Dans son discours radiodiffusé du 10 février 2011, le président camerounais Biya Paul a fait la promesse inédite de recruter 25000 jeunes camerounais dans la fonction publique. Cette allocution traditionnelle précédant la célébration de la fête nationale de la jeunesse, qui se tient chaque année le 11 février au Cameroun, a été comme d’habitude peu suivie par ceux auxquels elle s’adressait en priorité. La plupart des jeunes camerounais ont préféré des programmes télé plus divertissants ou participer à des soirées festives.

Par la suite, le premier ministre Ayang Luc a mis sur pied une commission chargée principalement de définir les critères de recrutement. Certains experts évaluent le coût d’implémentation  de cette mesure à moins de 10 milliards pour les comptes publics en  2011, soit près du tiers de la masse salariale de la fonction publique.

Au Cameroun, le chômage touche de plein fouet 30% de la population active, notamment les jeunes qui constituent la moitié de la population du pays si l’on tient compte des moins de 20 ans. Chaque année, plus d une centaine de milliers font leur entrée dans le marche de l emploi sans la formation adéquate qui favoriserait leur insertion socioprofessionnelle rapide et 170000 quittent le pays à la recherche de perspectives plus radieuses en Occident.   

Cette promesse, qui tombe a pic en année électorale, suscite dans l’opinion publique soit du scepticisme, soit une indifférence pour les affaires politiques et l action gouvernementale. Ni le président ni son gouvernement n’ont précisé quels besoins en ressources humaines l état voulait satisfaire ni les institutions publiques impliquées. Encore moins sur quelles ressources supplémentaires il compte pour financer ce programme sans rompre l’équilibre budgétaire.

Les réactions critiques  à son discours n’ont pas manqué mais la plus surprenante est celle du Conseil National de la Jeunesse (CNJ) qui, dans une lettre ouverte, se proposait de dénoncer la marginalisation de la jeunesse et exprimait ses attentes et ses angoisses. Ce conseil, conçu à l’origine comme un organe représentatif et consultatif de la jeunesse camerounaise, fut créé après les émeutes de février 2008 par  le chef de l état. Mais c est dans une complète indifférence que l élection de ses membres  a eu lieu en 2010. Jusqu’a ce jour, son président, Abdoulaye Abdoulrazack, est un illustre inconnu des média et du grand public. La CNJ passe pour une coquille vide.

Le paternalisme et la condescendance caractérisent l attitude du président envers une jeunesse dont il doute parfois de son aptitude à se faire une opinion politique et à agir de son propre chef pour la faire valoir. C’est ainsi qu aux débuts des années 90, alors que le Cameroun connaissait de fortes turbulences politiques suite aux revendications démocratiques, il déclara:" La politique aux politiciens, l’école aux écoliers" en réaction à l’implication de la jeunesse estudiantine et scolaire dans le mouvement de contestation politique.

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En février 2008, il estimait que les émeutiers de la faim, presque tous des jeunes, étaient manipulés par des "apprentis sorciers". Au Cameroun, si l’on atteint la majorité pénale à 18 ans, il faut attendre d’avoir 20 ans pour obtenir le droit de vote, 23 ans pour être éligible à un conseil municipal, régional ou au parlement et pour couronner le tout, 38 ans pour aspirer a la présidence de la république.

Le président a plusieurs fois déclare que la jeunesse est le fer de lance de la nation. Après un examen approfondi, il pourrait bien ajouter que ce fer est bien émoussé et rongé par la rouille.