La mafia napolitaine aux trousses de l’auteur du livre scandale, Gamorra

Cet homme, surprotégé par les forces de police, n'est ni un homme politique ni une célébrité aux multiples frasques. Il s'agit du journaliste free-lance, Roberto Saviano, 29 ans, auteur du livre Gomorra, dans l'empire de la camorra. Vendu à plus d'un millions d'exemplaires, ce bestseller dégage un nauséeux parfum de scandale, en raison du sujet sensible que l'écrivain a pris le risque d'aborder : l'ouvrage décrit l'action de la mafia napolitaine au cours de ces dernières décennies. Rien n'y est laissé au hasard, les noms des parrains y sont cités,  la description y est minutieuse et criante de vérité. Il n'est donc guère surprenant que l'écrivain agace, au point de faire l'objet de menaces de mort à répétition et d'être placé sous protection policière depuis 2006.Le triomphe de l'adaptation cinématographique, sortie cet été en France, n'a rien fait pour arranger les choses, loin s'en faut! 

Mais, une question se pose : qui est derrière l'écran de fumée opaque, laissé par le clan mafieux de la Camorra?

La réponse n'est désormais plus un secret : il s'agit du clan Casalesi, originaire du nord-ouest de Naples, Casale di Principe.

Bien plus qu'une simple famille, la mafia napolitaine s'est construit grâce à un vaste réseau de collaborateurs, parmi lesquels les femmes et les jeunes tiennent un place centrale. Saviano constate que les premières sont désormais plus violentes que leurs confrères, d'où le développement des règlements de compte et assassinats de femmes. Quant aux jeunes, l'écrivain déplore leur enrôlement de plus en plus tôt, la plupart étant apâtés par les promesses de luxe dignes du mythe Scarface. Le problème est que l'entrée dans la Camorra est irréversible et la mort n'en devient que l'unique issue, à l'image de cette anecdote dont a été témoin l'auteur; lors d'une fusillade, un camorriste s'est servi d'une jeune fille de 14 ans comme bouclier, simplement parce-qu'elle "était au mauvais endroit au mauvais moment". La scène a de quoi glacer le sang…

La traque du romancier a donc de quoi inquiéter et, Saviano en est pleinement conscient. Ainsi, lorsque le mafieux repenti, Carmine Schiavone, a révélé que la Camorra envisageait l'exécution de son ennemi public numéro 1  avant Noël, la police napolitaine a aussitôt redoublé de vigilance.

Selon Schiavone, l'attentat de Saviano et de son escorte devait avoir lieu sur un tronçon d'autoroute, reliant Rome et Naples. Cette intention ne va pas sans rappeler l'assassinat du juge Falcone, victime d'un lourd attentat à la bombe ne lui laissant aucune chance de s'en sortir. 

Aujourd'hui, Roberto Saviano a fait savoir son désir de quitter l'Italie, "du moins pendant un moment et après on verra", a déclaré l'intéressé. Ses proches le disent épuisé par la paranoïa, qu'il a développé après le scandale du livre, et par la pression de la population locale, se rangeant par peur du côté de la mafia.  

"Cette solitude a fait de moi un mauvais homme. Je suis devenu soupçonneux et méfiant. Je veux une vie, je veux une maison. Je veux tomber amoureux et boire une bière en public. Je veux rencontrer sans peur ma mère. Je veux rire et non, parler de moi comme si j'étais un malade en phase terminale".

Qui pourrait l'en blâmer?