Voici deux semaines que l’Irlande et le Royaume-Uni s’alarment que de la viande de cheval, substituée à la viande de bœuf sur les bordereaux de livraison et les étiquettes, a été massivement consommée outre-Manche. En cause : notamment un fournisseur polonais et divers grossistes. Mais les relevés de l’équivalent de la Concurrence et des fraudes ne concernaient que des restaurants rapides ou des cantines. Avec la découverte de lasagnes ou spaghettis bolognèse au bœuf jusqu’à cent pour cent pur cheval, vendus par Findus, c’est l’alarme maximale. Et alors, c’était bon ou non ? Sur le marché français, la Comigel a aussi écoulé de la viande de cheval d’origine roumaine qui lui fut livrée « à l’insu de son plein gré », comme on dit, par la société Spanghero de Castelnaudary, qui elle-même se serait fait duper.

La société française Comigel, qui fabrique, à Metz et au Luxembourg, des dizaines de milliers de tonnes de plats cuisinés pour Findus, Picard ou Thiriet et d’autres (Monoprix, Carrefour, Système U, Auchan, &c.), et contrôle la société Atlantique Alimentaire à La Rochelle, exporte dans une quinzaine de pays. La Comigel est contrôlée par le fond Céréa Capital, aurait averti de grandes chaînes de distribution britanniques de ses doutes « sur la conformité des produits au cahier des charges » de certains produits (notamment des lasagnes et spaghettis à la viande commercialisés par Tesco, Aldi et d’autres). La viande de bœuf aurait été en fait de la viande de cheval.

Effectivement, la Food Standards Agency britannique a déterminé que la composition carnée de certains produits Findus, dont en particulier des lasagnes, comportait du phenylbutazone, une substance secrétée par la viande de cheval qui résulte de traitements vétérinaires chevalins. Poussant plus loin, les enquêteurs ont trouvé de 60 à cent pour cent de viande chevaline dans des produits « pur bœuf ».

Déjà, le mois dernier, pas moins de dix millions de « beefburgers » ont été retirés des marchés irlandais et britanniques. Pour la même raison : des concentrations de viande chevaline à 75 ou 80 %. 

Findus s’est déclarée incapable de dire depuis combien de temps elle commercialisait ainsi sous ses étiquettes des produits à la viande de cheval.

La drogue en question peut générer chez l’homme une variante de la leucémie.

Le risque est en fait fort réduit, mais cette façon de faire prendre des merles pour des grives reste dans l’estomac…
D’autant que la vente de viande de cheval est n’est pas formellement prohibée au Royaume-Uni mais reste un tabou (en Suisse, on peut encore consommer du chat ou du chien légalement, mais uniquement de « production » personnelle).

Il y avait déjà, au Royaume-Uni, Flexi Foods, un importateur de viandes « bovines » polonaises qui écoulait du cheval, dont la viande finissait chez Tesco, Asda, d’autres distributeurs, et Burger King, la chaîne de restaurants rapides.

Cette fois, c’est la Comigel qui est impliquée et son directeur, Éric Leharge, s’est refusé à tout commentaire à la presse. Elle risque de fortes amendes même s’il est établi que la fraude initiale incombait à ses fournisseurs…

En France, la viande de cheval est licite et Ma Boucherie chevaline est l’un des principaux intervenants sur le marché de Rungis. À Paris subsiste une quinzaine de boucheries chevalines, dont celles de David Julien et Hippo-Temple. Mais il n’en reste qu’une à Lyon (halle de la Martinière). La viande chevaline figure, à Paris, à la carte des restaurants Le Taxi jaune, Les Tontons flingueurs et quelques autres, dont bien sûr Le Louchebem. Elle est plus courante sur les tables belges, suisses ou même canadiennes.

L’hippophagie est encore licite dans certains États d’Amérique du Nord. Elle reste courante de par le monde, étant considérée halal par certains oulémas et prohibée par d’autres imams, mais elle n’est pas casher et l’hindouisme la bannit.

Mais les plus gros consommateurs restent les carnivores des zoos.

Cependant, la viande de cheval a sans doute trouvé des débouchés – certes illicites – dans des préparations culinaires en raison de ses qualités : elle est tendre, avec beaucoup moins de collagène que le bœuf, et sa saveur est plus douce. Elle est aussi jusqu’à 15 % moins chère.

En fait, jusqu’à 62 % de viande de cheval sont tolérés par la FSA britannique, ce que la plupart des habitants des îles britanniques ignoraient très majoritairement. ExoticMeats (co.uk) en vend par correspondance en steaks, hachés ou saucisses (et même du zèbre).

Le Mexique et l’Argentine sont les premiers producteurs de viande de cheval, Pologne, Italie et Roumanie étant les principaux pays européens (deux fois la production française).

Les « Rosbifs » vont-ils se mettre à consommer de la viande équine ? De fait, pour nombre d’entre eux, c’est déjà largement le cas, mais à leur insu. Le dresseur Bartabas avait déclaré : « si vous aimez les chevaux, mangez-en… ». C’est la condition de la survie des races de trait françaises.
Au Royaume-Uni, du fait de la crise, beaucoup de détenteurs de chevaux, coûteux à entretenir, ont abandonné leurs animaux…

En tout cas, pas davantage que du sabot de bœuf (« dégusté » entre Bobo et Bouaké, et franchement peu ragoûtant, en dépit de la sauce arachide), on ne me fera goûter du sabot de cheval. Pour le reste, les bons morceaux sont la poire, l’araignée, l’onglet et le merlan. Joël Robuchon les recommande en tartare. Un saint Émilion château Cheval blanc (ou Cheval noir) en accompagnement est indiqué, mais un margaux, un reuilly et un ribera espagnol, ou encore un Cheval des Andes argentin, un Cheval Quancard bordelais, conviennent parfaitement. 

Et les lasagnes Findus françaises ?

Voici (coup-collé du site Findus, à l’instant) la composition des lasagnes « pur bœuf » françaises :

49,2%  Une Sauce Bolognaise à la viande 100% pur Bœuf…
Eau, viande 100% pur bœuf 12%, concentré de tomate 5,9%, carottes, oignons, poireaux, amidon, ail, huile d’olive vierge extra 0,8%, arômes naturels, farine de blé, vin rouge, huile de tournesol, sel, aromates (basilic 0,07%, thym, origan, laurier), vinaigre et épices (paprika, curcuma).

Soit 12 % de « pur bœuf » si on sait encore lire…

Je plaide en tout cas la bonne foi et laisse lectrices, lecteurs, et tribunaux juges.

Avec seulement 15% de lipides, entrerait-il de la viande de cheval (beaucoup moins grasse) dans la composition ?

Naturellement, il y a Findus…
Et Doudou demande si c’est du cheval qui risque de disparaître dedans nos prairies où paissent les chevaux qui entre dans la composition des lasagnes « pur bœuf » commercialisées en France… Sans préjuger de la réponse.

Findus, propriété du britannique Lion Capital, va-t-elle aussi nous faire manger du lion ? Tant que ce n’est pas de la vache enragée, « tout est bon » (cochon qui s’en dédit). En tout cas, nous posons la question. Et ma foi, des lasagnes « pur cheval », pourquoi pas ?
Pour qu’à chacun, son dada.

Les Britanniques (hors, sans doute, végétaliens et végétariens) ont en tout cas mangé du cheval à satiété : selon le député Tom Watson, Findus, avant d’agir, avait été averti voici une bonne semaine de la composition de ses lasagnes, renforcées à la viande de cheval depuis août 2012. C’est le 2 février dernier que la Comigel en aurait informé Findus.

Mais si on a bien compris, la plupart des produits manufacturés vendus au Royaume-Uni ou en Irlande et contenant pour partie de la viande de bœuf (et d’autres) pouvaient contenir de la viande équine. Si les produits n’avaient pas été annoncés « pur bœuf », quel serait la nature du problème ?

Des hamburgers principalement de cheval ont été détectés en Irlande dès le 15 janvier dernier… mais, mais, mais, ce serait dès novembre 2012 que des soupçons auraient été émis en Irlande. Nombre d’Irlandais et de Britanniques étaient donc depuis longtemps à la « diète de cheval ».

En France, mais aussi en Suède, Findus a retiré des rayons, vendredi dernier, ses lasagnes, moussakas et hachis parmentier. La Comigel s’était fournie en « viande bovine » auprès d’un fournisseur français qui s’approvisionnait en Roumanie mais la DGCCRF (répression des fraudes) a constaté que les lots avaient transité par divers intermédiaires européens.

Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, a fait état de sévères sanctions à venir.

Exhaustivité

À Castelnaudary, la société Spanghero (des frères Spanghero, joueurs de rugby) confectionne aussi, outre saucisses et préparations diverses, des steaks hachés avec « une viande de qualité et riche de notre terroir : la Blonde d’Aquitaine ». Les pavés de bœuf marinés sont de race Aubrac. Alors, pourquoi importer des carcasses de Roumanie ? Peut-être pour faire tourner le matériel et revendre à d’autres acteurs de la filière.
La société est alliée avec Lur Berri (Arcadie Sud-Ouest), spécialisée dans l’abattage et la découpe. Le site À la table de Spanghero vante « un dispositif de contrôle-qualité global, reposant sur la maîtrise complète de ses filières (…) afin de garantir à ses clients des produits toujours irréprochables. ».

Les emballages sont censés (sans rire) insuffler « modernité et poésie dans le monde de la gastronomie ». Comme l’indiquent les mentions légales : « le contenu documentaire et fourni à titre indicatif dans ce site est susceptible de modification sans préavis et est mis à disposition sans aucune garantie expresse ou implicite d’exactitude ou d’exhaustivité ».
Bref, chez Spanghero, on n’est pas très à cheval sur l’exhaustivité… semblerait-il.

Un peu de merle dans le cassoulet aux grives, peut-être ?

Findus France annonce porter plainte contre X dès lundi. Spanghero assure poursuivre son fournisseur roumain, a déclaré Barthélémy Aguerre, son président.

La presse roumaine, dont Adevarul, rappelle que la Maison Spanghero avait été impliquée dans un scandale en juin 2011 et avait dû rappeler des viandes de porc qui auraient pu être infectées par la bactérie E.coli. L’abattoir ayant fourni la « carnea de cal » (viande de cheval) n’a pas encore été localisé par la presse roumaine. Sorin Minea, président de l’association patronale Romalimenta, et de la firme Angst, a considéré que la viande de cheval était plus saine que celle de bœuf. Sans doute, mais les Britanniques ont du mal à l’avaler.

En Roumanie, la viande de cheval entre dans la composition du fameux Salam de Sibiu et le tartare de cheval est un plat traditionnel de la province de la Dobrogea (proche du littoral et de la Bulgarie). En juin 2009, rapportait Gandul (.info), le problème des mélanges de viandes avait été soulevé en Roumanie. La société Cicalex située près d’Alexandria (Teleorman) avait été citée car elle est l’une des seules à être autorisée à abattre des chevaux. Mais Mihai Vişan de l’Asociaţiei Române a Cărnii (ARC, association roumaine des viandes) admettait qu’il ne pouvait être exclu que des abattages clandestins se poursuivent. En septembre 2011, cinq boucheries proches des places Obor et Pacurari, à Bucarest, avaient fait l’objet de contrôles de l’Autoritatii Nationale pentru Protectia Consumatorilor (protection des consommateurs) démontrant que de la viande de cheval était vendue pour de la viande de bœuf.
De nouveaux contrôles avaient eu lieu dans la capitale roumaine en décembre 2011 et des lots de viande de porc ou de bœuf contenant du cheval avaient été décelés. Le directeur du service de la santé sanitaire vétérinaire, Mircea Susnea, avait alors déclaré qu’en cas d’abattage clandestin, la possibilité que des traces de bacille d’antrax (provocant la maladie du charbon, une grave affection cutanée ou intestinale, mortelle) soient présentes ne pouvait être écartée. L’antrax est considéré arme chimique.

Selon Sorin Minea, du syndicat patronal roumain de l’agro-alimentaire, contacté par l’AFP, il était sûr « que l’importateur savait que ce n’est pas du boeuf, car le cheval a un goût, une couleur et une texture particuliers ». Il y aurait en Roumanie trois abattoirs qui abattent des chevaux et en exportent la viande dans l’Union européenne.

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