De l’absurdité et de la perte du sens
Auriez-vous, par hasard, remarqué à quel point l’absurdité et la perte du sens font partie intégrante de nos vies au point d’être devenues notre lot quotidien ?
Perte du bon sens, de la logique et d’une certaine rationalité envahissent désormais nos esprits, conséquence de la bêtise et de la stupidité généralisées ?
Il y a 30 ans, les absurdités étaient relativement cadrées et essentiellement cantonnées à l’Administration.
Le citoyen était confronté aux absurdités du merveilleux monde de l’Administration avec ses fonctionnaires en nombre pléthorique, qui avaient tout pouvoir de vie et de mort, qui étaient obtus et avec qui nous ne partagions pas le même langage.
L’Administration soviético-chinoise, version française dans toute sa splendeur et dans ses nombreuses composantes : préfecture et sous-préfecture ; sécurité sociale – probablement les champions des situations ubuesques, kafkaiennes et surréalistes ; allocations familiales ; les décédées ANPE et ASSEDIC refondues en « Polo » ; services administratifs des mairies ; feu les PTT devenus La Poste ; les services des impôts, …. nous malmenaient et nous vivions de grands moments de solitude devant tant d’incompréhension, du type : impossible d’obtenir ceci tant que cela n’a pas été réglé mais pour régler cela il faut obtenir ceci.
De quoi être interné en psychiatrie illico pour schizophrénie !
Nous recevions des courriers abscons de l’Administration qui vivait en circuit fermé, auxquels nous ne comprenions rien, tant le langage figé et tordu ne correspondait à aucune de nos réalités, ni de nos concepts, enfin pour ceux qui ont la notion de concept, ce qui n’est pas gagné.
Nous nous demandions, premièrement, si la langue française était bien en vigueur dans l’Administration et, deuxièmement, sur quelle planète vivaient nos chers fonctionnaires pour former des phrases dont les mots alignés les uns derrière les autres n’avaient aucun sens et qui plus est, relevaient plus de la réponse automatique que de la réponse personnalisée.
Il y avait, ainsi, deux mondes séparés qui se comprenaient rarement et dont les rapports étaient tendus et difficiles, du type le pot de terre contre le pot de fer.
Force est d’admettre, si on souhaite être un peu objectif, que depuis quelques années, l’Administration a progressé, il est, ainsi, possible de résoudre la majorité des démarches sur internet. Moins de perte de temps, moins d’énervement et on peut passer plusieurs années sans jamais avoir à faire à l’Administration de manière directe.
Le bonheur. La félicité. Le nirvana !
Les absurdités d’aujourd’hui sont plus éparpillées, au hasard d’une pub, d’un événement, au cours d’un achat, en déplacement, ….
Je vous en soumets quelques-unes :
1) Je connaissais le « Lapin agile », pittoresque cabaret du XIXème siècle situé à Paris 18ème, reconnaissable à sa façade rose et à ses volets verts, mais le MEDEF a frappé fort avec le « contrat agile ».
Quelle formule intéressante ! Quelle inventivité ! Le MEDEF a bien de l’imagination.
Et cette formulation d’être aussi sec adoptée par tous : « Europe 1 », les chaînes de téloche, le « JDD », « Challenge », « RTL », « Les Echos » et même « Le Monde » censé être plus intellectuel que les précédents et sans qu’à aucun moment, personne ne se pose la question de cette formulation absurde et hasardeuse qui ne veut rien dire.
Je suggère que, sans tarder, les salariés du « Lapin agile » bénéficient d’un « contrat agile », afin de ne pas être dépaysés !
2) Le « transfèrement » du terroriste machin chouette chose d’un point A à un point B.
Quel joli mot que transfèrement qui sonne si doucement à nos oreilles !
Il s’agit, certes, du terme juridique qui correspond au mot transfert mais était-il vraiment nécessaire d’utiliser ce terme affreux et méconnu de la majorité des citoyens ? Et tous les médias d’utiliser ce mot sans se poser aucune question ni ne donner aucune explication juridique, de véritables moutons, un instinct grégaire à faire pâlir n’importe quel dictateur !
3) Connaissez-vous le soutien-gorge Playtex à 360° ? J’ai entendu parler de cet extraordinaire soutien-gorge sans qu’à aucun moment il n’en soit montré un seul exemplaire, avec une curiosité sans nom, une avidité sans borne, grâce à Madame pub, sans qui je resterais ignare jusqu’à la fin de mes jours.
Autant dire que je serais bien incapable d’expliquer ce qu’est un soutien-gorge à 360° et en quoi il est différent d’un soutien- gorge à 0°.
Je m’engage à inviter n’importe lequel d’entre vous à boire un café si on me livre une explication rationnelle et plausible sur ce soutien-gorge à 360°.
4) La matrice de matérialité
Voilà probablement le plus beau concept totalement absurde inventé il y a peu.
Dans les grandes entreprises, on publie de nombreux rapports : rapport de développement durable ; rapport éthique ; rapport de confidentialité ; rapport financier ; rapport RSE ; rapport de contrôle interne ; rapport sur la diversité ; rapport d’audit ; rapport de mobilité ; rapport, rapport, rapport, rapport, rapport, rapport, rapport, rapport, euh excusez-moi, les touches de mon clavier se sont coincées.
Ces nombreux rapports, rassemblés dans un document intégré portent désormais le nom de « matrice de matérialité ».
L’affaire est plus complexe qu’il n’y paraît et je n’entrerai pas dans les détails de ce concept qui vient du monde anglo-saxon.
Sachez que ce document intégré est établi après consultations des : collaborateurs de l’entreprise ; fournisseurs ; clients ; actionnaires ; société civile ; secteur public ; institutions ; partenaires en tous genres …. Diantre ! Un travail de TITAN !
Ne vous méprenez pas, je n’ai rien contre la conception d’un seul et unique document rassemblant les nombreux rapports existants. Bien au contraire, un seul document et s’il est réellement synthétique, semble bien suffisant à ingurgiter et à digérer.
Je m’étonne de ce nom pompeux et prétentieux s’il en est, matrice de matérialité, peu parlant et dénué de sens pour la majorité des citoyens de ce beau pays.
5) Vous aimez voyager ? Vous voulez voyager à moindre coût ?
Bienvenue dans le monde des compagnies « low cost » ou de l’absurdité des voyages avec les compagnies « low cost ».
Etant parfois atteinte d’une horrible maladie, le snobisme, je refuse de voyager en « low cost » et préfère me serrer la ceinture pour financer un billet d’avion sur une compagnie que je juge normale et régulière.
En effet, les compagnies « low cost » sont bien moins « low cost » que ce qui est annoncé une fois payé un grand nombre de suppléments pour :
– Se rendre à l’aéroport au milieu de la pampa, aéroport qui n’est desservi par aucun métro, train, TER, tramway, TGV ou RER
– Faire transporter son bagage en soute qui n’est pas inclus dans le prix initial et comme si on ne voyageait qu’avec votre brosse à dent dans sa poche pour passer 15 jours sur l’île de Rhodes
– Poser son fessier sur un siège dur comme de la pierre et très étroit – obèses s’abstenir – ou sur un siège un peu plus confortable, plus large et avec plus de place pour les gambettes, histoire de ne pas avoir les genoux sous le menton mais seulement si vous avez plus de sous
Au final, il faut compter 30% à 40% en plus sur le prix de départ du billet ce qui le met à un tarif quasi identique à celui d’une compagnie régulière.
Le low cost est, par conséquent, une illusion totalement absurde.
Cependant, il arrive que certaines destinations ne soient desservies sans escale que par une compagnie « low cost » et qu’il n’y ait pas le choix sauf si on a une envie irrésistible de faire escale et un détour dans un aéroport où on s’ennuie ferme pendant les 2 heures minimum qui sépareront les deux vols.
J’ai donc déjà été contrainte de ravaler mon snobisme et de voyager, sur plusieurs de ces compagnies « low cost » afin de bénéficier d’un vol direct.
Je n’en suis pas morte me direz-vous. Je le confirme.
Lors d’un trajet sur une compagnie régulière, j’ai vécu, en salle d’embarquement, une situation de la plus haute absurdité lors de l’appel des passagers pour embarquer sur un vol de la compagnie Vuelig. Comme je n’avais rien d’autre de spécial à faire – quoi de plus chiant qu’une salle d’embarquement – je décidais d’écouter très attentivement cet appel.
L’appel débutât par l’embarquement de la classe A – why not ? – il n’y a certes pas de business et encore moins de 1ère classe sur ce type de compagnie et d’emblée, je supposais dans ma tête de moinelle que cela s’adressait peu ou prou aux passagers qui avaient un peu plus de sous et qui avaient vaillamment financé un siège un peu plus large et confortable.
L’appel fût poursuivi par l’embarquement des classes D à F et des sièges 25 à 36. La classe A avait toujours la possibilité d’embarquer dès fois qu’elle serait retardataire.
Je remarquais qu’il n’y avait pas de classe B et C sur cette compagnie.
Puis vint le tour de la classe H mais plus d’embarquement possible pour les classes D à F, qui devraient attendre le bon vouloir dont ne sait qui pour se rattraper.
Et embarquement également ouvert pour la classe OR mais pas de classe CUIVRE ou ZINC et les sièges 1 à 24.
Je me demandais alors quelle différence il pouvait y avoir entre la classe A et la classe OR et remarquais qu’il n’y avait pas de classe G ….
La classe A avait toujours l’immense privilège de pouvoir embarquer. Ce devait être une classe remplie de privilégiés !
Les retardataires des sièges 25 à 36 pouvaient toujours se gratter, il ne leur était plus possible d’embarquer.
Quant à ceux des sièges 1 à 24, l’hôtesse ne les mentionnant plus, j’en concluais qu’elle les avait tous trucidés !
J’avais de plus en plus de mal à suivre ce ballet de classes et cette valse de sièges et je remarquais que la totalité de l’appel avait pris 30 minutes ! Je me demandais comment les passagers s’y retrouvaient dans ce méli-mélo absurde de classes et de sièges en particulier s’ils n’avaient pas assisté dès le départ à l’appel.
J’en concluais que pour embarquer avec Vueling il fallait :
– Avoir fait au minimum Maths Sup et Maths Spe ou bien voyager avec un ingénieur dont les études ne seraient pas trop lointaines
– Ne pas arriver en retard et être présent dès le commencement de l’appel
– Ne pas être étranger et maîtriser parfaitement la langue française, la seule utilisée lors de cet embarquement pour une destination en Espagne – on ne peut pas demander à une hôtesse low cost de parler anglais
– Une grande concentration et aucune distraction possible durant les 30 minutes d’appels tout azimut
6) Les dispositifs médicaux
Il n’y a pas si longtemps encore, il y avait des pubs pour divers médicaments : « oscillococcinum » pour affronter les grippes hivernales, des médocs pour la constipation ou la diarrhée, des pschitt pschitt pour les nez bouchés et patraques, des gouttes homéopathiques pour favoriser l’endormissement, d’autres contre le stress, « Rennie » pour la digestion et les remontées acides …..
Les pubs pour ces médicaments existent toujours, l’offre ayant peu changé, seul le nom a changé, on parle de dispositifs médicaux. Quel nom absurde !
Je vous livre la définition d’un dispositif médical :
« Un dispositif médical (DM) est tout instrument, appareil, équipement, matière ou autre article, utilisé seul ou en association, chez l’homme pour le diagnostic, la prévention, le traitement d’une maladie, d’une blessure ou d’un handicap, ou d’étude ou remplacement ou modification de l’anatomie ou d’un processus physiologique.
Il est destiné par le fabricant à être utilisé chez l’homme à des fins médicales et dont l’action principale voulue n’est pas obtenue par des moyens pharmacologiques, immunologiques, métaboliques, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens. »
Si je ne suis pas tombée dans une débilité profonde, un médicament n’est pas un dispositif médical, puisque, selon cette définition, un médicament est un moyen pharmacologique en opposition à un dispositif médical dont l’action principale n’est pas obtenue par des moyens pharmacologiques. Vous suivez ?
7) Le virus ZIKA
Mais que vient faire ce virus ?
Je ne peux pas m’empêcher de citer cette magnifiquement absurde phrase d’une certaine ministre de la santé qui, et pour mettre en garde les femmes, qui auraient un projet de maternité, contre le virus ZIKA explique l’air grave et sourcils froncés que : « si elles ont un projet de maternité, il convient d’avoir des rapports protégés en utilisant des préservatifs afin de ne pas attraper ce virus ».
Il me faut fissa la recette pour concevoir un bébé en ayant un rapport avec un préservatif. Et puis j’adore le concept de « projet de maternité ».
Absurdité quand tu nous tiens !