L’image que renvoie le miroir, réel ou social, peut être ravageuse Le culte de la minceur fait parfois place à celui de la maigreur et une démarche qui se voulait initialement esthétique peut facilement virer au cauchemar. Premier constat surprenant et plutôt inquiétant : en tapant "anorexie" sur un moteur de recherches, outres les définitions et les groupes de soutien, on trouve des liens… pour des régimes ! Pire, c’est le premier résultat affiché. Effrayant… Cet article se concentrera sur l’anorexie mentale, car l’anorexie stricto sensu peut être la résultante d’autres pathologies comme la dépression, le cancer, l’hémétophobie… Il ne saurait être complet car cette maladie a mille facettes, en revanche le web est très bien documenté sur le sujet si vous avez une personne atteinte dans votre entourage.

 

Qu’est-ce que l’anorexie mentale ? C’est un trouble alimentaire, le pendant de la boulimie bien que souvent les deux pathologies soient liées. Le mot est d’origine grecque et signifie "sans appétit". Le terme "anorexie" est donc pour le moins utilisé abusivement dans le cas de l’anorexie mentale, où le patient ne manque pas d’appétit mais au contraire lutte activement contre la faim jusqu’à ce que la cétose produise des hormones euphorisantes qui elles, en effet, anéantissent la faim. Jusqu’au années 1950, on croyait que ce trouble était lié à un dérèglement de l’hypophyse, une glande productrice d’hormones variées. Ce n’est qu’autour de cette date que l’on commença à envisager que le psychisme puisse jouer un rôle dans l’arrêt de l’alimentation.

 

A partir des années 80, les spécialistes ont commencé à se pencher sérieusement sur le problème, qui reste malgré tout bien mystérieux pour qui ne le vit pas… Au commencement… La plupart des adolescentes sont mal dans leur peau du fait des changements parfois brusques de leur corps, mais elles se focalisent le plus souvent sur leur poids. Elles commencent par faire un régime, souvent draconien et délirant et se délectent de leur fonte rapide. La balance redevient leur amie, d’une à deux fois par semaine, la cérémonie de la pesée devient quotidienne puis, très vite, passe à plusieurs fois par jour (après avoir bu un verre d’eau, être allé aux toilettes…). Très vite, elles ressentent le besoin de se sentir vide et, par définition, légères. Elles peuvent alors tomber dans la spirale du vomissement forcé, même après avoir avalé une cacahuète. Elles deviennent minces puis maigres, se coupant parfois les cheveux pour "peser moins". En revanche, paradoxalement, leur image corporelle est déformée. Alors qu’elles appréciaient leur nouvelle minceur, le fait de devenir maigre dérègle leur schéma corporel et à nouveau, elles se voient grosses, malgré leurs pommettes et leurs côtes saillantes, leurs cuisses entre lesquelles ont peut passer une main à plat, elles n’en démordront pas : elles sont obèses… La différence avec un régime Malgré la surmédiatisation du problème, il ne faut pas voir l’anorexie partout. Qu’une ado fasse un petit régime pour perdre quelques kilos et se sentir mieux dans sa peau est presque un passage obligé et il n’est pas question de s’inquiéter et encore moins de lui interdire ce régime.

 

Au contraire, quand cela est matériellement possible, il faut l’accompagner, l’aider à préparer des plats "minceurs", à rééquilibrer son alimentation en lui expliquant qu’un régime express où l’on meurt de faim marchera à tous les coups, mais qu’elle aura 99% de "chances" de reprendre plus que ce qu’elle a perdu dès qu’elle recommencera à s’alimenter normalement. Il faut réussir à la convaincre de ce qui finit par devenir évident aux accros du "yoyo" : il faut réapprendre à s’alimenter, et les kilos ne reviendront jamais. Ce que vit la malade Tout ceci, l’anorexique déjà bien atteinte ne l’entendra pas. Leurs parents sont des imbéciles qui ne comprennent rien, qui la trouvent "très bien comme elle est" parce qu’ils ne sont pas objectifs et ne voient pas à quel point elle est adipeuse. Certaines racontent qu’elles avaient l’impression que leur cœur pompaient de l’huile et plus du sang… Les parents, quand leur fille entame un régime, doivent rester vigilants sans bien sûr tomber dans la psychose. Si elle commence à perdre trop de poids, que ce n’est plus harmonieux, qu’elle est faible, qu’elle a froid, il est plus que temps de s’inquiéter. Si elle commence en parallèle une activité physique intense, c’est aussi "attention : danger".

 

Souvent, elle usera de "leurres", portant plusieurs pulls ou pantalons l’un sur l’autre et comme à l’adolescence le visage a tendance à être un peu rond, on peut ne s’apercevoir de la pathologie que très tardivement. Elle passera aussi beaucoup de temps dans la cuisine, à préparer des montagnes de petits plats appétissants auxquels elle ne touchera jamais, se prouvant ainsi qu’elle est plus forte que les autres, qu’elle a la maîtrise totale sur sa vie, sur son apparence, sur tout ou presque. Une psy très "enrobée" raconte qu’un jour où elle recevait une anorexique hospitalisée (32 kilos pour 1m65…), elle lui a dit avec le plus grand naturel "Évidemment, vous ne pouvez pas comprendre, vous êtes mince, vous".

 

Tout l’état d’esprit de la petite malade se résume dans cette phrase qui montre à quel point son schéma corporel est détraqué puisqu’elle voit plus mince qu’elle une femme manifestement très bien en chair. Elle dit aussi "Vous ne pouvez pas comprendre", car selon elle, personne ne le peut. Celles qui s’en sortent Il faut tout d’abord savoir que l’anorexie est l’une des plus mortelles des maladies psychiques. Le taux de mortalité à 10 ans est de 5 %, il avoisine les 20 % à plus long terme, car les organes, le cœur principalement, sont épuisés. Hélas, "celles qui s’en sortent" à 100% sont rarissimes, elles garderont à vie des séquelles dentaires, cardiaques, œsophagiennes… Il faut davantage comprendre : "celles qui n’en meurent pas"… Plus le problème est repéré tôt, plus on a de chances de remettre la malade (le féminin, contrairement à la grammaire, l’emporte, même s’il existe des anorexiques garçons). "dans le droit chemin".

 

Hélas, pour l’avoir souvent vu et entendu, si la jeune patiente n’a pas atteint une limite critique, sa prise en charge par le milieu médical sera refusée et l’appel au secours tourné en ridicule. "Nourrissez la, cette petite, elle n’a pas besoin de nous !" a-t-on hélas entendu. Pas de consultation avec un psy, pas même une petite prise de sang pour vérifier les éventuelles carences… Elle aura droit à tout ça quand elle reviendra, sur une civière, avec une perfusion de glucose planté dans le bras. Ceci est peut-être dur pour le milieu médical, mais il s’agit de vécu, de comportements véridiques, de phrases réellement entendues…

 

Que faire face à une enfant anorexique ? L’aimer de toutes ses forces pour commencer. Lui expliquer que si, on comprend. Quand il est encore temps, lui montrer que les photos des mannequins qu’elle admire tant sont retouchées car pour être une vraie femme, il est tout à fait normal d’avoir un peu de cellulite ! Être vigilant, plus que jamais, car les statistiques démontrent que les patientes anorexiques ont très souvent une intelligence très supérieure à la moyenne et pourront "vous avoir comme des bleus" si vous ne savez pas déjouer leurs pièges…