Une ville, une manifestation, un instant, un photographe, un buzz érigé au rang de symbole. Voilà ce que l’on peut retenir de la journée du 23 octobre dernier, date choisie par l’association Alliance Vita pour organiser à travers la France pas moins de soixante-quinze manifestations contre l’adoption pour les parents homosexuels. 


Son slogan "Un papa, une maman, on ne ment pas aux enfants" fut scandé dans tout l’Hexagone afin de coller à l’objectif premier de l’association : "protéger l’enfant".


Que se passe-t-il alors lorsqu’au coeur de la manifestation marseillaise, deux de ses participantes jugeant le discours tenu un peu trop radical décident – sur le ton de la "rigolade" – de s’échanger un baiser d’une poignée de secondes au beau milieu des militants, le tout devant l’objectif très spontané d’un photographe de l’AFP ?

Une heure de temps, et déjà plus de 3 OOO partages sur les réseaux sociaux. Lorsque Gérard Julien immortalise cet instant qu’il pensait prémédité, le photographe de l’AFP était bien loin d’imaginer le buzz médiatico-idéologique qu’il venait de capturer. Repéré sur le fil de l’AFP par Paul Parant, journaliste pour le magazine "Têtu", le cliché qui a le mérite d’être d’une belle originalité est twitté une première fois. La symbolique y apparait forte, et le message transmis se passe de légende : un baiser dit lesbien en plein coeur d’une manifestation anti-adoption homosexuelle, on a rarement vu contestation plus explicite. Et plus poétique, aussi. Les deux jeunes femmes, toutes deux étudiantes hétérosexuelles de 17 et 19 ans expliqueront au journaliste de "Têtu" que cet acte n’avait strictement rien d’anticipé. En effet, ne partageant pas les idées déployées de toutes parts par l’association, elles ont choisi d’illustrer ce désaccord et leur solidarité envers les couples hétérosexuels le plus simplement du monde.  

Immortalisée et déjà culte, cette photographie offre deux plans d’une richesse incroyable. Derrière la scène du baiser désormais emblématique (qui valent d’ailleurs à nombre de journalistes de la comparer au "Baiser de l’hôtel de ville" de Robert Doisneau), peut-on lire les expressions attérrées des militants, assistant de toute leur impuissance exactement à ce contre quoi ils s’insurgeaient à l’unisson un instant auparavant. Et Julia et Auriane (les deux protagonistes) de relater qu’en s’embrassant, les insultes tombaient en rafale. Scène brève mais intense donc, à l’issue de laquelle les deux étudiantes se sont rapidement retirées tandis que – sans qu’elles ni Gérard Julien ne s’en soient doutés une seule seconde, le buzz était déjà en marche.

 

 

Ainsi, à l’heure où les réseaux sociaux relaient les informations tout aussi – si ce n’est parfois plus vite que la presse, "Le baiser de Marseille", partagé des milliers de fois en seulement quelques heures (outrepassant même les frontières hexagonales), est devenu un cliché central du débat autour de l’adoption (et du mariage) homosexuels.

En somme, un joli pied de nez à une organisation bien rodée, une manifestation numériquement très forte, que quelques secondes savamment partagées par deux personnes auront suffi à déséquilibrer.
Ou quand la magie de l’instant fait convulser l’Univers.