La bête est-elle en nous ?

Dans son livre « Séductions du bourreau », Charlotte Lacoste s’insurge contre cette tentation qu’ont parfois les artistes de vouloir humaniser les criminels de guerre. Devant le succès du livre de Jonathan Littell « Les Bienveillantes » qui a reçu le prix Goncourt l’an dernier, elle nous met en garde contre la tentation de se laisser séduire par ces banalisations de l’horreur.

Comme l’avait fait avant lui, Robert Merle avec « la mort est mon métier », Jonathan Littell a choisi un tortionnaire nazi comme héros de son roman.

Le problème, c’est qu’il en fait un homme raffiné, cultivé, moralement irréprochable. Merle avait choisi de raconter la vie de Rudolf Höss, d’une façon froide et détachée. Quant à Louis Malle, il a dépeint son Lacombe Lucien, un collabo ordinaire, comme un être fruste et peu intelligent.

A la lecture de ce livre brillant, on finit par penser que chacun d’entre nous peut devenir un bourreau au gré des circonstances comme le suggèrent les expériences de Stanley Milgram.

Charlotte Lacoste s’élève contre ce parti-pris de Littell qui délibérément humanise son personnage alors que, dans les faits, « les bourreaux sont des êtres très peu cultivés, souvent grossiers, alcooliques », « incapables d’émettre un jugement critique ou d’élaborer une pensée ». Si c’est le cas, pourquoi l’auteur des « Bienveillantes » idéalise-t-il son héros ? Malheureusement, la virtuosité de l’écrivain a sans doute influencé le tout Paris littéraire. Il est bon de rappeler que tout humain a son libre-arbitre et si l’histoire compte beaucoup de tortionnaires, elle compte heureusement des Gandhi, des Abbé Pierre et autres grands hommes qui ont su réagir contre la misère et pour le bien de l’humanité.

Je déteste l’idée qu’un monstre pourrait sommeiller en moi, prêt à prendre le dessus si l’occasion se présente. Je crois en la culture et l’éducation.

Je suis d’accord avec Charlotte Lacoste qui démontre l’absurdité du syllogisme suivant : 

« Tous les bourreaux sont des hommes ordinaires Or les hommes ordinaires, c’est nous tous

Donc nous sommes tous des bourreaux »

Sinon, ça reviendrait à trouver des excuses à tous ces tortionnaires que notre Histoire récente a vu défiler.