La mère du féminisme

L’Histoire est amnésique, oublie certains de ses acteurs majeurs, une maladie transmise par ceux qui la rédigent. Heureusement, le temps est réparateur, comme le sommeil, il a cette faculté de régénérer les cellules mémorielles défaillantes et réhabiliter ainsi des héros disparus.

 C’est dans ce noble but que s’inscrit la BD de Castel Muller et Jean Louis Boquet, intitulée Olympe de Gouge, sortie aux éditions Casterman à l’occasion du la Journée Mondiale de la Femme, le 8 mars. Une jolie biographie revenant sur le destin tragique et activiste de cette femme engagée. Une occasion, pour moi, toute trouvée, d’en dresser un portrait, si vous me lisez, vous aurez remarqué que c’est une chose que j’affectionne.

 Olympe de Gouge, de son vrai nom Marie Gouze, est née à Montauban en l’an de grâce 1748. Sa naissance prête à confusion, oui à cette époque l’encadrement administratif et la paperasse ne sont pas aussi poussés qu’à notre époque. On l’a dit fille d’un bourgeois quand d’autres sources, plus absurdes, la disent fille de Louis XV. Par un mariage d’affaire, elle se retrouve à partager la vie d’un boucher parisien. Le couple aura un enfant ensemble mais rien de plus ne naîtra de cette union. Olympe subit ce mariage, une mauvaise expérience qu’elle qualifie de "tombeau de la confiance et de l’Amour".  Séparée de son mari, elle monte à Paris pour y élever son enfant. Très vite intégrée, grâce à ses relations avec un directeur d’une compagnie de transport militaire, elle mène un train de vie bourgeois, fréquente les salons mondains et s’adonne à l’écriture. Les Arts la séduisent, elle se construit à travers eux, elle fonde sa propre troupe de théâtre indépendante, déliée de toutes connivences avec le Pouvoir, contrairement à la majorité de celles qui tournent dans le pays.  Avec ses comédiens, elle aborde des thèmes sulfureux. Sa réputation grandit fortement avec la pièce L’esclavage des Noirs, aussi connue sous le nom de Zamor et Mirza, ou l’heureux naufrage, une critique ouverte aux courtisans tirant profit du Code Noir édicté par Louis XIV. Le pamphlet ne plait pas à la Cour, elle se sent attaquée dans son estime, Olympe risque d’être embastillée mais grâce à l’intervention de ses nombreux soutiens, elle évite l’incarcération. Profondément humaniste, elle ne cède pas face à la pression et continue sa lutte pour l’égalité des peuples. Elle réitère sa démarche abolitionniste avec une deuxième pièce urticante pour les négriers, Le Marché des Noirs. Un combat salué officiellement par Le Club des Amis des Noirs.  La Révolution éclate, le peuple en a assez des abus commis par une caste dirigeante se vautrant dans le luxe sans se soucier des intérêts des plus pauvres, d’une minorité vivant dans l’excès, dans des maisons cossues, alors que dans la rue, des gens meurent de faim. Toute référence avec notre actualité serait fortuite.  Olympe participe au mouvement en lançant l’idée d’un impôt patriotique et d’un vaste programme de réformes sociales et sociétales. Des idées développant une orientation politique axée vers la monarchie constitutionnelle. L’exécution du roi, retenu en prison, était devenu un débat publique avec des pour et des contres. Olympe de Gouge, pourtant républicaine, était contre le fait de faire passer la tête du monarque sous la lame acérée de la guillotine. Devant la Convention devant juger le souverain déchu, elle se proposa de le défendre, une proposition balayée d’un coup de vent, la raison, officieusement, son sexe.  Un revers  la confortant davantage dans son militantisme en faveur des femmes et de leur intégration dans la vie publique et politique, des tâches d’avocat ou de notables, traditionnellement réservées aux hommes. Olympe prend la plume et couche sur le papier la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, un texte analogue à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.  Une œuvre prônant l’égalité des sexes, rééquilibrant les dérives de la société, remettant la Femme au même niveau que les hommes, refoulant la société misogyne et patriarcale dans laquelle nous vivons encore actuellement. Parmi ses revendications, admission du divorce,  suppression du mariage religieux remplacé par un contrat ressemblant au pacs, création de maternités, création de foyers pour les plus miséreux , des thèses progressistes en totale adéquation au mouvement libéral touchant la France.  1793, la Terreur gronde, les têtes poudrées et coiffées de perruques tombent. Olympe dans ses écrits s’en prend expressément à Marat, elle l’accuse d’être le responsable des terribles massacres du 2 et 3 septembre 1792. Une folie de révolutionnaires paranoïaques craignant un complot royaliste où le sang a coulé à cause de décisions arbitraires. La monarchie est partie et la dictature s’installe. A quoi bon quitter le pouvoir d’un seul pour le remplacer par la même chose? Olympe s’insurge face à cette dérive antidémocratique. Par une lettre critiquant l’ambiance anxiogène, elle signe son arrêt de mort. Le morceau de papier est censuré par la Convention et le 6 août 1793, c’est devant le tribunal révolutionnaire qu’elle est déférée.  A la prison de Saint Germain, elle se blesse et une infection, nécessitant des soins, se propage. Mettant en gage ses biens, elle finance son transfert à la maison de santé de Marie-Catherine Mahay, un lieu d’incarcération pour personnes fortunées. Retrouvant un milieu de vie plus conforme au sien, elle ne baisse pas les bras et souhaite continuer sa lutte contre l’accaparement du pouvoir par une minorité d’hommes insensés. Le 2 novembre, devant le Tribunal, elle organise sa défense elle-même. Malgré toute la hargne qu’elle met à plaider son cas, la condamnation à mort est prononcée pour avoir soutenu les Girondins.  Feintant d’être enceinte pour retarder le moment fatidique, elle en profite pour rédiger une lettre d’adieu à son fils. Un pli qui n’arrivera jamais à son destinataire. Un enfant devenu adjudant général qui, par ingratitude et craignant d’être inquiété par les inquisiteurs républicains, a fini par renier sa génitrice. Finalement, sur l’échafaud, Olympe monte et par une dernière phrase sous forme d’impératif vengeresque adressé aux Citoyens, la lame de la Veuve a œuvré.   Olympe de Gouge est un personnage historique qui fut trop longtemps oublié des livres d’Histoire. Pourtant son impact a été notable, d’elle a germé tous les mouvements de libération de la femme. Un combat qu’elle a porté sur ses épaules à une période où la misogynie allait de paire avec la domination patriarcale de la société. L’Histoire a été écrite par les hommes, certainement titillés par leurs hormones masculines ne pouvant admettre la place d’une telle militante, ils n’ont cessé d’atténuer son rôle dans la défense des Droits civiques. Ils ont même tenté de la faire passer pour une folle, une femme n’ayant pas tous ses esprits et aux connaissances limitées. Une attitude honteuse car, rédiger les faits passés, demande objectivité et esprit critique.  Sa reconnaissance et sa réhabilitation se fait tardivement, à la fin de la Seconde Guerre Mondiale avec des études venant non pas de France, mais des U.S.A et du Japon. Pour que le pays lui soit reconnaissant, il a fallu l’engouement du bicentenaire de la Révolution en 1989. Les historiens se sont penchés sur son histoire et son oeuvre, puis pris d’émotion par une telle clairvoyance d’esprit et un tel activisme, de nombreuses pétitions ont tourné pour qu’elle soit panthéonisée. Pour l’instant, le sacre n’a pas eu lieu, cependant de nombreux lieux comme des écoles, des salles de conférences, des bibliothèques portent son nom afin de lui rendre hommage.

4 réflexions sur « La mère du féminisme »

  1. [b]Les révolutionnaires terroristes ont été puants de méchanceté en toutes circonstances et en particulier à l’égard de cette femme qui n’a commis que le crime de leur tenir tête avec les meilleurs arguments qui soient: tous les hommes sont égaux… (sous-entendu les femmes aussi)[/b]

  2. [b]L’illustration choisie est vulgaire et ne correspond pas à cette femme courtoise mais néanmoins déterminée sans concession et ce jusqu’à la mort.[/b]

  3. [quote]me. Un combat qu’elle a porté sur ses épaules à une période où[b] la misogynie[/b] allait de paire avec[b] la domination patriarcale[/b] de la société. L’Histoire a été écrite par les hommes, certainement titillés par leurs hormones masculines ne pouvant admettre la place d’une telle militante, ils n’ont cessé d’atténuer son rôle dans la défense des Droits civiques. Ils ont même tenté de la f[b]aire passer pour une folle,[/b] une femme n’ayant pas tous ses esprits et aux connaissances limitées. [/quote]

    3 fois hélas…c’était le sort réservé aux femmes trop modernes et trop intelligentes!!!

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