J’ai habité 14 ans en Allemagne , suffisamment longtemps pour connaitre ce pays, et prendre plaisir à lire quasi quotidiennement la presse allemande dont j'apprécie la rigueur, le professionnalisme et le sens éthique; là bas, le sensationnalisme est réservé à des journaux spécialisés comme BILD  et on ne verrait pas les journaux sérieux comme SDW, FAZ ou Die Zeit faire monter leurs tirages à coup de titres accrocheurs, révélateurs de fantasmes non assumés sur le Psychiatrique; ils n’en ont pas besoin, les allemands ont une passion pour la presse écrite. Revenons en aux faits : un adolescent de 17 ans fait feu  sur les élèves de son ancien lycée et tue seize personnes.

En essayant de faire un portrait du tueur, la presse allemande est unanime : c’est un drame de la normalité et de l’adolescence. Contrairement au drame de Erfurt en 2002, le jeune homme n’a pas réagi à un échec scolaire. Personnalité du tueur : beaucoup a été dit à ce sujet, mais le fait est qu’il s’agit d’un ado « normal » , un peu timide mais sympathique qui avait été un excellent joueur de tennis de table souvent premier lors de compétitions régionales. Il vit dans une jolie petite ville bourgeoise de 30.000 habitants au nord de Stuttgart , connue pour son château, son jardin municipal et son festival de musique classique. Ses parents ont une belle maison, avec jardin dans un environnement agréable. Ils lui donnent tout ce qu’il veut. Son père est un riche entrepreneur, qui a créé son entreprise de 100 salariés, un « homme droit, affable, loyal et courageux », une success story. Il roule en Porsche et est inscrit au prestigieux club de tir de Stuttgart, un sport snob comme le golf, vanté pour développer concentration et prise de décision. Le sport d’un entrepreneur actif, souvent pratiqué en Allemagne moins pour se défendre que pour montrer son groupe social et ses capacités stratégiques. Personne ne comprend d’ailleurs pourquoi ce père de famille gardait un pistolet dans sa chambre alors que la sécurité dans cette petite ville est réelle; j’ai moi-même vécu dans ce type de ville et j’ai pu constater ce que cela veut dire : les voisins savent tout ce qui se passe chez vous et au dehors. Un voisin dira même que Tim a quitté son domicile habillé normalement d’une veste et d’un jean avant l’ « Amok ». Il avait tout pour être heureux : une famille aimante et une petite sœur de 15 ans. Il ne se droguait pas ni ne buvait mais regardait des films d’horreur qui l’isolait du monde quand il ne jouait pas à des jeux vidéos. Mais regardons ces films d’horreurs dont nos ados sont si friands. J’aime bien Harry Potter mais je trouve certaines scènes trop violentes; quelle ne fut pas ma surprise d’entendre mes neveux de 7 ans me dire qu’ils en avaient vu des extraits et que leurs copains de classe en avaient vu tous les films. Faisons donc attention à ce que nos enfants regardent , y compris les films dits pour enfants ! Il a séjourné dans une clinique psychiatrique pour dépression . Contrairement à ce qui se passe en France, on ne séjourne à l’hôpital psychiatrique que si on le demande, même adolescent : il n’y a pas d’internement sous HDT (sous demande d’un tiers) ou en HO (hospitalisation d’office) même en cas de tentative de suicide ou d’acte criminel. Aujourd’hui, 8 à 10% des ados sont dépressifs ou traités pour dépression ; rien d’ »anormal » . L’ennui, la difficulté à se voir, se situer, à se réaliser et à murir sont à la source de ces dépressions d’adolescents. On parle de « mobbing » , de harcèlement moral entre gosses ; quelques mois auparavant, un de ses copains avait pris une lettre destinée à ses parents et celle-ci avait fait le tour de la classe ; devenu la risée de la classe, il s’était senti humilié et ses notes avaient chuté ; il avait perdu l’intérêt en ses études et avait quitté l’école.

Peine de cœur ? on ne le saura pas. Peut être est ce que cela avait déclenché une dépression et exacerbé ce besoin d’exister, si normal à l’adolescence. Est-ce d’avoir vu la vidéo disponible sur dailymotion et CNN de la tuerie du 10 mars en Alabama qui lui aurait donner envie d’en finir en entrant dans l’histoire ? C’est ce qu’il semble dire à un ami dans un chat devenu célèbre, où il dit ne plus supporter sa vie : «"Lotterleben"… "Ich meine es ernst, Bernd – ich habe Waffen hier, und ich werde morgen früh an meine frühere Schule gehen und mal so richtig gepflegt grillen. Merkt Euch nur den Namen des Orts: Winnenden.".  Le seul problème, c’est que la police allemande pense que ce chat est un faux, créé de toute pièce après la tuerie pour la justifier. 

En conclusion, il n'y a pas besoin de circonstances particulières pour qu'un enfant devienne un adolescent dépressif. Un enfant replié, anxieux, évoluera plus vers une adolescence à problème qu'un enfant extraverti, turbulent, même s’il est bon élève. 

Au lieu d’isoler et de dévaloriser nos enfants, apprenons leur à aimer la vie et à s’enthousiasmer des belles choses gratuites que la vie nous offre ! Plutôt que de les inciter à la compétition et d’en faire les premiers à tout prix, rappelons nous qu’il vaut mieux « une tête bien faite qu’une tête bien pleine ». Même si Montaigne n’est plus au gout du jour.

Et pour revenir à cette ville charmante de Winnenden: elle organise un concert de musique au chateau en souvenir de ce drame; l'entrée est à 15 €, avec au programme Mozart et Bela Bartok.