détruisait des temples protestants en Scandinavie. Dans la Fille aînée de l’église romaine, il s’est soigneusement abstenu. On n’entendra pas non plus la Droite forte s’étonner que, condamné à 21 ans de prison, Varg n’en a effectué que 16. Après tout, c’était certes un assassin, mais surtout un prisonnier d’opinion, non ?

Varg est d’ailleurs un veilleur debout dans son genre : « pour des raisons évidentes, je n’encourage personne à l’illégalité pour mettre fin au génocide européen (…) exprimez-vous publiquement, en privé, et de tant de diverses manières… ».

Bon, arrêtons les délires. Marie Cachet demande un permis de détention d’armes dans un département rural où l’on chasse couramment. Contrairement à ce qu’on pouvait supposer, elle n’acquiert pas un fusil de chasse, mais quatre carabines. Après l’affaire Merah, où dans un premier temps, la piste de l’ultradroite avait été privilégiée, des policiers ont quelques inquiétudes, cherchent à se couvrir en demandant une action préventive. C’est accordé et on s’aperçoit que l’électron libre, le loup solitaire, n’a pas vraiment monté un réseau de combattants de l’ombre. On découvre (ou redécouvre) qu’il a tenu des propos (ou escomptait en diffuser de nouveau) franchement limites au sujet de confrontations « ethniques ». Donc, il est prié de comparaître.

Pour lui, être raciste est « un titre honorifique ». Un peu comme homophobe, quoi. Rien que de l’anodin, n’est-il pas ? Ou je repars dans le délire ? Bon allez, raison gardons… Quand Elizabeth d’Angleterre, approuvant le mariage gay, devient la reine des phoques (hmm… pardonnez mon anglais sous-jacent), ma brave dame, mon brave monsieur, tout fout le camp !

Mais c’est quand même bizarre, toutes ces veilleuses, ces veilleurs dressés contre l’injustice, ou ce site Égalité-Réconciliation si épris de justice sociale… Vous les voyez demander réparation pour Rémy Garnier, faire le pied de grue devant Bercy, pour que l’ex-inspecteur des impôts de l’affaire Cahuzac soit réhabilité ?

On en tirera les conclusions qu’on voudra…

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

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