sd vermineQui sont ces misérables qui ont osé siffler l’hymne national mardi soir au Stade de France ? Qu’on se rassure, ces voyous n’en ont sans doute plus pour longtemps : la ministre de l’Intérieur en personne a fait savoir qu’elle avait ordonné au préfet de Seine-Saint-Denis de saisir immédiatement le procureur de la République de Bobigny. Non, mais. Une enquête est d’ores et déjà ouverte, confiée à la Brigade de répression de la délinquance contre la personne. Au passage, c’est un non-sens : il n’y a pas délinquance contre une personne mais contre l’hymne national. Il faudrait songer à créer une Brigade de répression de la délinquance contre La Marseillaise. Elle serait immédiatement à pied d’œuvre : Alliot Marie a aussi donné comme directive au préfet de Seine-Saint-Denis de "signaler officiellement les outrages à l’hymne national, constitutifs d’un délit, au procureur de la République de Bobigny". Bigre. Et elle menace : les interpellations "déboucheront sur des interdictions administratives de stade". Rapellons que la loi de sécurité intérieure de 2003, brillante œuvre de Nicolas Sarkozy, a déjà créé un "délit d’outrage au drapeau et à l’hymne national", avec lequel on ne plaisante pas du tout : six mois de prison et 7500 euros d’amende.

bachelotOyez, oyez. "Tout match où notre hymne national sera sifflé sera immédiatement arrêté. Les membres du gouvernement quitteront immédiatement l’enceinte sportive où notre hymne national a été sifflé" : la déclaration officielle de la ministre Roselyne Bachelot, en forme de proclamation, est ferme à souhait. La menace que les officiels quittent piteusement la tribune est notamment terrifiante. Elle ordonne d’arrêter le match, mais il s’agit en réalité de ne pas le commencer – il n’a par définition pas débuté, la cérémonie des hymnes précédant évidemment le coup d’envoi. Et une nouvelle bourde de la gourde, Madame "Il faut garer les voitures à l’ombre".

Nous avons donc, par ordre d’entrée en scène, une ministre de l’Intérieur qui met toute ses forces (de l’ordre) dans la bataille de cette gravissime affaire et une autre qui annonce dans la foulée, avec toute la solennité dictée par ces circonstances dramatiques, un nouveau décret-loi. Ajoutons que le Premier ministre François Fillon avait devancé la Bachelot : "Ceux laportequi veulent siffler un hymne national doivent être privés du match auquel ils sont venus assister", a gravement estimé le chef du gouvernement. Pour la bonne bouche, passons à Bernard Laporte, secrétaire d’État aux Sports particulièrement savoureux dans son rôle de second couteau. Avec quelle mæstria le tient-il dans ce vaudeville navrant ! Pour lui, plus de matchs contre les pays du Maghreb au stade de France ! Et méfions-nous aussi des Portugais, il y en a beaucoup dans la région, on ne sait jamais s’ils ne se mettraient pas à siffler, eux aussi. "Il faut arrêter d’être hypocrites", assène-t-il avec toute la force du briseur de tabous décomplexé, ces matches doivent être joués "chez eux, ou alors en province".

supersarkoQuelle affaire d’État ! Qui ne pouvait donc que remonter jusqu’à son sommet : le président Sarkozy lui-même a fait part de sa personnelle "indignation" – mais "a tenu également à rappeler son amour profond du football", ajoute la ministre de la Santé, de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative, hors-sujet. Bien sûr que le chef de l’État se doit d’être le premier indigné, lui qui s’est déjà affirmé depuis 2003 comme le champion des combattants contre les talibans siffleurs de Marseillaise, avec son "délit d’outrage au drapeau et à l’hymne national". Il faut aller plus loin, mais nous faisons confiance au chef de tous ces Superdupont : proposons que tout homme ou femme (à l’exclusion des animaux de compagnie) coupable de ne pas se lever et se mettre au garde-à-vous, main sur le cœur, dès que retentissent les premières mesures d’Allons enfants de la patrie, sera immédiatement jeté en prison. Qui ne chantera pas les paroles sera placé en garde à vue (avec vérifications des mouvements de lèvres sur les images vidéos par des experts en décryptage labial).

copéPoursuivons le relevé des interventions bouffonnes sur ce dossier, avec une valeur sûre de la pantalonnade, Jean-François Copé. Le président du groupe UMP à l’Assemblée a exprimé son "incompréhension" devant l’attitude de "certains jeunes Français qui ne se reconnaissent pas dans la France, dans ses valeurs et qui finissent par siffler l’hymne de leur pays. C’est le symptôme d’une certaine faillite de notre politique d’intégration, de la politique de transmission de notre Histoire collective". Les valeurs de la France ? Mais lesquelles ? Les droits de l’Homme, dans un pays qui pourchasse les étrangers clandestins fabriqués par la machine à produire du chiffre pour le compte du ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale ? Un pays qui sépare des enfants de leurs parents ? Où des êtres humains sont arrachés à leurs proches, à leur vie tout entière, certains préférant se jeter par la fenêtre ou dans un fleuve pour échapper à la police des expulsions, le payant de leur vie ? Ce sont là les valeurs de la France d’après, qui tournent le dos à celles de la France éternelle. C’est la clique UMPiste qui bafoue les valeurs de la France ! "Faillite de notre politique d’intégration", diagnostique le Tartuffe. En fait de politique d’intégration, depuis 2002 et l’avènement du futur président au ministère de l’Intérieur, c’est une guerre sans trêve et un acharnement constant qui sont menés contre les populations d’origine étrangère. On s’étonne que les enfants des banlieues d’origine algérienne, marocaine, tunisienne, constamment stigmatisés en tant que Maghrébins, sifflent ?

france dts hommePire que Copé, est-ce possible ? Bien sûr : n’oubliez pas Frédéric Lefebvre, l’inénarrable porte-paroie de l’UMP : "Il est désolant de voir que des Français aient pu siffler des Français. En sifflant les Bleus, c’est aussi des jeunes Français d’origine tunisienne ou algérienne qui sont sifflés. Quand on est adopté par un pays on respecte son hymne national". Mais oui, mais oui. La France, tu l’aimes ou tu la quittes. Et si tu l’aimes, tu la quittes quand même. En dévoyant les valeurs de la République, le Pouvoir sarkoziste a réussi à détourner la colère contre les symboles de la France. Avec La Marseillaise, on siffle la France des quotas de reconduites à la frontière, on hue le harcèlement policier à l’égard des minorités ethniques, on conspue la chasse au faciès. Honte à ces gouvernants, à commencer par le premier d’entre eux : par calcul bassement politicien, sous prétexte de caresser l’électeur raciste et nationaliste dans le sens du poil, ils mettent la France au ban des humanistes, salissent son honneur, créent et entretiennent la détestation et la haine. Bien plus grave que la bruyante manifestation de ces sentiments dans les tribunes d’un stade, la politique directement responsable de ce type de débordements. Et ces tristes guignols peuvent bien s’offusquer et jouer les vierges effarouchées, au choix pompiers pyromanes ou arroseurs arrosés : quand on persécute systématiquement les fils de l’immigration et les enfants des banlieues, on peut s’attendre à un sale retour de bâton. Bien plus dangereux que des sifflets. Qu’on aura bien cherché.

PS : l’image ci-dessus provient du blog Sarkostique.

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