LA TRAGEDIE DU THEATRE

 

Où sont les neiges d’antan ? Cette pensée nostalgique est devenue la seule préoccupation de la gente théâtrale du moment. Créer des pièces de théâtre et d’ailleurs pour qui ? Les espaces culturels foisonnent un peu partout dans les plus petites communes de la république mais qu’en est-il du contenu ?

Il serait vraiment inopportun de parler de théâtre dans des conditions pareilles. Il serait louables de donner à ces aires d’expression gestuelle et mimique le pouvoir de ne pas désemplir et permettre à tous les jeunes de pouvoir user de leurs potentialités combien freinées par des pouvoirs locaux sclérosés, rivés à leur trône par des instances supérieures à la normale et conduit au-devant de la responsabilité par des élections truquées à ciel ouvert devant tout le corps électoral et devant toute l’ingénuité de ce peuple combien crédule.

Nous sommes là à vouloir banaliser les différentes manifestations culturelles qui n’ont de culturel que le nom et nous fuyions en avant afin de ne pas être rattrapés par nos tares et nos bévues en matière de politique culturelle et sociale qui puisse un tant soit peu  donner à notre jeunesse le goût du travail culturel et l’aisance sociale qui permettrait l’épanouissement de la culture dans son sens le plus large du terme.

Je reviens à la tragédie du théâtre en disant que le théâtre est en train de mourir par la faute de ceux qui ont la charge de la culture, les tenants de ce pouvoir qui est une arme critique de leur raison d’être et de leur manigance au niveau du ministère de la culture et des directions de la culture dans toutes les wilayas du pays. A quand le statut de l’artiste ? Jusqu’à quand permettrons-nous que des acteurs de théâtre de renommée régionale ou mondiale s’en vont sans qu’on ait bénéficié pleinement de leur talent ?

Jusqu’à quand permettrons-nous à ces borgnes de la culture de nous diriger pour mieux nous enliser dans la décrépitude des chemins battus d’un théâtre et d’une culture empirique qui ne dit pas son nom ? Jusqu’à quand permettrons-nous que des potentialités puissent nous glisser entre les doigts et s’en aller sans avoir pu donner le meilleur d’eux-mêmes à cette jeunesse, assoiffée de culture et de savoir ?

Jusqu’à quand devrons-nous subir les marasmes de ces pseudos hommes de culture et dirigeants de cette dernière qui dilapident les deniers publics sans contrepartie aucune ? Toujours dans le sillage de la « Tragédie du Théâtre », il serait logique  d’instituer des groupes de théâtres locaux au niveau de chaque wilaya et permettre ainsi une relance de la culture théâtrale locale. Les potentialités de la jeunesse existent, elles sont là et nous interpellent ! Il faudrait seulement canaliser les efforts et les traduire sur la scène théâtrale. Il faudrait aussi pouvoir laisser s’exprimer les jeunes qui ont des possibilités monstres en matière d’expression corporelle qui est le fort de tout habitant du bassin méditerranéen. Dans la vie courante, la gestuelle est un don de tous les algériens.

Essayons de la fructifier et de l’orienter vers les planches et vers les lieux d’expression culturelle et artistique. Les jeunes ne demandent qu’à s’exprimer. Alors donnons-leur l’occasion de la faire d’une manière critique et constructive. Avec ce vent, ou plutôt cette bourrasque de démocratie qui s’est abattue comme un tsunami sur presque tous les pays arabes, il serait temps que les pouvoirs puissent voir d’un autre œil cette jeunesse qu’ils ont dénigré depuis plus d’un demi siècle avec la politique de « qui n’est pas avec moi est contre moi ».

Les jeunes s’en foutent éperdument de ce que peuvent penser les politiques. Ils les singent en pleine rue et les dénigrent de par leur mainmise sur l’économie et sur la vie sociale du pays qui tend à étouffer un peu plus chaque jour leurs aspirations à une vie meilleure. Revenons au théâtre et essayons d’instruire une politique à même de donner les meilleurs éléments d’incrustation de la culture théâtrale dans les coutumes des jeunes comme l’ont été leurs aînés durant la révolution et après les quelques années de l’âge d’or de la production théâtrale au lendemain de l’indépendance du pays. Faire en sorte de continuer leur œuvre et pouvoir sortir de l’ornière dans laquelle se complaît le théâtre algérien avec une production dérisoire, une infrastructure aussi dérisoire et un dénigrement total de la part des autorités en charge de la culture dans notre pays. La prise en charge de la jeunesse en matière de créativité culturelle et artistique est nécessaire et indispensable pour la pérennité de la culture algérienne dans son sens le plus étymologique du terme. Ce que nous constatons actuellement, dans tous les domaines de la culture, il est fait abstraction de tout ce qui peut donner un plus à la culture. En effet, même avec certaines dispositions en faveur des écrivains  pour la publication de leurs romans, de leurs œuvres, d’ailleurs qui n’ont servi qu’à une certaine caste d’introduits auprès du ministère de la culture et au niveau de certaines grandes villes du pays, les autres wilayas n’en ont pas bénéficié bien qu’elles aient un nombre assez conséquent d’écrivains, jeunes et moins jeunes, qui ne demandent qu’à être édités pour l’enrichissement de notre patrimoine immatériel nécessaire aux générations montantes. Il serait que les services en charge de la culture puissent prendre le taureau par les cornes et donner un coup de pied dans la fourmilière et redonner un tant soit peu de considération à ces hommes de culture et ainsi éviter la déperdition de talents férus de culture et de créativité culturelle et artistique.

                       Mohamed Boudia – Ecrivain et journaliste indépendant –