L'agriculture nourrit plus ou moins directement plus de la moitié des ménages sénégalais. Ce n'est pas rien !
Quand on parle d'agriculture au Sénégal, on ne parle que de son volet industriel. Volet qui ne concerne que peu l'agriculture familiale traditionnelle. Cette petite agriculture est l'activité la plus consommatrice de main d'oeuvre au Sénégal. Tout effort opéré en direction de cette population produirait des effets sur une quantité considérable de personnes.
Curieusement rien n'est fait hormis des distributions de tracteurs. Tracteurs qui ne peuvent intéresser les petits agriculteurs qui disposent souvent de moins de 3 hectares de terre et qui de toutes façons ne leur sont pas destinés.
L'effort nécessaire doit être réaliste, immédiatement rentable et applicable à la majorité des agriculteurs.
Au niveau agricole, les semences doivent être améliorées, non pas pour 10 ou 15 % des distributions mais pour la totalité et les engrais doivent être disponibles à temps. Années après années tous les intrants arrivent systématiquement en retard sur le calendrier des travaux agricoles. Un minimum d'organisation et de prévisions devrait pouvoir résoudre ce problème. Y arriver n'est pas du domaine de l'utopie !
De nouvelles pratiques culturales doivent être utilisées, ces pratiques existent depuis des années dans les tiroirs de l'Isra (institur de recherche agricole) et du ministère de l'agriculture ! Ce sont toutes des techniques qui nécessitent peu d'investissements donc idéales dans les conditions de la paysannerie sénégalaise.
Peu coûteuses mais extrêmement rentables elles pourraient d'une part améliorer le quotidien de milliers de familles, peut-être ralentir l'exode urbain et international et surtout permettre une accumulation de capital, passage obligatoire pour une véritable modernisation agricole.
La modernisation de l'agriculture nécessite la création d'un réseau d'écoles techniques agricoles pour les jeunes où l'enseignement colle aux conditions sénégalaises. La mise en place d'un corps de techniciens agricoles qui sillonnent la brousse pour vulgariser les techniques et conseiller les communautés.
Tout cela ne relève pas du rêve.
Quoiqu'on en dise et qu'en pense Wade & Co, l'émergence du Sénégal passe par le relèvement du niveau de vie de la population agricole, relèvement qui ne peut s'obtenir que par une production accrue et mieux valorisée.
Quand des filières sérieuses ont été mises en place, les résultats ne se sont pas fait attendre. La filière tomate industrielle est une réussite technique et financière. Le fait qu'elle soit attaquée et mise à mal par les importations de contrebande et autres est un autre problème.
Vouloir valoriser l'agriculture, créer de nouveaux marchés nécessite de créer des filières AVANT la modernisation. La production de maïs a beaucoup augmenté sans semences réellement productives. Cet élan a été stoppé net par défaut de filières de commercialisation et de suivi.
Mener une réelle promotion de l'agriculture nécessite une volonté politique forte, des hommes plus intéressés par le travail de fond que par les effets d'annonce, des techniciens compétents qui n'ont pas peur de salir leurs chaussures dans la brousse, des chercheurs qui ne passent pas leur vie à chercher des choses qui ne sortiront pas de leurs tiroirs mais qui trouvent des solutions rentables et immédiatement utilisables.
Tout cela est possible à condition de ne pas prétendre transformer les paysans sénégalais en agriculteurs occidentaux dans les 10 ans, comme le voulait Wade il y a quelques années.
Améliorer ce qui existe, étape par étape, marche par marche. Inlassablement, obstinément au fil des années…
L'agriculture sera réellement moderne au Sénégal, comme ailleurs dans le monde, quand la population agricole ne représentera plus qu'une quinzaine de % de la population, que les agriculteurs disposeront de suffisamment de terre pour se mécaniser et pour amasser du capital.
Cette diminution de la population agricole et l'augmentation de la surface de chaque exploitation ne sera possible que quand l'industrie et les services seront capables d'absorber le surplus de travailleurs agricoles.
Outre l'amélioration de leurs conditions de vie, ce qui serait déjà en soi un objectif très louable, il ne faut pas oublier que toute augmentation du pouvoir d'achat de plus de la moitié de la population ne peut qu'avoir des effets bénéfiques sur le marché intérieur et donc sur tous les secteurs économiques du pays.