Jean-Marie Cavada, condiment ordinaire de la politique, convient à toutes les soupes. Celui qui se décrit comme « un homme de centre gauche, un enfant du Delors des années Chaban et du Rocard période Matignon », a mitonné un temps dans la garbure béarnaise du MoDem avant d’accepter de pédaler, en tandem avec Christine Lagarde, dans le crémeux potage UMP du chef Sarkozy. Cordonbleu ! En voilà un de plus qui ne marche pas que dans l'Absolu. Je le verrais plutôt en Judas période fin de Christ. Pareille ratatouille, ça vaut minimum trois étoiles au guide Margoulin. Explications toquées et recette détaillée !

Nouveau venu en politique avec seulement 3 années de métier, Jean-Marie Cavada peut s’enorgueillir d’un parcours mené sur un train à faire passer le transsibérien, ses 9 500 kilomètres et ses 990 gares, pour un sous tortillard de banlieue Ouzbeke. Je ne puis résister à l’envie de citer quelques phénoménales, à défaut d’être prophétiques, déclarations qui ont émaillé le parcours étincelant de cet homme de 67 ans, passé à vitesse lumière des studios de Radio France aux portes du XIIème arrondissement de Paris avec l’avidité implacable d’une comète hâlée avalant d’un trait le gouffre sidéral qui sépare les plateaux de télévision de ceux de… fromages.

 

Souvenons nous de celui qui, appelé, le 24 mai 2007 au Zénith, à la tribune du mouvement démocrate par Marielle de Sarnez en ces termes « Il est un de ceux qui a le mieux analysé, le mieux compris ce qu'est la société française, il a été un grand journaliste et l'honneur de ce pays et du journalisme, je suis heureuse d'appeler Jean-Marie Cavada », avait répondu « Chers amis, voici venu pour nous et pour quelques années, le temps d'une implacable vigilance, mais d'une vigilance loyale à l'honneur et au bien de ce pays… ».

Je laisse ici le lien vers la vidéo du discours dans son intégralité, tant il est soyeux et pénétrant de consolation pour le militant Modem de base, de caresser, d’une défection l’autre, ces admirables concepts d’« honneur », de « bien de ce pays » et de « vigilance implacable ». Même si pour ma part, doté d’un coefficient intellectuel oscillant entre l’oursin et le télésiège, je dois confesser ne pas être sûr d’en saisir l’exacte portée universelle ou même, plus simplement, la réalité.

 

« Sarkozy lui a promis la Culture », avance-t-on au QG de Françoise de Panafieu 2008 qui s’y connaît en la matière si j’en juge par « l’abécédaire Delanoesque », aussi pitoyable que celui de Jean-François Kahn, qui tient lieu de colonne vertébrale à sa campagne… Promettre la Culture ? Damme, quelle perle ! A ce rythme on va vite être à sec de maroquins… Puis-je modestement suggérer à notre omni président de créer tout de go un ministère de la Lune doté d’un sous  secrétariat aux monts et merveilles qu’il pourrait faire miroiter à tous mercantis, maquignons, trafiquants et fricoteurs qui pullulent en son bon royaume de France… Un cabinet dont la porte serait largement ouverte pour que tous les filous puissent librement humer les subtiles effluves du pouvoir…

 

En octobre 2007, Jean-Marie Cavada, dans un entretien diffusé sur Canal+ n’excluait pas de rentrer au gouvernement mais affirmait qu’il était « plutôt pas » intéressé par une candidature aux municipales. Puis, selon son propre aveu, il a « beaucoup réfléchi avant de prendre sa décision en faveur de l'UMP ». Moi-même, j’ai cru un bref moment qu’il lui avait été difficile de choisir entre la voix de sa conscience et celle des électeurs du XIIème arrondissement de Paris. Après tout, il aurait pu être contrarié, peiné, rebuté à l’idée d’abandonner un compagnon de route, seul au volant de son tracteur, si loin des champs Elyséens. «  Se vendre ou ne pas se vendre », on imagine bien le monologue anxieux de cet Hamlet des temps modernes. De ce René attendant impatiemment les orages désirés qui devaient l’emporter dans les espaces d'une autre vie.

 

Ô rassurez vous, ce n’étaient pas les remords qui bourrelaient Jean-Marie ! Dans la suite de l’interview sur Canal+ il dit ne pas avoir « une idée très précise de ce qu'il faut faire dans tel ou tel arrondissement » et avoue « Je ne me sens pas réellement l'homme d'une situation municipale ». Ainsi, l’hésitation ne reflétait que l’appréhension, naturelle et légitime, d’un homme affublé d’une vision politique qui lui garantirait sans coup férir la troisième paire à l’œil chez Afflelou et la grand croix de commandeur de l’ordre des Frères Lissac… L’embarras du chômeur diabétique à qui on propose un boulot chez Lenôtre, le têtu dilemme du flic daltonien préposé à la circulation.

 

Mais il s’est vite ravisé en s’avisant qu’en politique, les visées tiennent souvent lieu de vision. Tel le cavalier surgi hors de la nuit, il courut donc vers l’aventure au galop, signant son virage d’un Z plus proche aujourd’hui de SarkoZy que de Télé Z. « J’ai épuisé tous les recours de la loyauté avec Bayrou » confia-t-il au Figaro le 25 novembre 2007 pour justifier sa volte face.

Malheureusement, dans le milieu, le mérite ne saurait se mesurer à la seule toise de l’audimat d’une émission vieille de 10 ans. Et on lui fit savoir qu’une tenace ambition ministérielle valait bien un petit effort municipal. Ainsi, la notion du ridicule, s’il en exista jamais une poussière en lui, s'évanouit-elle. Et Jean-Marie Cavada, prêt à toute contorsion, à se carrer, se cuber, pour s’élever à n’importe quelle puissance, embraya illico la marche arrière du siècle pour se caler sur celle de l’empereur et se garer derrière Nicolas Sarkozy. Quel formidable créneau !

 

On a beau faire gober n’importe quoi aux électeurs, « L’avaleur n’attend pas le nombre des âneries » dit le proverbe, j’espère tout de même que ceux du XIIème se souviendront un peu des paroles de M Cavada, en mars 2008, quand l’heure aura sonné pour eux de faire avancer la démocratie, ne fût-ce  que du pas de l’insecte, en glissant, fourmis, leur vote dans l’urne.

 

Au terme de ce billet, je suis désolé d’avoir été si sarcastique, si pamphlétaire, d’avoir nigaudement abusé d’humour troupier pour travestir une certaine forme d’ahurissement qui me prend à la vue des moeurs politiques de notre temps. C’est probablement ma façon, au fond bien romantique, d’exprimer mes sentiments. Et puis les occasions de copieuse rigolade sont si rares aujourd’hui. Allez ! Comme aurait dit ce cher Henri IV, chaque époque possède ses Ravaillac et… la mairie de Paris vaut bien une kermesse !

 

Sources 

Intervention de Jean-Marie Cavada à la tribune du mouvement démcrate en mai 2007.

Dépêche AFP suite à l’entretien de Jean-Marie Cavada sur canal+ en octobre 2007.

Entretien de Jean-Marie Cavada au Figaro en novembre 2007.