Regards sur la poésie de la poétesse Marie-Pierre Demon

Si on veut voir les chemins qui mènent à la vraie poésie, à la poésie profonde qui touche le sens des choses et qui entre à l’âme humaine avec beaucoup de tendresse, on est obligé de voir les chemins des quatre matières qui ont fait rêver les écrivains, et surtout les poètes dans tous les temps et dans tous les espaces. Ces quatre matières sont les suivants, selon la vision de Gaston Bachelard, le feu, l’air, la terre, et l’eau.

Cette dernière matière qui n’est que l’eau, va être apologie par plusieurs poètes puisqu’elle représente le sens de la vie elle-même. Ainsi on voit que Narcisse qui n’est que le visage de l’amoureux de l’eau, va représenter aussi le visage du poète qui cherche son double, celui qui lui ressemble. C’est pour cela qu’on va voir que l’eau va couler avec toutes ses images dans les poèmes des ceux qui aiment la vie, ceux qui aiment les autres et qui veulent bien sûr être aimés par les autres aussi.


Certes, l’eau est l’objet d’une des plus grandes valorisations de la pensée humaine, comme il confirme Gaston Bachelard, la valorisation de la pureté. Cette pureté que nous trouvons dans l’imagination des poètes qui veulent traiter surtout l’image douce de l’amour telle notre poétesse Marie-Pierre Demon dans son recueil de poèmes intitulé « Histoire d’eaux, L’érotisme de l’eau douce, ou le voyage d’Offène et Oddo ».

Ce recueil de poèmes qui nous raconte le voyage de deux amoureux, Offène et Oddo, un voyage vers une terre imaginaire, un voyage qui commence par l’eau et qui se termine par l’eau aussi. Un voyage plein d’amour et volupté. Un voyage érotique, où le visage de Narcisse prend l’image de son frère Eros.

Dés le début, notre poétesse nous invite à entrer dans son univers poétique, et par cette invitation, nous recevons en tant que lecteurs, en notre être intime,une douce poussée, la poussée qui nous oblige, mais gentiment, à suivre le chemin tracé avec beaucoup de tendresse par notre poétesse. Ce chemin qui ne mène que vers la cité de joie. La cité où se trouvent Roméo et Juliette, Oddo et Offène, et d’autres célèbres amoureux réels ou imaginaires.

L’histoire commence par la rencontre magique entre Oddo, l’homme en cavale qui cherche une femme d’un état famélique. Qui cherche de l’eau, l’eau simple, l’eau de vie, l’eau d’amour. Qui cherche celle qui peut lui rendre sa vie qui était presque perdue en prison, et Offène, la femme candide, mais belle qui cherche, elle aussi, sans savoir, celui qui peut la rendre heureuse, celui qui peut percer sa chaire.

Il y eut un soir, il y eut un matin : ce fut le premier jour. Ainsi commence l’histoire. Ainsi commence l’amour.

Et aimer quelqu’un, comme a dit Jean-Pierre Richard, c’est deviner en lui cette fraîcheur qui soit comme un reste d’enfance, chercher en lui l’eau de la vie, l’eau qui coule entre les cœurs des amoureux. C’est pour cela qu’on remarque dès le début que l’eau joue un rôle principal dans cette histoire d’amour. C’est le moyen même de la rencontre des deux amoureux. L’homme cherche de l’eau, l’élément le plus féminin et le plus uniforme que les autres éléments (la terre, l’air et le feu).

La femme le lui offert avec joie. Et ce n’est pas n’importe quelle eau, c’est l’eau du puits. Ce qui signifie l’eau du profond. L’eau du cœur de la terre, elle-même, qui n’est ici que l’image de la femme, en tant qu’une source de toutes les émotions vivantes, les émotions d’amour et de volupté. Lisons ces vers poétiques qui nous décrit cette rencontre :

« Passant vers ce puits
Une jeune fille candide
Il lui demande de l’eau
De quoi mettre à sa bouche »

Cette belle image poétique dont l’eau est le noyau nous fait rêver de tout ce qui beau et magnifique dans ce monde. Il nous fait rêver de la mer, de la rivière, du puits, et surtout de la pluie, le symbole de la résurrection, de la révélation et de la grâce. Le symbole érotique même qui relie le ciel avec la terre dans une rencontre mythique qui fait donner la vie à la vie, et qui fait la partager entre tous les êtres dits vivants après. C’est pour ces raisons mythiques, symboliques et poétiques qu’on voit que le deuxième jour qui va rassembler Oddo avec sa bien-aimée Offène, sera le jour de la pluie, ou exactement le jour nommé « Eaux de pluie ».

« Les nuages sont gris.
La première goûte tombe
Oddo frémit, échappe un cri.
L’averse se déchaîne
Et déverse ses perles.
Sur lui.
Il aime ce temps gris, délaisse le parapluie.
Il est mouillé, il rentre.
Offène fait la vaisselle, elle regarde la pluie.
Il s’approche.
Il la voit, belle, les mains dans l’eau. »

Ce beau poème nous décrit cette relation magnifique entre ces deux amoureux de l’eau. La pluie devient devant leurs yeux un symbole de l’amour. Un signe qui les pousse à le faire sans aucune hésitation. Car à travers cet amour partagé la vie devient si belle, la vie devient le miroir des deux âmes qui se réunissent par leurs corps au moment même de la rencontre du ciel avec la terre par l’intermédiaire qui n’est que l’eau de la pluie.

« Il l’embrasse dans le cou, son coin de paradis
Lui soulève les jupes.
Elle est mouillée, il rentre.
La première goûte tombe.
Elle frémit, échappe un cri.
L’averse se déchaîne.
Elle déverse ses perles.
En elle. »

Ce voyage amoureux se poursuit sur le mont du plaisir selon même l’expression poétique de notre poétesse Marie-Pierre Demon. Se poursuit à travers les rêves érotiques soit de la part de la jeune femme Offène bien décrit dans le poème intitulé « Les rêves d’Offène » soit de la part de jeune homme Oddo, bien présenté aussi dans le poème intitulé « Les désirs d’Oddo », se poursuit surtout à travers leur vie ensemble, leur vie bien heureuse. Cette vie qui nous fait offert par des belles images, des images qui nous touchent du fond du cœur. Cette Histoire où la jeune fille Offène est allongée, perdue dans ses pensées, et que son bien-aimé Oddo s’approche tout doucement d’elle, et que le plaisir des sens se commence en plein jour, en plein soleil.

Cette belle histoire d’amour racontée par une plume pleine de poésie, continue son chemin avec beaucoup de sagesse et beaucoup des expériences tirées parfois de la vie et tirée une seconde fois de la littérature mythique, symbolique et même anthropologique, pour que l’histoire devienne profonde, et si attirante. Et durant tout le parcours mobile de cette histoire on trouve que l’eau coule entre ses lignes, entre ses images et même entre ses ombres qui dessinent une vie vivante, une vie pleine d’amour et pleine de volupté. Ecoutons la voix de l’amoureux Oddo et regardons à travers ces mots poétiques ses désirs :

« Je la touche, je l’effleure
Elle est comme une fleur
Parfumée à souhait
Encore à peine ouverte
Et toujours assoiffée
Comme souvent je l’inonde
De tout l’amour du monde »

En plus que cela cet homme, fou d’amour, fou de volupté, fou de tout ce qui mène au paradis de la joie, veut laver le cœur de sa bien-aimée avec l’eau qui n’est que le symbole de la pureté totale :

« Je veux laver son cœur
Avec la plus belle eau
Sans verser un sanglot
Je dois me retenir
Sans noyer mes désirs
Qui coulent toujours à flot. »

Et maintenant, écoutons tous aussi ces vers poétiques qui sortent de la bouche d’Offène à travers ses rêves des jours, et regardons à travers leur miroir l’image d’une femme si amoureuse :

« Mes rêves reviennent
Mes rêves bleus
Du fond de l’eau je respire, diaphane et fluide
Douce.
Une clarté m’inonde
Dans mes eaux si profondes
Tout est si différent
Ici bas
Tout en bas
Un état transcendant
S’est emparé de moi
Soudain je me projette
Et redresse la tête
Mon cri déchire la nuit. »

Ainsi on remarque comme a dit le proverbe populaire « les petites goûtes d’eau font les grandes rivières » et « l’eau, goûte à goûte, creuse le roc » selon Théocrite, et enfin c’est « intitule de tire votre épée pour couper l’eau : l’eau continuera à couler » d’après Li Po. Car « l’eau seule est éternelle » comme a dit Yun-Sun-Do. Et dans ces eaux là, Oddo et Offène se trouvent aujourd’hui et demain. Alors « plonger votre regard dans une source, une rivière, ou un lac. Même si profond. Surtout profond. Et je pense que vous leur invitation. Leurs vibrations. Plongez, plongez donc ! » Selon cette fois la parole de Marie-Pierre Demon, l’auteur de ce beau recueil de poème, de cette belle histoire poétique d’amour.

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– Marie-Pierre Demon : Histoire d’eaux, L’érotisme de l’eau douce, ou le voyage d’Offène et Oddo, éd Mille Poètes LLC, 2007.
– Gaston Bachelard : L’eau et les rêves, essaie sur l’imagination de la matière, éd José Corti (24 réimpressions 1993).
– Jean-Pierre Richard : Poésie et profondeur, éd Seul 1955.

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