L’APOCALYPSE…cette arme politique !

Il ne faut pas se leurrer la fin du monde inspire les extrémistes (de toute confession).

Pour les messianistes juifs, chrétiens et musulmans, le contrôle du Mont du Temple (ou se serait dressé le Temple de Salomon et d’où le prophète Mahomet serait monté au paradis) relève de la rivalité entre visions de l’avenir sacré autant que de celles du passé.

Il est ironique que ce soit justement cette soif de justice et de paix qui semble la plus dangereuse dans les interprétations religieuses de l’Apocalypse. L’islam, le judaïsme et le christianisme partagent le concept qu’une figure messianique va apparaitre à la fin des temps pour débarrasser le monde dans lequel nous vivons de la confusion, de la violence et de l’injustice et introduire une nouvelle ère de pureté « utopique » (malheureusement pour la plupart d’entre nous, la majorité de ces scénarios nécessite un déferlement de guerres et de cataclysmes avant l’avènement de l’ère paisible de la sainteté).

De tous les pays ou les politiciens brandissent des visions d’apocalypse, l’Iran offre un exemple particulièrement flagrant des bénéfices que peuvent retirer ceux qui évoquent un retour du Messie…

L’enthousiasme d’Ahmadinejad pour le mahdaviat (la nécessité de mettre tout en œuvre pour hâter le retour du Mahdi) concorde fort à propos avec sa propre revendication populiste au leadership de la nation iranienne.

Le fait est qu’il existe une alliance entre l’Amérique et Israël dans la guerre contre l’islam. Ils sont déterminés tous les deux à établir le contrôle d’Israël sur Jérusalem et à reconstruire le Temple ou le Dôme du Rocher se trouve maintenant, et ou les Palestiniens sont en travers du chemin.

Le danger s’amplifie. Le Mont du Temple est potentiellement un détonateur d’une guerre de grande envergure, et quelques personnes essayent de forcer la Fin pourraient la déclencher.

La question que nous avons besoin de nous poser est :

« Pourquoi la foi cherche une apothéose ? Quel pouvoir cette idée tient sur l’humanité. Pourquoi les gens modernes ne peuvent-ils pas mettre les religions du judaïsme, du christianisme et de l’islam dans le musée des concepts religieux aux côtés de Zeus et Ishtar ? ».

Source : La fin des temps : l’intégrisme et la lutte pour le Mont du Temple. Gershom Gorenberg.

D’autre part il ne faut pas taire la prolifération d’ujn nouveau culte religieux aux Etats-Unis. Il ne faut surtout pas croire qu’il n’est composé que de « cinglés », mais plutôt d’Américains du courant dominant de la classe moyenne jusqu’aux plus hautes sphères. Ce sont les mêmes qui permettent (par l’entremise de l’argent) la sur médiatisation des télé-évangélistes…qui expliquent les principes fondamentaux du culte. Ils ont un but : faciliter la main de Dieu pour les porter jusqu’aux cieux sans ennuis, d’où ils observeront Armageddon et la destruction de la planète Terre. Cette doctrine se répand partout, au moins un américain sur dix est un dévot de ce culte…

Source : Dale Crowley Jr, reporter religieux. Washington.

En tant qu’observateur on peut se rendre compte de l’influence cruciale que la religion exerce sur la vie politique américaine. Randall Palmer (historien des religions à Columbia et Harvard) affirme que le basculement s’est fait après le scandale du Watergate. Jimmy Carter fut le premier candidat à réintroduire de la morale et donc de la religion dans la politique américaine.

Au moment où, en pleine campagne des primaires américaines, on voit s’affronter la méthodiste Hillary Clinton (qui n’est jamais allée aussi souvent au culte que ces dernières semaines…), l’épiscopalien John Mc Cain (beaucoup plus pieux que d’habitude…), l’ex-pasteur baptiste Mike Huckabee et Barack Obama, membre affiché de l’Eglise unie du Christ, une communauté évangélique luthéro-réformée (un guide à l’usage des européens ne serait pas superflu !). Tous les candidats à la Maison Blanche invoquent Dieu quotidiennement, et je n’oublie pas que Mike Huckabee, redoutable télévangéliste, va même jusqu’à préconiser d’inscrire les préceptes divins dans la Constitution de son pays. J’allais oublier Sarah Palin qui fait partie d’un de ces groupes chrétiens fondamentalistes persuadés que Jésus ne reviendrait pas tant qu’un troisième Temple ne sera pas élevé à Jérusalem…

Dans le bras de fer qui oppose aujourd’hui les Etats-Unis et le monde arabe, le fanatisme religieux joue un rôle prépondérant. Les intégristes des deux bords, arabes et occidentaux, sont pris dans la spirale infernale de la diabolisation réciproque. Les intégristes arabes diabolisent le modernisme occidental, tandis que les fondamentalistes américains diabolisent l’idéologie islamique…

Les gourous de certains cultes ont maintes fois utilisé des visions d’apocalypse pour pousser leurs adeptes à la violence (comme lors du suicide collectif de Jonestown qui a tué 918 personnes en 1978, ou encore l’attentat au gaz (sarin) du métro de Tokyo en 1995 par la secte d’Aum Shinrikyo qui a coûté la vie à 12 passagers). Le terroriste américain Timothy McVeigh, responsable de la mort de 168 personnes lors de son attentat à la bombe dans un bâtiment public à Oklahoma City en 1995, a affirmé s’être inspiré d’un roman raciste millénariste, populaire dans les rangs de l’extrême droite américaine, intitulé « les Carnets de Turner ».

L’universitaire français, Jean-Pierre Filiu, auteur de « l’Apocalypse dans l’islam », explique que les scénarios de fin du monde ont tendance à proliférer dans toute la sphère musulmane aux moments de crise.

Pour conclure cet article je vous invite à la lecture de cet article de Barbara Spinelli :

 

IRAN : L’Apocalypse, masque du pouvoir

Certaines habitudes sont semblables à des bandeaux sur les yeux, elles empêchent de voir. Ou semblables à des laisses de chien, qui réduisent la pensée en l’attachant au conformisme. Notre regard sur l’Iran est prisonnier de ces bandeaux et de ces laisses, depuis l’époque du Shah, puis après la révolution de Khomeiny. Depuis trente ans  désormais nous identifions l’Iran avec le turban, avec le Coran, avec la violence au nom de Dieu, avec la religion qui s’intrique avec la politique et l’engloutit. Quand ses dirigeants se dressent contre le monde extérieur ou contre leur propre peuple, nous tendons d’emblée à voir là la main et l’esprit d’un clergé rétrograde. Nous avons pris l’habitude de désigner son establishment comme religieux et nous nous acharnons à ne voir qu’intégrisme dans son élite sacerdotale.

C’est depuis les années 50 que les administrations usaméricaines se trompent de politique en Perse, suscitant systématiquement les pires solutions et entraînant l’Europe aussi dans ces erreurs. Il est d’autant plus urgent de se libérer des bandeaux et des laisses pour commencer à regarder ce qui est vraiment en train de se passer en Iran.

Depuis que les élections ont eu lieu le 12 juin, des jeunes assoiffés de liberté montent sur les terrasses des maisons pour crier dans la nuit : «Allah Akbar», Dieu est grand, ajoutant aussitôt: « Mort au dictateur », tout comme en 1979. Ce sont des citoyens qui le jour ont défilé contre la fraude électorale, qui ont cessé d’avoir peur et risquent leur vie, parlant fréquemment de sacrifice. Même Mirhossein Moussavi, leur leader, annonce qu’il résistera "jusqu’au martyre."

À Qom, une des villes saintes de l’islam chiite, d’où partit la révolution khomeyniste, vit une classe sacerdotale qui dans sa très grande majorité est opposée au président. Pas plus de trois ou quatre ayatollahs le soutiennent, même si leurs hommes occupent les principaux centres du pouvoir (Pasdaran, services, justice). Les plus grands théologiens du Séminaire de Qom ont écrit une lettre ouverte après l’élection, dont ils ont déclaré les résultats «nuls et non avenus". Le président du Parlement Larjiani, originaire de Qom et fils d’ayatollah, est hostile à Ahmadinejad. Le numéro deux de l’Etat, l’ayatollah Rafsandjani, s’est enfermé à Qom pour examiner la possibilité de constituer une majorité de  religieux au sein du Conseil des experts qu’il préside, qui serait en mesure de déstabiliser et peut-être déposséder de son pouvoir le Guide suprême, l’ayatollah Khamenei, qui défend encore la légitimité d’Ahmadinejad.

Le Conseil des experts nomme le Guide suprême à vie, mais il peut le destituer  s’il fait preuve de manque de sagesse. Il semble que Rafsandjani a déjà convaincu 40 chefs religieux, sur les 86 qui composent le Conseil. Dans la ville de Machhad, de nombreux religieux musulmans ont participé aux manifestations contre le régime. Il ne faut enfin pas négliger le symbole de la résistance: le vert est la couleur de l’islam. Cela signifie que nous n’avons pas affaire  à une révolte contre l’État religieux. Pour l’instant, nous assistons à une insurrection au nom de l’Islam contre une équipe dirigeante considérée comme blasphématoire et ennemie du clergé.

Ahmadinejad a ce défaut blasphématoire aux yeux de la majorité des prêtres traditionnels et d’une très grande partie de la population. Il est perçu non pas comme un leader intégriste, mais comme un dictateur qui a des motivations tout autres que religieuses. Son pouvoir est essentiellement militaire, et entretemps il est devenu également économique. Ses slogans sont marqués par un nationalisme radical, étranger à la spiritualité. Le correspondant de la Frankfurter Allgemeine, Rainer Hermann, fin connaisseur du pays, parle de «tournant pakistanais»: sous la présidence  d’Ahmadinejad, au cours des quatre dernières années, une élite essentiellement  laïque aurait pris le pouvoir, qui utilise le la religion, non seulement pour briser toutes les formes de démocratie, mais pour détruire le clergé traditionnel. Chez Ahmadinejad, l’usage de la religion est dès le début politique.

Fidèle à l’enseignement apocalyptique de l’ayatollah Mesbah Yazdi, le président est convaincu que l’ère du douzième imam messianique, le Mahdi caché par Dieu pendant plus de 1100 ans , est sur le point de se rouvrir, avec le retour du Mahdi. Toutes les Apocalypses, y compris la juive et la chrétienne, sont des révélations qui présupposent des époques troubles, dans lequel le mal s’intensifie. Aussi pour l’école hakkani dirigée par Yazdi, à laquelle appartiennent les Hezbollahis iraniens, le mal doit atteindre son  maximum pour produire le Bien final. L’Ayatollah a enseigné à Ahmadinejad l’usage du messianisme pour des fins politiques, et non pas théologiques. Les hommes politiques messianique parlent  en général d’Apocalypse non parce qu’ils croient en la Révélation, mais parce que, dans l’Apocalypse, le dialogue avec Dieu est direct (dans l’Apocalypse de Jean, les temples disparaissent) et le chef du peuple n’a plus besoin du clergé comme intermédiaire. L’apocalypse sert exclure le clergé, et peut-être même la religion, de la politique.

Le signe le plus évident du tournant laïco-pakistanais d’Ahmadinejad est la militarisation du régime. Les gardiens de la révolution, les Pasdaran, dépendent de lui, ainsi que de Khamenei. Et les nervis des milices basidji ne sont pas nés de la ferveur religieuse, mais de celle de la guerre de huit ans entre l’Iran et l’Irak. Les basidji étaient des enfants ou des adolescents qui, dans cette terrible guerre, entre 1980 et 1988, étaient envoyés, sans armes, dans les champs de mines de  l’ennemi et ont péri par milliers. Selon certains historiens (dont  le spécialiste Hussein Hassan) Ahmadinejad a été un jeune instructeur de ces martyrs forcés. Son plan: sortir du singulier équilibre de pouvoirs entre souveraineté populaire démocratique, souveraineté religieuse et souveraineté militarisée qui caractérise l’Iran. Un équilibre violé à maintes reprises, mais qui reflète l’histoire du pays, toujours oscillant entre le constitutionnalisme démocratique qui s’est affirmé en 1906 et la soif jamais éteinte d’État absolu. Le pouvoir d’Ahmadinejad et des Gardiens est désormais plus fort même parmi les plus pauvres du pays que celui des mollahs, les prêtres qui ont fait la révolution.

Ce qui s’est passé sous Ahmadinejad, c’est une sorte de coup d’État moderniste, qui a intronisé l’élite formée dans la guerre contre l’Irak. C’est le pouvoir de cette élite qu »Ahmadinejad protège, et il ne coïncide pas avec le pouvoir religieux. Parmi de nombreux exemples, on peut citer la décision d’enlever au clergé la gestion des pèlerinages et de la confier au ministère du Tourisme, une mesure qui a profondément humilié les religieux. L’apocalypse est un instrument de lutte tout- terrain. Lors de sa conférence de presse après l’élection, Ahmadinejad a répété la formule qui impose l’obligation de parler «au nom d’Allah le Miséricordieux», mais il a aussitôt après rompu la tradition, en invoquant le douzième imam. Les miliciens basidjis, depuis un certain temps, se rasent la barbe : un autre signe de rébellion contre les mollahs. Dans la campagne électorale, Moussavi s’est présenté avec le vert de l’islam et du mouvement réformateur. Ahmadinejad avec le drapeau national.

C’est donc un régime vacillant de nationalisme militarisé qui est en train de réduire au silence les réformateurs. C’est le nationalisme qui s’est accroché au nucléaire, et peine à négocier sur ce point. Mais le nucléaire est en même temps la réponse de l’Iran tout entier aux si nombreuses erreurs de l’Occident et à l’aveuglement des administrations usaméricaines, qui n’ont jamais compris de quelles réformes ce pays avait besoin (ils ne l’ont pas compris avec le Premier ministre Mossadegh, qu’ils renversèrent en 1953 pour protéger le Shah et les routes du pétrole; ils ne l’ont pas compris quand ils ont menacé Téhéran, alors que des réformateurs comme Rafsandjani  ou Khatami étaient au gouvernement). Le défi nucléaire iranien atomique ne disparaîtrait pas le jour où les réformateurs l’emporteraient. Mais au moins, il ne serait plus au service de la forme la plus terrible de nationalisme: celle qui choisit l’Apocalypse comme masque.

Source : La Stampa – L’Apocalisse maschera del potere.

Auteur : Barbara Spinelli   Traduction : Fausto Glucide.

 

{dailymotion}x3922t{/dailymotion}