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Ce fut en grandes pompes que lundi, tout le jet-set et gratin politique canadien s’est rassemblé, pour célébrer le lancement des mémoires de l’ex-Premier Ministre conservateur Brian Mulroney. Parmi le troupeau de «has been», il y en avait bien une poignée dont les sourires cachaient mal leur malaise. Ce fameux malaise de tous les politiciens sans conviction qui au cours de leur carrière, trahissent leur parti pour un autre; ces pleutres pour certains, transfuges, venus célébrer avec le vieux chef, qui fut, il y a plusieurs années dévoré par ses propres sbires…

 

Mulroney aura beau répéter que son bouquin monumental n’est pas un règlement de comptes, pourtant il en a tout l’air. Ainsi donc, lui aura-t-il fallu 1200 pages et près de 17 ans pour vider son cœur de toute sa hargne. Particulièrement à l’égard de son ancien lieutenant du Québec Lucien Bouchard.

Encore aujourd’hui,on est en droit de se questionner sur les motifs ayant poussés Bouchard à comploter contre son propre chef par une insidieuse alliance avec les péquistes. Certains bien-pensants et autres «politicailleurs» vous répondront que l’échec de Meech est sans conteste la raison. Que Bouchard a agit dans le plus grand intérêt de sa province; devant le fait accompli de l’impasse de ramener le Québec dans la constitution canadienne, il a tout simplement largué par-dessus bord cette constitution.

Mais à la vérité, il n’en n’est rien; ces analystes sont à des kilomètres à côté de la plaque. Pourquoi ? Simplement  parce que l’origine du fameux télégramme ( marquant le début de sa nouvelle allégeance) envoyé par Bouchard à Parizeau, le chef péquiste, remontait à bien avant que l’accord de Meech ne soit mort.

En fait, Lucien Bouchard, comme tout homme politique, ne faisait pas son boulot par altruisme pour la population… Laissez-moi rire ! Disons qu’il était atteint de ce que l’on pourrait appeler le «syndrome d’Iznogoud»; l’hantise qu’ont ces ministres de devenir chef à la place du chef. L’amitié entre les deux hommes s’est rapidement détériorée aux yeux de Bouchard quand son copain est devenu son patron.

Souvenons-nous de ce caucus durant lequel le chef Mulroney aurait délibérément et publiquement dit à son subalterne de se la fermer. Assez dure pour l’ego surtout quand ça vient d’un ami. Mais encore, un autre acteur doit être considéré dans cette saga qui eut raison des conservateurs. Parizeau, bien sûr… Son intervention auprès de Bouchard, ne serait-elle pas en fait le prix d’une vengeance contre le Premier Ministre?

Une vengeance qu’il ruminait depuis le jour où Mulroney réussit à asseoir à sa table nul autre que René Lévesque, le père spirituel des souverainistes. Ce jour où la souveraineté fut mise en veilleuse pour faire place au «Beau risque» ou le cercueil d’un nouveau référendum. Œil pour œil, devait se dire Parizeau; les péquistes ont perdu leur âme; tôt ou tard les conservateurs devront perdre la leur…

Le départ de Bouchard pour fonder le Bloc québécois a en effet littéralement guillotiné le Parti conservateur et l’hémorragie ne s’est arrêtée qu’après leur cuisante défaite de 1993. L’ange gardien de Mulroney au Québec devenait son 12e disciple. Le Talleyrand des temps modernes refuse de commenter cette tranche de sa vie. Pourquoi? Aurait-il des remords? Remords d’avoir à son tour été évincé de son parti par un jeune loup assoiffé de pouvoir. Finalement à vouloir jouer sur deux tableaux, le conservateur devenu souverainiste a tout perdu…

Sommes toutes, la cupidité de nos politiciens n’a d’égal que leur sottise; faisant passer leur intérêt avant ceux des gens qui les élisent. Parions que d’ici les prochains mois d’autres vieux politiciens qu’on a remisés dans les placards poussiéreux de l’histoire feront leur sortie des ténèbres. Armés de volumineux ouvrages relatant leurs tumultueuses années de passion politique; venant renchérir, corriger ou contredire le livre déjà trop pesant de Mulroney. L’ancre n’a pas fini de couler et le papier d’être aussi vainement utilisé au sujet de cette affaire. Quel odieux gaspillage d’arbres…