L’affaire Cahuzac : une affaire parmi tant d’autres…

Aussi loin que remontent mes souvenirs, il a toujours été question d’hommes politiques qui se servaient dans la caisse, qui mentaient, qui trichaient ou qui volaient. Cahuzac a peut être fait un peu plus fort que les autres, mais ça n’a rien de certain.
Des affaires, il y en a sous ce gouvernement, il y en a eu autant sous le précédent et sous tous ceux d’avant, mais cela n’empêche pas certains de tomber des nues.
Ceux qui ont eu la naïveté de croire que ce gouvernement serait plus propre qu’un autre en sont aujourd’hui pour leurs frais. Les gens lucides n’ont aujourd’hui que la satisfaction légitime d’avoir eu raison une fois de plus.

 

Notre ami Jérôme a eu le gros défaut de se faire prendre. Le plus souvent, le gouvernement parvient à étouffer l’affaire. Mais une fois de temps en temps, ça ne passe pas, et il est obligé le lâcher le ministre incriminé. C’est ce qui est arrivé ici, comme dans le cas de l’affaire Woerth.
On aura tous remarqué dans les deux cas que les ministres mis en difficulté par leurs casseroles ont été soutenus par leurs gouvernement respectifs jusqu’à des heures très tardives. Ce n’est que quand l’affaire est devenue manifestement impossible à enterrer que les ministres ont dû démissionner.
Aujourd’hui, le gouvernement tente de nous faire avaler qu’il n’était au courant de rien. Je rapelle tout de même qu’un gouvernement a accès aux dossiers des RG (aujourd’hui intégrés à la DCRI) par l’intermédaire de son ministre de l’intérieur.

Or les RG savent tout
C’est impressionant de se rendre compte à quel point. Au passage, si vous doutez de ce que j’avance, je vous invite à consulter les anciennes archives de police ouvertes au public. Les archives des années 20 par exemple. Déjà à l’époque où l’informatique n’existait pas, les flics notaient tout : ils savaient combien le moindre responsable politique ou syndical (même un responsable de bas niveau) avait sur son compte en banque, il allait retirer 20 balles au guichet, ils le notaient.

Alors vous pensez bien qu’en 2013, alors que tout est informatisé, que les flics n’ont même plus besoin d’aller dans les agences bancaires pour demander des photocopies, à l’époque des caméras vidéo, de la reconnaissance faciale, et de tout un arsenal de technologies dont nous n’avons même pas idée, on voudrait nous faire croire que le ministre de l’intérieur n’était au courant de rien.

Vous comprennez mieux maintenant, notre vieil ami Charles Pasquoi, ancien ministre de l’intérieur, quand il dit "qu’il a des dossiers sur tout le monde". Tu parles qu’il a des dossiers ! Comme il est sans doute un peu plus intelligent que ces prédecesseurs et successeurs, il a  probablement fait des photocopies des petites fiches des RG avant de quitter la place Beauvau. Il sait tout sur tout le monde. Qu’un tel va voir telle maitresse ou telle prostituée dans tel hotel tel jour à tel heure, qu’il connaît un tel ou un tel, qu’il a fait telle ou telle maguoille, essayé telle drogue à telle soirée. Il peut compromettre n’importe qui, n’importe quand.
On comprend pourquoi un politicien un peu ambitieux tient souvent à passer par la place Beauvau : elle permet pratiquement de gagner l’immunité contre la carte "Allez en prison, ne passez pas pas la case départ et ne touchez pas 20000F".
Bref, tout ça pour dire que le gouvernement avait parfaitement accès à l’information.
Dans le cas hautement improbable où cette analyse serait fausse, ne croyez-vous pas que la réaction normale d’un gouvernement honnête qui n’a aucune preuve, ni de la culpabilité ni de l’innocence de l’un de ses membres serait de dire à la presse "Ecoutez, nous n’avons pas accès au dossier, nous ne sommes ni flics ni juges, notre métier est de gouverner, par conséquent, laissons la justice suivre son cours et nous verrons bien de quoi il retourne. En attendant, notre ministre est présumé innocent conformément à la loi et continue par conséquent à assumer ses fonctions tant qu’il n’y a pas davantage d’éléments à charge." ?

La spirale du mensonge : pourquoi y être entré ?
Jérôme Cahuzac a dit être "pris dans la spirale du mensonge". Personne ne se pose la question de savoir pourquoi il y est entré. Car après tout, si il se savait coupable, il aurait dû se douter que le pot aux roses allait finir par être découvert, au quel cas tout mensonge et toute tentative de s’accrocher à un ministère aurait été une circonstance aggravante au moment de l’inévitable procès.
La raison est simple : dans 99% des cas, l’affaire est enterrée, les politiques ayant tout intérêt à se couvrir entre eux dans le limite possible. Si ils passaient leur temps à se tirer dans les pattes, autrement, comment pourraient-ils piquer dans la caisse tranquilement ?
Dans le cas présent, comme dans 1% des cas, la couleuvre ne passe pas parce qu’il y a eu une fuite trop importante à la suite de laquelle trop de magistrats et trop de journalistes ont eu accès au dossier. Trop de types peu gradés et un peu naïfs qui croient vivre en démocratie qui veulent faire leur travail normalement.
Bien sûr, les RG pourraient les faire taire, néanmoins, jouer cette carte trop souvent donnerait à la France une apparence de république bananière trop flagrante. On ne sort pas l’artilerie lourde à tord et à travers, et en l’occurrence pas pour un ministre. Lorsque ses casseroles sonnent trop fort, on le laisse plus ou moins tomber et ce n’est pas de chance pour lui.

Et maintenant ?
Jérôme Cahuzac va en prendre un peu sur la tête. Plus de poste de ministre, sans doute plus de mandat pendant un moment. Un mauvais moment à passer : le procès à la suite duquel il prendra probablement du sursis. Si il n’a pas de chance, il sera en tôle à domicile comme Tapie en son temps. Au pire du pire, il passera quelques mois dans une cage dorée.
Dans tous les cas, il continuera à vivre mieux que 90% des Français.
Et pourquoi pas un retour en politique dans quelques années ? Cela n’a rien d’impossible. Combien de types se sont fait oublier quelques années avant de reprendre un poste ?
Au pire, il aura une bonne planque dans une entreprise quelquonque. Un poste de conseiller ou d’expert d’un domaine quelquonque.
Evidement, l’idéal pour lui aurait été de ne jamais être pris et de rester à son ministère, de viser un poste ministériel plus prestigieux. C’est pour lui un échec évident, mais certainement pas la fin du monde.

3 réflexions sur « L’affaire Cahuzac : une affaire parmi tant d’autres… »

  1. [b]D’aussi loin que ma mémoire me revient j’ai le même sentiment. Les hommes politiques et les affaires ne peuvent pas se passer les unes des autres. La dissimulation des petites ou grandes fortunes amassées plus ou moins légalement est un sport planétaire, en France particulièrement du fait d’un système fiscal inégalitaire qui encourage, voire oblige à chercher à échapper à ces taxes trop lourdes. D’ailleurs se sont les gens honnêtes ou peureux qui payent pour les escrocs !
    Le sentiment d’injustice à ce propos en France est exacerbé par les gaspillages éhontés de L’État qui jette l’argent par les fenêtres quand il ne subventionne pas des parasites.
    Exemple entre 1000, Sarko s’est payé un nombre effarent de sondages à croire que son pilotage de la nation devait consister à flatter l’opinion ou lui être le moins désagréable possible, ce que bien sûr il a raté![/b]

  2. Oui, sauf que l’on nous a assommés avec les « Moi président, je n’aime pas les riches, les valeurs de la gauche, les yeux dans les yeux, etc.. » et toutes autres formules du genre ! Il y a autant de brebis galeuses d’un côté comme de l’autre. Je constate en tout cas qu’aujourd’hui, les donneurs de leçon de gauche se taisent… mais pour combien de temps ?

  3. @Quidam
    Pour combien de temps, je ne sais pas, mais pas longtemps. Les politiques PS ont déjà annoncer en substance qu’ils allaient recommencer à l’ouvrir dans pas longtemps. Ils nous expliquent en long en large et en travers que ce n’est le fait que d’un seul homme, et qu’il n’y a pas, globalement, corruption générale de la classe politique.
    Bien sûr, il y aujourd’hui des doutes sur Fabius, et il y en aura pour d’autres. Comme expliqué dans l’article, dans la plupart des cas, on arrivera à planquer assez de preuves et l’affaire se tassera. Une fois de temps en temps, ca cassera, et le personnage concerné devra se faire oublier.

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