L’affaire Tapie des 45 millions à l’entourloupe, une affaire d’Etat,

au détriment du contribuable ?

 

Lire l’affaire Tapie.

 

Bernard Tapie est sûr de lui. Sûr que l’arbitrage de l’affaire du tribunal arbitral ne sera pas annulé. Sûr qu’il gardera son argent.REUTERS/Charles Platiau, document l’Expresse.fr.

 

Support Wikipedia Cette affaire démarre de l’engagement de Bernard Tapie en politique comme ministre de la ville, en 1992 dans le gouvernement de Pierre Bérégovoy. C’est à sa demande que François Mitterrand accepta sous la condition que Bernard Tapie se retire des affaires. On connait la perspicacité politique de Bernard Tapie, éclipsant, telle une star, tous les autres ministres lors des conseils, et François Mitterrand de lui dire, à la fin du premier conseil des ministres, «tu avais quelques ennemis, quelques amis, et quelques ministres indifférents à ton égard au sein de ce gouvernement, sache qu’il ne te reste maintenant que des ennemis à part Béré et moi». Une chose est néanmoins certaine la réflexion de Bernard Tapie ne lui permit jamais de comprendre qu’une valeur de l’intelligence était aussi la modestie, et que dans la vie, dès lors ou l’on a besoin des autres, il faut savoir composer. Ce comportement est souvent le fait de ceux qui sont contrains de se mettre en avant par ce que sans diplôme reconnu, ils n’existent pas. C’est le problème français des castes Grandes Écoles, et autres agrégés, qui se partagent le pouvoir. Notre exécutif en est composé par de nombreux anciens élèves de l’ENA, supers diplômés, comme s’il n’y avait que ces énarques et agrégés qui savent analyser notre société.

Cela fait donc maintenant 20 ans que cette affaire tient la Une des médias d’autant que Christine Lagarde fut celle à qui incomba le tribunal arbitral qui accorda la somme de 403 millions à Tapie intérêts compris avec 13 millions de frais de procédure, et cela, malgré que ses collaborateurs à Bercy le lui déconseillèrent. Pour des politiques centristes de droite dont François Bayrou, et des socialistes dont Jean-Marc Ayrault, la décision du tribunal arbitral fut un renvoi d’ascenseur au soutien de Bernard Tapie à Sarkozy lors de la présidentielle de 2007. Jean-Marc Ayrault va même jusqu’à demander le 22 juillet à Christine Lagarde de saisir la justice, en estimant que «tout dans cette affaire relève du copinage d’État», voir Le Point.fr.

En février 2011 la Cour des comptes jugea que la procédure d’arbitrage de l’affaire Tapie Crédit Lyonnais n’était pas conforme au droit selon une publication sur le site internet de Marianne.

Il s’agit de Jean-François Rocchi qui était président de l’Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique, qui gère les retraites complémentaires des fonctionnaires. Or, Jean-François Rocchi fut reconduit à son poste par Sarkozy, mais le problème, fut qu’il était sous le coup d’une procédure devant la Cour de discipline budgétaire et financière, qui dépend de la Cour des comptes et qui s’occupe de juger les gestionnaires de fonds publics.

Jean-François Rocchi fut président du CDR, le Consortium de réalisation chargé de régler les passifs du Crédit lyonnais, à l’époque de l’affaire Tapie Lagarde en 2007, avant sa première nomination à la tête de l’Éfrap, Établissement public de financement et de restructuration créé par l’État pour exercer la tutelle du CDR. Rocchi fut accusé d’avoir trompé son conseil d’administration, sous ordre de Christine Lagarde, alors ministre de l’Économie, pour faire passer la procédure d’arbitrage qui s’est trouvée très favorable à Bernard Tapie.

Les reproches de la Cour des comptes portèrent sur l’arbitrage dès 2007, elle notait que le compromis d’arbitrage signé le 16 novembre 2007 était différent du texte validé par le conseil d’administration du CDR. Le projet d’arbitrage ne comportait pas la qualification de «préjudice moral» pour satisfaire la demande Tapie, ce qui lui permit de toucher 45 millions. En outre, elle s’interrogea sur le choix jugé partial des trois arbitres, par suite de liens présumés avec Bernard Tapie.

C’est au printemps 2011, que le procureur général de la Cour de cassation, à l’époque Jean-Louis Nadal, formulait plusieurs griefs envers Christine Lagarde lors de la saisine de la CJR, la Cour de Justice de la République. Il lui reprocha d’avoir recouru à un arbitrage privé alors qu’il s’agissait de deniers publics, d’avoir eu connaissance de la partialité de certains juges arbitres, d’avoir fait modifier le protocole initial pour y intégrer la notion de préjudice moral et de ne pas avoir exercé de recours contre cet arbitrage controversé. Il y a donc un faisceau de questions qui justifiaient d’entendre Christine Lagarde sur le choix de cet arbitrage.

A-t-elle agit sur ordre de Sarkozy, comment ne pas penser autrement ? Il ne pouvait ne pas être au courant des reproches qui étaient adressés sur l’arbitrage privé. Il est impossible qu’elle n’ait eu pas d’instruction pour agir ainsi. En 2008, interrogée par les députés, Christine Lagarde déclara, avoir pris elle-même la décision sans avoir reçu d’ordre de l’Élysée et Matignon, qui peut croire cela ? De cela, il n’empêche que même si la procédure du tribunal arbitral s’avère légale, c’est un cadeau royal qui fut fait à Tapie aux dépends des Français, sous couvert de Sarkozy. Qu’il ait droit au dédommagement du comportement scandaleux du Crédit Lyonnais en vendant Adidas au moyen de sociétés off-shores au delà du prix engagé avec son client Bernard Tapie, cela ne fait aucun doute.

Selon les informations de Monde.fr Bernard Tapie fut reçu à nombreuses reprises par Nicolas Sarkozy, d’abord au ministère de l’intérieur, puis à l’Élysée, une fois ce dernier élu président de la République, en mai 2007.

Selon L’Express, Nicolas Sarkozy rencontra au moins six fois Bernard Tapie en 2007 avant son élection à la présidence et à douze reprises, une fois installé à l’Élysée, entre le 15 juin 2007 et le 21 novembre 2010. De plus, il est fait état d’un rendez-vous au lendemain de la décision prise le 16 novembre 2007 par le CDR et le liquidateur du groupe Tapie sur un recours à l’arbitrage.

Le Canard enchaîné de son édition du 22 mai, écrit que Christine Lagarde est confrontée à une salve d »accusations détaillées dans un document d’une rare violence, que le journal put consulter. Outre le fait qu’elle soit accusée de faux en écritures publiques et de détournements de fonds publics, le contentieux Tapie Crédit Lyonnais serait privé de fondement juridique. Le recours à l’arbitrage ne serait pas établit. L’article 2060 du code civil interdirait cette procédure aux organismes publics ? Or la lecture de cet article montre que ce n’est pas aussi évident que le prétend le Canard puisqu’il spécifie,

«toutefois, des catégories d’établissements publics à caractère industriel et commercial peuvent être autorisées par décret à compromettre».

Mais y-a-t-il eu décret ? Le Canard ajoute, qu’en 2009 le tribunal administratif de Paris estima, sans être contredit par le Conseil d’État, que le recours à l’arbitrage n’était pas illégal. En fait, dans ce qu’écrit le Canard, outre ce problème de droit, rien de bien concluant et de différent de ce qui fut écrit et dit contre Christine Lagarde.

Outre Christine Lagarde, cette affaire implique Stéphane Richard, actuel PDG de France-Télécom et ancien directeur de son cabinet, et l’information judiciaire contre X ouverte à Paris le 18 septembre 2012 pour «usage abusif des pouvoirs sociaux et recel de ce délit».

Le président-directeur général de France Télécom, Stéphane Richard, fut mis en cause pour son implication dans l’affaire Lagarde-Tapie par la Cour de discipline budgétaire et financière, CDBF. La CDBF, qui juge les fautes graves de gestion des responsables d’entreprise publique, lui reprocha son rôle dans la décision de mettre en place l’arbitrage privé.

Dans le cadre de l’information judiciaire contre X, les juges du pôle financier en charge des investigations obtinrent le 23 janvier du parquet de Paris le droit d’enquêter aussi pour «faux et détournement de fonds publics et complicité et recel de ces délits». Dans ce cadre, des perquisitions eurent lieu en début d’année aux domiciles de Bernard Tapie et de Stéphane Richard.

Christine Lagarde fut entendue depuis jeudi 23 mai par la Cour de justice de la République sous le motif de faux et détournements de fonds publics. Elle fut mise sous statut de témoin assisté, après qu’il fut envisagé sa mise en examen.

Pierre Moscovici ministre des finances envisagea, en fonction des articles 595 et 1 491 du code de procédure civile qui prévoient la possibilité d’un recours en révision contre la décision d’un tribunal arbitral et son annulation dans le cas où une fraude aurait été commise.

Or, le 29 mai, un rebondissement remet tout en cause, la mise en examen pour escroqueries en bandes organisées du haut magistrat Pierre Estoup, l’un des trois juges du tribunal arbitral. Les juges soupçonnent Pierre Estoup d’avoir favorisé, avec d’autres, un arbitrage en faveur de Bernard Tapie, et d’avoir eu des liens anciens avec l’homme d’affaires et avec son avocat, Maurice Lantourne. Placés en garde à vue, ils furent relâchés.

Reste le sort de Bernard Tapie, devra-t-il restituer l’argent qu’il reçut si la décision de nullité du tribunal serait prononcée ? Si l’on se rapporte à sa dernière déclaration au Journal du Dimanche,

«s’il y a entourloupe, j’annule l’arbitrage».

Bluff évidemment, mais c’est osé d’autant que l’on sait que sont importantes les difficultés d’annulation de cette procédure. Cette déclaration fait sourire certains juristes spécialistes des procédures d’arbitrage. D’abord, parce que Bernard Tapie n’a aucun intérêt à remettre en cause cette décision. Ensuite, parce que juridiquement parlant, l’annulation n’est pas possible. Dans le cadre d’une procédure d’arbitrage, le recours en annulation n’est possible que dans le mois qui suit la notification de la sentence arbitrale. Rendue le 11 juillet 2008, celle concernant M. Tapie n’est donc plus contestable depuis bientôt 5 ans. Lire l’interview de Christophe Séraglini professeur à l’université de Paris-sud.

Bernard Tapie déclara à la remise en cause par Pierre Moscovici de la validité du tribunal arbitral,

«Pierre Moscovici fait ce qu’il veut, c’est sa responsabilité. Moi, je peux vous dire que la décision rendue par le tribunal arbitral ne peut pas être remise en cause." "Quand on a la chance d’avoir un trio arbitral composé du premier président honoraire de la cour d’appel de Versailles, Pierre Estoup, un ex-président du Conseil constitutionnel, Pierre Mazeaud, et Jean-Denis Bredin, considéré comme une des valeurs morales les plus éminentes de France, on ne peut qu’écarter toute suspicion sur l’honnêteté de la décision».

Quant à Christine Lagarde le statut de témoin assisté ne signifie pas qu’elle soit tirée d’affaire, elle pourrait être mise en examen en fonction d’éléments complémentaires sur cette affaire. Elle n’est donc pas libérée. A la sortie de son audition, elle déclara, «mon statut de témoin assistée n’est pas une surprise pour moi, puisque j’ai toujours agi dans l’intérêt de l’État et conformément à la loi». On peut voir dans cette décision, le soutien de François Hollande à Christine Lagarde préférant qu’elle reste au FMI par ce que Française et raisons économiques. Il est évident que Christine Lagarde n’a fait que suivre les instructions de Nicolas Sarkozy. Quant à la somme de 403 millions que Bernard Tapie reçut, rien ne prouve que ce fut dans l’intérêt de l’État, tout au moins les 45 millions surement pas !

Christine Lagarde, à la sortie de son audition devant la Cour de justice de la République, qui l’a placée sous le statut de témoin assisté. (JACQUES DEMARTHON / AFP), document Francetvinfo.

Une chose est certaine quelques soient les suites concernant Christine Lagarde, et d’autres puisque selon l’acte d’accusation du juge Pierre Estoup, il s’agit d’une escroquerie en bande organisée. Cette affaire d’État selon François Bayrou est l’une des plus graves de la 5ème république, sera-t-elle le scandale le plus grave ?