Officiellement réticente à l’intervention en Libye, la Chine a pris soin de s’y opposer juste ce qu’il fallait pour apparaitre hostile sans pour autant empêcher l’opération de se faire. Car fidèle à sa tradition, la Chine a très rapidement su cerner tout ce que cette guerre pouvait lui offrir, bien qu’elle n’y participe pas.
Restée en retrait des initiatives interventionnistes de la communauté internationale sur la question libyenne, la Chine avance, pourtant, patiemment ses pions sur la question.
En effet n’ayant rien fait pour qu’une intervention se fasse en Libye, la Chine a sciemment laissé faire les « occidentaux ». Comprenant qu’il y avait certainement plus de gains éventuels à choisir la prudence. Si l’intervention ne se faisait pas, l’honneur était sauf.
Mais comme elle est en train de se faire, autant chercher à en tirer profit, géopolitiquement parlant. C’est un peu le calcul des autorités de Pékin en ce moment.
Et de fait la Chine multiplie les incursions armées aux abords de la Libye, mais toujours sous l’apparence de sa non-intervention. Car plus qu’à une démonstration de force directe ce qu’entend faire l’empire du milieu c’est une démonstration de son pacifisme belliqueux.
Drôle d’oxymore pour une expression voulant dire que sans faire la guerre, voire en la refusant, les autorités chinoises veulent, elles aussi, bénéficier des nouveaux rapports de force se dessinant actuellement en Méditerranée.
Le rapatriement très médiatisé de ses ressortissants
A cette fin la Chine s’est empressée de, brillamment, faire rapatrier ses 36000 ressortissants bloqués dans le pays. Bien évidemment les médias officiels n’ont pas manqué de saluer la performance, réelle, admettons-le. Le gain escompté pour Pékin est multiple.
Tout d’abord montrer sa capacité de projection rapide et massive, même loin de ses bases.
Ensuite assurer une présence militaire réelle non loin des théâtres d’opération, mais sans que l’emploi de ces « armes » ne soit agressif. Dans la foulée du rapatriement de ses compatriotes la Chine a ainsi porté certains de ses navires en Méditerranée. C’est le cas, par exemple, de la frégate lance-missile le Xuzhou, qu’accompagnaient des avions de transport militaire.
De même ne négligeons pas l’apport symbolique de l’attitude chinoise. Forte d’une telle démonstration de puissance elle s’affirme, sans combattre, comme l’une des armées les plus habiles du monde.
Enfin notons l’importance du symbole, toujours important en politique. La Chine s’est introduite militairement dans ce qui constitue le berceau maritime de la puissance et de la civilisation européenne : la Méditerranée.
L’Afrique, que la Chine convoite, n’est pas loin, non plus, des ambitions chinoises, à travers ce comportement.
Un grand écart idéologique politiquement profitable
Mais un tel déploiement semble rompre avec la ligne non-interventionniste et non-impérialiste du pouvoir chinois. Il « semble » et c’est pour en rester aux faux semblants que le comportement chinois est habile et profitable.
Car certes, la Chine reste à l’écart de la guerre. De même reste-telle fidèle à ses refus de voir s’ériger des guerres au nom des droits de l’homme. Mais les actes, eux trahissent une attitude contraire.
Que le régime se vante d’avoir si bien réussit le rapatriement de ses ressortissants tout en taisant ses gains de puissance militaire corrélatifs, montre un autre abord de la question : la possibilité, pour le régime de se faire mieux voir par sa propre « opinion publique ».
Aux gains géopolitiques correspondent donc les bénéfices de légitimité, face à sa propre population, pour le régime. Et ce selon deux axes :
Tout d’abord en pouvant assurer à tous les chinois que le régime les défendra peu importe l’endroit où ils se trouvent. Démonstration intéressante pour un peuple dont 900000 de ses membres travaillent à l’étranger. On connait l’obsession du régime pour la performance économique, cette politique d’expatriation massive de ces travailleurs y contribuant, il est très intéressant de se montrer rassurant sur la question.
Ensuite sur la question du nationalisme. Pékin qui brille dans les opérations de rapatriement et de diplomatie afférentes à la crise libyenne c’est toute la Chine qui affirme sa puissance. Là aussi le gain espéré est d’importance puisqu’il s’agit de flatter la fierté patriotique de tout un chacun des chinois. Quand on sait que le nationalisme reste la valeur idéologique montante pour peu à peu se substituer à l’idéal communiste, auquel plus personne ne croit dans le pays, on comprend ce qu’en attend le régime.
http://www.asahi.com/english/TKY201103230209.html
http://rustyjames.canalblog.com/archives/2011/03/22/20700672.html
http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/0201247175026.htm
Grégory VUIBOUT
La non-ingérence est une constante dans la politique chinoise depuis très longtemps.
Le rapatriement de ses ressortissants en cas de nécessité a toujours fait l’objet d’une communication importante depuis qu’elle envoie des coopérants à l’étranger.
La seule différence notable est qu’elle a envoyé un bateau de guerre récupérer 36 000 ressortissants, mais la coalition n’était pas encore intervenue.
Si logique de puissance et interventionnisme il y a, c’est celle de la France, parce qu’entre envoyer des bombes sur un pays et récupérer des réfugiés il y a une nuance qui n’échappe à personne me semble-t-il.