Je sais, je sais. Cela fait un cheveu « Dédé peigne la girafe, je répète : Dédé… ». C’est fait exprès. Ici Montmartre. Pour ce bulletin qui s’intitule Le Colibri et se veut « Le plus gros tirage annuel prétentieux et gratuit de tous les temps ! », c’est idoine. Le redchef en est Hamid Amara et il y a un gros gâteau hongrois de Thierry Kübler dedans. Et il se distribue au bar d’Hamid et de son fils, le Bab’Ilo, rue du Baigneur, Paris, dix-huitième ar.
Ce soir-là, il y avait projection de films laotiens dans la salle du sous-sol. Le piano du bar l’a rejointe, je crois, depuis que Vadim Piankof, poète et interprète de chansons – de lui-même, de Brel, d’autres – venu de Saratov, vient assez régulièrement chanter. Vadim s’accompagne à la guitare sèche, mais d’autres, des formations de jazz, notamment, se servent du piano droit. Il y a aussi des expositions temporaires, dessins, photos, peintures. C’est tout petit (enfin, on peut s’y entasser quand même à une soixantaine) et il y a un panonceau que je n’ai encore vu nulle fois autre part : « la maison accepte l’échec ». On y trouve Le Canard, Le Monde diplomatique, diverses revues dont je ne sais si elles sont d’extrême ou d’ultra gauche aux yeux du parquet de Rachida Dati, et bien sûr, depuis l’an dernier, Le Colibri.
Hamid a bien connu Kateb Yacine de leurs très vivantes années respectives, et l’an dernier, il nous en avait brillamment entretenu. Cette fois, pour ce nº 1/2009, il revient sur Boris Tabakoff et leur café-concert commun de Belleville où fut tourné, avec Coluche, Tchao Pantin. Ce devait être, pour le film, le Bar Tony, mais Claude Berri a voulu en faire au final un Chez Rachid. « Mesrine en cavale débarque auprès de Boris (…) Boris, alors, le tance d’un ton grave, narre Hamid qui poursuit en citant Mesrine et estime, si Boris n’avait pas eu des difficultés économiques, Mesrine ne serait sans doute jamais devenu “l’ennemi public nº 1” que l’on connaît. ». Comme le colibri qui « fait sa part » en jetant quelques gouttes d’eau sur l’incendie de forêt, Hamid sort un Colibri par an. Il fait aussi d’autres choses que nous aimerions saluer. Mais faisons notre part en saluant ce Colibri.
Dans la volière
Dans la volière de ce Colibri, soit au Bab’Ilo, je n’ai pas retrouvé Thierry Kübler depuis trop longtemps. Normal, il était à Buda quand j’étais à Pest, et à Pest quand j’étais à Buda, mais on s’est croisés. Son article, « lambeaux de guerre froide » décrit la Maison de la Terreur, soit ce musée des années de collaboration nazie puis communiste. Puis il est passé au Parc aux (41) statues, saisies « dans leur jus mortifère ». Finalement, l’histoire fait du sur-place puisqu’aux adolescents, aux nouveaux Günther Grass hongrois, « on laisse entendre qu’il n’y a vraiment d’autre chemin que celui du vainqueur, le capitalisme. Pas la peine de chercher une troisième voie… ».
Question voie, de chemin de fer, il y a les voix d’Alexina et Iridra Romania (seraient pas trop restées plus de trois mois en France sans retrouver la case départ, ces deux-là ? Nu, multumesc, elles ont tout ce qu’il faut) qui, dans une « Petite histoire de mEFFIAnce », racontent leur entretien d’embauche en tant qu’hôtesses d’accueil prêtées à la Sncf. Ou comment masquer l’incompétence et faire perdre leur temps aux voyageurs en reformulant sans cesse leurs questions dans l’espoir qu’un message sonore décryptable par des oreilles normales indique le numéro du quai qu’on leur demande. Les quatre crochets imputés à Julien Coupat sont à la Sncf ce que les étoiles sont aux restaurants du guide Michelin. Mais s’il fallait décerner un cinquième crochet, Effia Services serait une très bonne candidate.
Question candidate à la suppression des allocations familiales, il y a Farida Belghoul, qui scolarise elle-même ses deux enfants, Hussein et Zine, à son domicile. Sa lettre à l’Inspection de l’Académie de Créteil (ou Versailles ?) à propos de la visite chez elle – aussi surprise qu’éclair – d’un certain Monsieur K***, inspecteur de son état, donne envie de taper de la chaussure sur le pupitre, et de faire du vacarme dans la salle d’audience.
L’audience de Dominique Moulon, installateur artistique, ou dispensateur de dispositions, comme on voudra, et bourgmestre du site Nouveaux Médias, c’est davantage les individualités se confrontant aux arts numériques que les foules de Jean-Michel Jarre. Son « Art du dispositif » le laisse supposer.
Sinon, comme dans toute revue vous avez des brèves, des échos, et même, en insert, une page de jeux. Mais c’est totalement vide de publicité. Même pas pour le Bab’Ilo. Enfin, si, il y a une souscription pour le REID, un centre d’instruction secondaire, en quelque sorte, destiné aux jeunes rejetés du système scolaire dès leurs seize ans.
Il est fou, Hamid, pas de publicité ! C’est à croire qu’il y aurait La Banque Postale marquée sur son front. Eh, il faut lui donner un coup de main…
Demandez le programme
Sur le site du Bab·Ilo (avec un point médian), vous trouvez une rubrique d’agenda. Voyez tout ce que vous avez raté déjà. Les dimanches, c’est jazz, bossa, samba et musique brésilienne. Perso, moi, je viens plutôt sur le tard, après les concerts. D’abord parce que le Bab’Ilo m’évoque le Bar de Monsieur Boncoup (celui du livre de Judith Rossner, car le film de Richard Brooks m’a laissé froid), celui de Mr Goodbar. Je me tiens au bar, et il m’est trop rarement arrivé de repartir accompagné. C’est pourquoi je viens accompagné, ou accompagner, histoire de risquer de me faire souffler la compagne par Hamid qui tente sa chance systématiquement. En sus, il a le culot de me reprocher « de venir avec de trop belles femmes » à son bar (tu parles, façon de dire à la belle que, pour lui, elle serait la seule, l’unique… vieux brigand ! vieux bandit !).
En revanche, j’ai vu de mes yeux vu de jeunes splendeurs venir seules, tout aussi sur le tard, demander un jeu d’échecs, et s’installer à une table en sachant qu’aucun pilier de bar sur les dents ne viendra les importuner.
Ah, j’oubliais. Le Colibri, vous pouvez le télécharger sur le site. Trouvez-le !
Mais c’est pour vous prouver que je n’invente rien que j’ai numérisé le mien, imprimé par les soins de, peut-être, Mélanie Mikhaïlov, ou Jean Sohier (salut, Jean, too long time not seen).
Au fait, pour les métros : le Bab’Ilo est proche de la station de la mairie de son arrondissement (le xviiie) ou de la station Château-Rouge. C’est une parallèle aux rues Custine et Marcadet, en perpendiculaire de celles du Mont-Cenis et Ramey.
Sauvez le papier et la planète et n’imprimez pas l’itinéraire Ratp ou la vue Google Maps !